Intervention de Roselyne Bachelot

Commission d'enquête Évaluation politiques publiques face aux pandémies — Réunion du 17 septembre 2020 à 11:5
Audition de Mme Roselyne Bachelot ancienne ministre de la santé

Roselyne Bachelot, ancienne ministre de la santé :

Bien sûr, je vais répondre à certaines questions.

Pour ce qui concerne l'expertise scientifique, je n'ai pas constitué de commission ad hoc. Je n'ai pas à juger du fonctionnement retenu au titre de l'épidémie actuelle ; n'étant pas ministre de la santé, je ne dispose pas des éléments me permettant d'en juger finement.

Tout d'abord, je me suis tournée vers les analyses de l'Organisation mondiale de la santé. En effet, c'est l'OMS qui a qualifié l'épidémie et son niveau de dangerosité. C'est l'OMS qui, de manière extrêmement rapide - en quelques semaines, si ma mémoire est bonne -, a fixé le niveau de gravité de l'épidémie, pour le porter au niveau 6b sur une échelle de 7.

Ensuite, je me suis tournée vers un ensemble d'organisations scientifiques, notamment la Haute Autorité de santé (HAS) et le comité technique des vaccinations. J'ai veillé à réunir régulièrement, presque tous les soirs, des experts de différents niveaux autour de moi : infectiologues, épidémiologistes, pneumologues, réanimateurs, mais aussi médecins généralistes et spécialistes en sciences humaines. Une épidémie est un objet non seulement médical, mais aussi social et politique. Dans mes contacts, j'ai toujours veillé à convoquer les sciences que l'on appelle sottement « molles » et que je préfère appeler les sciences humaines.

J'ai également pris l'avis du Comité consultatif national d'éthique (CCNE). La vaccination, en particulier, pose des questions éthiques. Doit-elle être coercitive ? C'est sur l'avis du CCNE que nous avons décidé que la vaccination ne pouvait en aucun cas être obligatoire, même pour certaines personnes plus exposées. C'est aussi sur l'avis du CCNE que nous avons décidé que ne pouvions pas choisir des publics cibles et que nous devions, autant que possible, être à même d'offrir la vaccination à l'ensemble de la population. Cette expertise a toujours été à la fois scientifique, sociale et presque philosophique.

Je me suis penchée sur la situation des personnes âgées en Ehpad à différents moments de ma vie, et c'est effectivement un sujet qui m'anime. Encore maintenant, même si j'ai été obligée de renoncer à mes fonctions exécutives à ce titre, je m'occupe d'une association qui organise des concerts pour les personnes atteintes d'Alzheimer - je crois à l'efficacité de la musique sur les fonctions cognitives des personnes âgées.

Lors de l'épidémie, nous avions porté une attention toute particulière aux personnes âgées en Ehpad. En vous référant à mes auditions de l'époque, vous constaterez que ces personnes ont été spécialement protégées. Nous avons fait en sorte qu'elles soient les premières vaccinées, puisque nous disposions de vaccins.

Les ARS n'étaient pas encore en fonction lors de cette épidémie. La loi qui les a créées date de juillet 2009. Nous avons installé des préfigurateurs d'ARS de 2009 à 2010 et ces structures sont devenues opérationnelles en 2010.

Cela étant, la nécessité d'une organisation administrative sanitaire est apparue au cours de cette épidémie et - j'en suis convaincue - les ARS auraient été fort utiles dans ces circonstances. Elles nous ont sans doute manqué pour organiser l'action de la meilleure façon, en particulier pour décloisonner le système de santé.

Le précédent système était en tuyaux d'orgue - la médecine de ville, l'hôpital et le médicosocial étaient cloisonnés. Le décloisonnement est au coeur de la philosophie des ARS ; c'est leur ADN. Cet objectif a-t-il été atteint ? Je n'ai pas les éléments d'analyse fine permettant de le dire. C'est vous qui la ferez : je ne vais pas, pour ma part, tenir des propos de comptoir.

On peut trouver des défauts dans toutes les organisations humaines : j'en conviens volontiers. Lors d'une crise, on peut même constater, ici ou là, des défaillances. Un bilan d'étape peut être utile et vous le ferez certainement.

Ce qui est sûr, c'est qu'une nouvelle administration a besoin de temps pour s'installer. Or les ARS ont subi de plein fouet la réforme territoriale alors qu'elles étaient encore des administrations adolescentes. Cette réforme a été, pour elles, un véritable coup de poignard. Elle leur a imposé des réorganisations territoriales compliquées.

J'ai gardé beaucoup de liens avec mes anciens directeurs d'ARS. Peut-on faire une confidence devant une commission d'enquête ? Je les appelle mes bébés. (Sourires.) C'est dire si nous avons gardé des liens affectifs extrêmement puissants...

À mon sens, une ARS décloisonnée est une absolue nécessité pour gérer une telle crise. J'y insiste, l'organisation peut certainement être améliorée ; mais, selon moi, ce constat ne met en cause ni le modèle ni le concept.

Je l'ai dit publiquement et je le répète : je n'ai conçu la création des ARS que comme une première étape vers une régionalisation beaucoup plus forte du système de santé. Pour moi, elles préfiguraient les objectifs régionaux de dépenses d'assurance maladie, les Ordam, en vertu d'un modèle auquel le Sénat est très attaché, à savoir une territorialisation beaucoup plus intense.

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