Intervention de François Bourdillon

Commission d'enquête Évaluation politiques publiques face aux pandémies — Réunion du 16 septembre 2020 à 14h30
Table ronde avec des acteurs institutionnels

François Bourdillon, ancien directeur général de Santé publique France :

J'étais très attaché au sujet de l'acculturation. Nous avions communiqué fortement en 2019 à l'occasion de la pandémie grippale sur les mesures barrières notamment, or l'épidémie qui a suivi a été beaucoup plus faible. Nous étions donc un certain nombre à Santé publique France à penser qu'une stratégie de marketing social sur la promotion des mesures barrières - dont les masques « à la japonaise » - pouvait avoir un certain impact. La grippe est une préoccupation majeure à Santé publique France depuis que j'en ai pris la direction. Chaque année, nous constatons un excès de quelque 10 000 à 15 000 morts. Nous voulions promouvoir la vaccination et nos modèles montraient que 10 % de vaccination supplémentaire permettait de faire baisser de 500 le nombre de morts. Nous considérions qu'une campagne de marketing social pendant l'épidémie de grippe, associée à la campagne de vaccination, pouvait donc réduire le nombre de morts.

Nous partagions cette logique avec la DGS, mais cette dernière était plus favorable à une expérimentation visant à montrer l'efficacité d'une telle campagne. Quant à nous, nous considérions qu'une telle expérimentation était terriblement difficile et risquait de ne pas apporter de réponse. Nous avions eu le même débat sur la question du tabac avant de lancer la campagne « le mois sans tabac » : fallait-il commencer par une expérimentation dans trois régions ou pas ? Très courageusement, la ministre Marisol Touraine avait choisi de lancer une opération nationale, estimant que trop de retard avait déjà été pris. Santé publique France est donc favorable à la promotion des masques de manière générale, au travers d'une campagne de marketing social, tandis que la DGS favorisait une expérimentation.

Une agence sanitaire - c'est le cas aussi pour la DGS - est soumise à des crises de sécurité sanitaire en permanence : Ebola, attentats, Irma, et d'autres crises moins visibles. Tout cela coûte de l'argent ; quand il y a des difficultés, on tire sur les enveloppes de protection, puis sur celles de prévention. Je l'ai écrit dans mon livre : la sécurité sanitaire peut tuer la prévention, et même la protection. L'idée de stocks tournants était donc probablement une bonne idée, mais c'était de l'assurance. Le contexte n'a pas été vraiment favorable.

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