Intervention de Sibeth Ndiaye

Commission d'enquête Évaluation politiques publiques face aux pandémies — Réunion du 23 septembre 2020 à 9h30
Table ronde sur la communication de crise : mme sibeth ndiaye ancienne porte-parole du gouvernement et m. yves sciama président de l'association des journalistes scientifiques de la presse d'information ajspi

Sibeth Ndiaye, ancienne porte-parole du gouvernement :

L'épidémie commence - avant même qu'on ne parle d'épidémie - lorsque la Chine signale des cas de pneumopathie atypique, le 31 décembre 2019. On s'interroge alors : de quoi il s'agit exactement ? Dès le 10 janvier, le ministère de la santé envoie des messages d'alerte aux agences régionales de santé (ARS) sur l'existence de cette pneumopathie. On ne sait pas à l'époque s'il y a transmission interhumaine. Dix jours plus tard, alors que l'OMS a confirmé la veille la transmission humaine, la ministre de la santé donne une première conférence de presse pour évoquer ce nouveau virus qui vient de Wuhan. Elle en fait donc ainsi un sujet de discussion politique. L'exécutif n'a donc fait preuve d'aucune légèreté, mais a lancé l'alerte avant même que l'OMS ne parle d'urgence de santé publique internationale ou même de pandémie. Quelques jours après cette conférence de presse, nous avons constaté un premier cas en France, qui était un cas importé.

Le 26 janvier, une réunion interministérielle s'est tenue sur l'initiative du Premier ministre où étaient présents la ministre des armées, le ministre de l'intérieur, la ministre de la santé, et le porte-parole du gouvernement, ainsi que le directeur de cabinet du ministre des affaires étrangères. Le sujet central concernait le rapatriement éventuel de nos compatriotes qui se faisait alors sur la base du volontariat. Aucune donnée ne nous permettait alors d'envisager la nature de la crise qui se profilait.

Un mois plus tard, les interviews que je donnais étaient encore majoritairement consacrées au sujet de la réforme des retraites. La première question sur la crise m'a été posée dans une interview du 28 janvier, sous l'angle du rapatriement. Le sujet est ensuite monté en puissance dans les médias au cours du mois de janvier. L'actualité principale restait la réforme des retraites.

Lors du conseil des ministres que vous mentionnez, nous avons passé la majorité du temps à informer l'ensemble des membres du gouvernement sur la situation de ce début d'épidémie, sur les dispositions qui devaient être prises, et nous avons consacré un peu de temps, effectivement, mais moins important, à l'article 49-3. Il faut tenir compte de cette perception de la situation en contexte.

Je ne crois pas du tout qu'il ne puisse pas y avoir de transparence et d'horizontalité en temps de guerre. La maturation de la démocratie fait que désormais les citoyens n'ont plus le petit doigt sur la couture du pantalon pour obéir à des injonctions politiques. Il faut de la pédagogie et de la compréhension, et c'est grâce à la transparence que l'on crée l'adhésion. Cette transparence s'impose à nous quand bien même nous ne l'aurions pas, dans la mesure où des experts médicaux vont sur les plateaux de télévision, et où énormément de personnes prennent la parole sur les réseaux sociaux, chacun étant au fond son propre média. Nous ne pouvons pas l'ignorer et l'exécutif a le devoir de répondre à cette exigence de transparence. Pour autant, le conseil de défense sanitaire est couvert par le secret-défense. Même si tout n'est pas rendu public, le maximum doit l'être.

Nous sommes rentrés dans l'épidémie de manière concentrée, en sachant que nous marchions dans des sables mouvants. Quand nous interrogions les sachants, ils hésitaient, ils ne savaient pas complètement, car nous n'avions jamais été confrontés au virus.

Enfin, je crois que nous avons souffert, au cours de cette crise, d'un défaut d'acculturation scientifique de la population française. Quand nous expliquions qu'il fallait des semaines pour expérimenter la validité d'un traitement, les gens ne comprenaient pas, s'étonnant que ce ne soit pas oui ou non, blanc ou noir : « Comment, vous, qui êtes censés être l'élite politique et médicale, vous êtes incapable de nous dire si c'est maintenant ! Et vous nous expliquez que les hypothèses doivent être testées, qu'il faut que plusieurs bras expérimentaux sur les médicaments convergent pour donner la même réponse, et que c'est seulement à partir de là que vous pourrez donner une réponse définitive ! ».

Les difficultés que nous avons eues à expliquer cela tiennent sans doute au rapport que notre société a au temps : on veut d'un claquement de doigts toutes les réponses à toutes les questions qu'on se pose. Si un décideur politique argue qu'il faut prendre du temps et réfléchir, on l'accuse d'atermoiement. Rappelez-vous au moment du déconfinement ceux qui voulaient ouvrir tout de suite les parcs et jardins, alors qu'il restait des incertitudes sur les risques.

En aucun cas, le gouvernement n'a manqué de célérité, de concentration ou d'attention au moment d'entrer dans cette pandémie.

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