Je m'exprimerai sur l'organisation de l'agence, car la santé publique serait un sujet très vaste.
Santé publique France est une agence toute nouvelle, que j'ai créée. Son organisation est, selon moi, aujourd'hui fonctionnelle. Se pose également la question des moyens ; on compte à peu près 650 agents à Santé publique France. En Angleterre - je parle bien de l'Angleterre seule et non de la Grande-Bretagne -, il y a 8 000 personnes ; voilà le fossé dans l'investissement public entre chez nous et outre-Manche.
Maintenant, quels sont les manques en matière de santé publique ? Considérons les situations sanitaires exceptionnelles, dont fait partie la situation actuelle ; ce qui fait probablement le plus défaut, pour en avoir discuté avec Santé publique France, c'est la taille des cellules régionales. Ces cellules sont chargées de l'épidémiologie régionale - cela permet à Santé publique France de ne pas être aveugle - et des investigations ; chacune d'elles compte entre 5 et 10 personnes, ce qui est, à mon sens, totalement sous-dimensionné pour faire face à ce genre de situation et pour procéder correctement aux investigations.
Sur l'expertise, l'Europe procède à des évaluations rapides du risque, ou risk assessment. Je me demande si l'agence ne devrait pas également mener, de manière officielle et transparente, du risk assessment rapide, c'est-à-dire disposer d'une expertise publique mobilisable rapidement et qui permette d'alerter le Parlement et les autres acteurs.
En ce qui concerne les stocks, on est repassé d'un stock pour la population à un stock stratégique. Un stock stratégique centralisé me semble plus à même de répondre à la diversité des situations que, par définition, on ne connaît pas, de manière à pouvoir répondre à l'urgence, que cela concerne l'hôpital, la ville ou une entreprise, en étant le plus réactif possible. Au-delà de la pandémie grippale, la centralisation de l'estimation des besoins me paraît importante.
Par ailleurs, l'établissement pharmaceutique et les réservistes sont dimensionnés pour être des fonctions dormantes. L'établissement pharmaceutique représente moins de 10 personnes, dont 2 sont affectées à la logistique. Si l'on conduit un travail important d'acquisition de masques, on fait appel à des réservistes sanitaires alors que l'on aurait besoin d'un minimum de structuration.
Pour ce qui concerne la fonction de prévention, Santé publique France est très sous-dotée. La prévention contre l'alcool, la drogue et le tabac représente moins de 10 personnes, alors qu'il s'agit des principaux déterminants de santé et c'est à peu près équivalent pour la nutrition. On aurait vraiment besoin de compter plus d'experts et d'agents opérationnels chargés du marketing social. En outre, il faudrait investir les populations ; on a commencé de le faire pour les personnes âgées et la petite enfance, mais c'est très insuffisant pour correspondre aux critères des grandes agences de santé publique.
Enfin, si j'avais une recommandation concernant la surveillance, je dirais que l'accent doit être mis sur l'environnement ; le rêve des environnementalistes serait d'avoir, à l'instar de la plateforme de données en santé (health datahub), un datahub en environnement, afin de croiser les données de santé et les données d'environnement. Néanmoins, cela impliquerait, là encore, de disposer des ressources pour mener les études et identifier les liens entre facteurs d'exposition et état de santé.