Intervention de Roselyne Bachelot

Commission d'enquête Évaluation politiques publiques face aux pandémies — Réunion du 17 septembre 2020 à 11:5
Audition de Mme Roselyne Bachelot ancienne ministre de la santé

Roselyne Bachelot, ancienne ministre de la santé :

En qualité de ministre de la santé, j'ai été confrontée à l'épidémie de grippe H1N1. Il ne s'agit pas de rouvrir une commission d'enquête sur cette pandémie, qui date de 2009. L'Assemblée nationale y a consacré des travaux extrêmement fouillés, à l'instar du Sénat, dont la commission d'enquête était présidée par le regretté François Autain, Alain Milon étant rapporteur - c'est dire si ces travaux ont été exhaustifs et pugnaces.

Les nombreuses auditions ont été complétées par le témoignage d'un grand nombre de responsables, et mes services ont transmis tous les documents nécessaires. Dans les dix années qui ont suivi ces deux commissions d'enquête, décennie riche en interrogations et en mises en cause, aucun élément n'a pu inspirer le moindre soupçon quant à mes déclarations de l'époque. Elles n'ont seulement pas pu être considérées comme incomplètes, ou invalidées a posteriori, bien au contraire.

Ma conduite et mes décisions ont été guidées par plusieurs principes.

Premièrement, conduire une politique, ce n'est pas suivre une croyance. C'est encore moins faire un pari. Face à une pandémie infectieuse, il ne peut y avoir qu'une seule conduite : la précaution maximale, appuyée sur des mesures denses et larges. Toute déchirure dans le cordage de la raquette sera la porte d'entrée d'un virus, toujours sournois, quel qu'il soit.

Deuxièmement, si la décision doit être scientifiquement étayée, je reprendrai volontiers ce que John Maynard Keynes disait des économistes : « Il convient de ne pas les mettre au volant, mais de les installer sur la banquette arrière du véhicule. » L'expertise doit donc être pluridisciplinaire. En particulier, elle doit faire largement appel aux sciences humaines et sociales.

Troisièmement, aucune pandémie ne ressemble à une autre. Il faut donc se méfier comme de la peste des leçons du passé et des fameux « retours d'expérience » dont nous sommes si friands. Les plans de lutte imaginés à froid sont des brodequins d'acier qui contraignent la décision politique. Nous avons besoin d'outils, nous n'avons pas besoin de procédures.

Dans ce cadre, je ne donne aucune leçon à mes successeurs. Je ne juge pas leur action, tant je connais la difficulté de leur tâche. Je ne suis pas devant vous pour faire des commentaires ou exprimer des positions, mais bien pour expliquer, si vous le souhaitez, la genèse de certaines décisions.

J'en appellerai à votre indulgence. Ces faits se sont déroulés il y a onze ans. Vous m'excuserez de ne pas avoir consulté tous les matins les documents y afférents. Parmi les collaborateurs qui m'accompagnaient dans cette action gouvernementale, certains sont morts, d'autres occupent des fonctions éminentes ailleurs, d'autres encore sont à la retraite. Ils ne peuvent m'assister dans cette tâche.

Pendant cette pandémie, j'ai reçu le soutien sans faille du Président de la République, Nicolas Sarkozy, et du Premier ministre, François Fillon. Ils ont appuyé et guidé mes choix sans jamais les entraver ou les ralentir par des considérations budgétaires. Cette commission d'enquête me donne une nouvelle occasion de leur rendre hommage.

L'enjeu, maintenant, c'est de bâtir ensemble une société résiliente face aux risques sanitaires, technologiques ou encore environnementaux. Cette lutte ne pourra résulter de la seule action des partenaires publics. Elle devra impliquer l'ensemble de la société par la diffusion d'une véritable culture du risque, au sens large.

Il n'y a pas, d'un côté, des politiques vilipendés, mis en accusation, et, de l'autre, des citoyens parés de toutes les vertus et quasiment sanctifiés. J'ai pu mesurer les sacrifices, l'ingéniosité, le sens du bien commun de beaucoup de Français, qu'ils soient soignants, agents des administrations, ministres ou membres de leurs cabinets. Je pense à tous ceux qui assurent notre vie au quotidien, et ce propos liminaire me permet de leur exprimer ma reconnaissance.

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