Ma première question porte sur la divergence entre ce que vous dites et ce nous avons constaté sur le terrain. Le décret portant sur la reconnaissance des maladies professionnelles a été publié ; or les soignants, s'ils n'ont pas été oxygénés, ne bénéficieront pas de cette reconnaissance. De même, tous ceux qui s'occupaient des autres - services d'aide à domicile, foyers de travailleurs ou de migrants - n'avaient aucune protection. Vous mentionniez des retours d'expérience avec les professionnels ; ce n'est pas seulement avec eux qu'il faut le faire, c'est avec tout le monde, avec les citoyens et les élus.
Vous affirmez qu'il ne faut pas de masques FFP2 pour la population ; je n'en suis pas sûre, les maires, certains citoyens, n'en ont-ils pas besoin ? On voit, au travers de cette audition, que l'État ne se remet pas en cause et que sa crédibilité dans la gestion de la crise sanitaire se pose. Pourquoi n'a-t-on pas mis en oeuvre le plan Pandémie ?
J'en viens au rôle de Santé publique France et à la coordination avec la DGS. Nombre de maires nous ont dit qu'ils ne connaissaient absolument pas Santé publique France et que cette agence ne s'occupait certainement pas de logistique. Les masques destinés au département du Rhône ont par exemple été expédiés en Maine-et-Loire et on a attendu quinze jours pour les récupérer. Il y a un véritable problème, à l'échelon non des territoires, mais de l'organisation de l'État.
Mme Buzyn a déclaré à l'Assemblée nationale que la gestion des stocks stratégiques de masques relevait non pas du ministre, mais de Santé publique France. Elle a assuré ne pas avoir eu connaissance du courrier adressé par celle-ci à la direction générale de la santé, en septembre 2018, qui faisait part de la péremption d'une part importante du stock. En outre, la doctrine précisait bien qu'il fallait 1 milliard de masques. Elle a d'ailleurs indiqué qu'elle avait reçu une note. Cela signifie donc que des fonctionnaires d'État n'ont pas vérifié les stocks.
Le rôle des fonctionnaires d'État consiste à définir et à mettre en oeuvre les politiques publiques, mais aussi à en suivre l'application, sans quoi personne n'a plus de responsabilité et on ne sait plus qui fait quoi.
Que pensez-vous de la déclaration de Mme Buzyn selon laquelle il faudrait remettre en cause le rôle des agences sanitaires ? Selon elle, apprendre en 2018 qu'une partie des stocks est périmée pose le problème de la dilution des compétences en gestion de crise et réduit peut-être la réactivité des agences. Elle ajoute qu'il faudrait une agence dédiée aux crises en général. Pourquoi n'a-t-elle pas été informée de cette péremption des stocks en 2018 ? Par ailleurs, de 2018 à 2020, qu'est-ce qui a été fait pour reconstituer ces stocks ? Qu'ont fait les fonctionnaires chargés de vérifier les stocks ?
Quant aux masques, vous nous dites : « afin d'éclaircir l'évolution sur les stocks stratégiques, afin de mobiliser toutes les compétences, afin de mettre en oeuvre l'adéquation optimale des moyens d'intervention ». Vous nous parlez d'études stratégiques, mais vous semblez avoir hésité quant aux produits périmés, vous être demandé si la doctrine était toujours la même. Selon M. Bourdillon, les experts n'auraient pas compris le changement de doctrine. Mais qui fait la doctrine ? Est-ce le directeur général de la santé, Santé publique France, ou bien le ministre de la santé ?
Vous nous avez dit espérer avoir 1 milliard de masques à la fin du mois, mais de combien de masques de différentes catégories disposez-vous à ce jour ? Vous devez le savoir !
Au début de la crise, alors qu'on savait qu'il s'agissait d'infections respiratoires, les masques étaient réservés aux soignants, mais certains d'entre eux nous ont dit avoir donné leurs masques aux patients de réanimation qui ne les avaient pas mis eux-mêmes. Pourquoi n'a-t-on pas dit aux gens de se protéger, même avec des foulards ou d'autres textiles ? Pourquoi le principe de précaution n'a-t-il pas été mis en oeuvre en la matière ?
Enfin, quelle est l'organisation actuelle des stocks, y compris des stocks de médicaments, sur lesquels il y aurait de graves tensions ?