Intervention de Marisol Touraine

Commission d'enquête Évaluation politiques publiques face aux pandémies — Réunion du 17 septembre 2020 à 9h30
Audition de Mme Marisol Touraine ancienne ministre de la santé

Marisol Touraine, ancienne ministre de la santé :

C'est aussi une question très globale, car il ne s'agit de rien de moins que de l'organisation institutionnelle de la gestion d'une crise.

Santé publique France est une agence assez jeune, car elle a 5 ans. Elle est encore en phase, sinon de croissance, du moins de maturation et de définition d'une culture à diffuser dans l'ensemble du pays.

Disons-le d'emblée, la taille et le périmètre d'action de Santé publique France me paraissent aujourd'hui satisfaisants. Je suis très dubitative face à certaines propositions d'élargissement du périmètre de cette agence. J'ai ainsi entendu évoquer l'idée d'un regroupement avec l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses) ; je vous préciserai, si vous le souhaitez, le fondement de mes réserves structurelles fondamentales par rapport à ce rapprochement institutionnel. En tout état de cause, Santé publique France me semble être une structure bien installée et reconnue.

Quel doit être son rôle ? Santé publique France dispose de petites antennes au sein des agences régionales de santé (ARS). Depuis sa création, un débat oppose les partisans d'une autorité administrative indépendante et ceux, dont je suis, qui souhaitent placer clairement cette agence sous la tutelle du ministère de la santé ; c'est d'ailleurs ainsi dans les autres pays. En effet, lorsque l'on est confronté à des enjeux de souveraineté sanitaire et de protection de la population, il n'est pas envisageable que les décisions ultimes dépendent d'une autorité administrative indépendante et non du responsable politique.

Ma position à cet égard est très claire, peut-être est-elle aussi très traditionnelle : selon moi, en démocratie, ceux qui décident in fine doivent être ceux qui sont élus, ceux qui ont reçu un mandat de la population directement ou de façon déléguée, via le Président de la République. Le responsable politique doit assumer les décisions ; les agences et les administrations sont là pour éclairer, informer, suggérer et éventuellement - veuillez me pardonner cet anglicisme - challenger l'orientation du ministre.

Quelle place Santé publique France ou toute agence sanitaire doit-elle occuper dans la gestion d'une crise comme celle que nous connaissons ? Elle doit avoir une place de premier rang dans le conseil, y compris physiquement. En temps normal, Santé publique France, pour la période de 2015 à 2017, et les agences regroupées dans cet organisme - l'Institut de veille sanitaire (InVS), l'Institut national de prévention et d'éducation pour la santé (INPES), l'Établissement de préparation et de réponse aux urgences sanitaires (EPRUS) et Addictions Drogues Alcool Info Service -, pour la période de 2012 à 2015, se réunissaient une fois par mois, autour du directeur général de la santé, pour traiter de l'ensemble des questions qui les intéressaient.

Par ailleurs, entre 2013 et 2017, peut-être dès 2012, il y avait une instance spécifique centrée sur le directeur général de la santé, le comité d'animation sanitaire des agences (CASA). J'ai renforcé l'importance de cette structure informelle, en l'inscrivant dans la loi du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé ; c'est donc devenu un dispositif officiel. Il est présidé par le directeur général de la santé, voire, si les circonstances l'exigent, par le ministre chargé de la santé et il se réunissait, lorsque j'étais aux affaires, selon un rythme hebdomadaire autour du directeur général de la santé.

Par ailleurs se sont tenues des réunions régulières entre mon directeur de cabinet et les directeurs d'agence et j'ai moi-même rencontré ces derniers en période de crise. Ainsi, j'ai reçu, de façon très fréquente, lors de crises, le directeur de l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) et François Bourdillon m'a rencontrée lors d'épisodes de grippe, à propos du virus Zika, de la dengue et du chikungunya.

Ce fonctionnement peut, peut-être, être amélioré ou précisé, mais le fait qu'une agence fasse des propositions sur ses compétences à une autorité politique, laquelle arbitre et décide, me semble être le bon dispositif.

Vous m'interrogez spécifiquement sur les tests ; je n'ai pas été amenée à mettre en place ce genre de dispositifs, mais la définition d'une stratégie générale relève, à mon sens, de l'autorité politique, sur proposition, le cas échéant, d'une agence ou de la direction générale de la santé ; ensuite, sa déclinaison est confiée à des organismes spécifiques.

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