Intervention de Marisol Touraine

Commission d'enquête Évaluation politiques publiques face aux pandémies — Réunion du 17 septembre 2020 à 9h30
Audition de Mme Marisol Touraine ancienne ministre de la santé

Marisol Touraine, ancienne ministre de la santé :

Madame Cohen, les conseils des agences se sont-ils perdus ? Honnêtement, je n'en sais rien. En tout cas, lorsque j'étais ministre, je réunissais ou consultais les directeurs d'agence que je devais voir, ainsi que le directeur général de la santé.

Oui, nous avons assuré une maîtrise des dépenses, mais les dépenses hospitalières n'ont cessé d'augmenter, y compris entre 2012 et 2017, ce qui m'a d'ailleurs valu un certain nombre de critiques. De plus, les fermetures de lits n'ont pas été un enjeu majeur dans tous les secteurs.

Contrairement à ce que j'entends parfois, l'emploi a augmenté à l'hôpital entre 2012 et 2017 : pendant ces cinq années, les hôpitaux publics ont gagné 36 000 soignants et, globalement, 56 000 agents. C'est une augmentation significative.

Quant au nombre de lits, il doit être manié avec précaution. Le nombre de lits en médecine a connu une légère augmentation - 700 lits ont été créés entre 2012 et 2017. Quant à la baisse significative en chirurgie, elle s'explique par le développement de la chirurgie ambulatoire. Ce mouvement se poursuit. Il correspond à une réalité internationale. La volonté est que les patients puissent rentrer chez eux plus rapidement, que des opérations aujourd'hui moins lourdes que par le passé se déroulent dans des conditions différentes. Je pense au déploiement de l'hospitalisation à domicile, ou encore aux hôtels hospitaliers - leur nombre est encore insuffisant, mais j'espère qu'il augmentera -, où l'on peut suivre les personnes pendant vingt-quatre heures.

On ne peut pas, d'une part, affirmer qu'il faut impliquer davantage la médecine libérale et renforcer la médecine ambulatoire et, d'autre part, considérer que l'on doit continuer à faire à l'hôpital ce qui peut aussi se faire en ville.

Je le maintiens, la baisse du nombre de lits en chirurgie s'explique par le développement de la chirurgie ambulatoire. À cet égard, la France était en retard par rapport à ses voisins. En France, en 2011-2012, 36 % d'actes de chirurgie étaient réalisés en ambulatoire, contre 50 % dans les pays du Nord. Évidemment, ces chiffres ont dû évoluer depuis lors.

Pour ce qui est de la réanimation, il faut également faire preuve de beaucoup de précautions. Les comparaisons peuvent être trompeuses. L'Allemagne affiche des nombres de lits de réanimation très élevés, mais, dans cette catégorie, elle comprend des lits que nous n'incluons pas dans cet ensemble.

Grosso modo, en 2009, la France dénombrait 6 200 lits de réanimation au sens strict, moins de 5 000 en 2012 et un peu plus de 5 000 en 2013. Puis, le chiffre s'est stabilisé jusqu'en 2017. Pour ce qui concerne les lits, nous distinguons la réanimation, les soins intensifs et les soins de surveillance continue. J'ai lu dans la presse des déclarations de certains responsables de sociétés savantes et de syndicats dans le domaine de la réanimation. Selon eux, le nombre juste de lits de réanimation au sens strict s'établirait aux alentours de 6 000.

Il faut aussi savoir reconnaître ce qui a fonctionné. Un des grands succès que nous avons connus lors de cette crise, c'est la montée en puissance du nombre de lits dans les hôpitaux, assurée en lien étroit avec les ARS. À ce titre comme pour les transferts de malades, ces agences ont beaucoup travaillé avec les hôpitaux. La France a fait preuve d'un esprit d'innovation tout à fait remarquable.

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