Intervention de Sibeth Ndiaye

Commission d'enquête Évaluation politiques publiques face aux pandémies — Réunion du 23 septembre 2020 à 9h30
Table ronde sur la communication de crise : mme sibeth ndiaye ancienne porte-parole du gouvernement et m. yves sciama président de l'association des journalistes scientifiques de la presse d'information ajspi

Sibeth Ndiaye, ancienne porte-parole du gouvernement :

Durant la campagne présidentielle et législative, le futur président de la République souhaitait faire une partie de tennis un jour de week-end électoral sans y convier de journalistes. Un journaliste s'en est aperçu et m'a vivement interpellée, ce à quoi j'ai répondu que j'assumais parfaitement de mentir quand il s'agissait de protéger un moment de vie privée, qui n'avait rien à voir avec le moment politique dans lequel nous étions. Compte tenu du contexte dans lequel ces propos ont été tenus, vous comprendrez qu'ils n'avaient rien à voir avec une éventuelle velléité de mentir sur les décisions que pourrait prendre le gouvernement. Au cours de la crise du coronavirus, j'ai systématiquement relayé les informations qui étaient à ma disposition ainsi que les décisions qui ont été prises par mes collègues du gouvernement, dont, je le répète, je suis parfaitement solidaire.

Il faut prendre garde aux lectures rétrospectives. Si certaines informations comme la séquence ARN du virus nous ont été communiquées très facilement par la Chine, ce n'est pas le cas de toutes. En tout état de cause, je peux vous dire avec certitude que de manière très précoce, dès lors que nous avons eu une alerte sur cette nouvelle pneumopathie, nous avons anticipé cette crise, à tel point que nous avons procédé à l'évacuation des ressortissants français depuis Wuhan, dispositif relativement rare et souvent réservé aux zones de guerre. Le rapatriement de nos compatriotes a été organisé en quelques jours malgré les difficultés que nous avons rencontrées, notamment pour les conjoints de Français qui n'étaient pas de nationalité française. Il montre que nous avions pleinement conscience de la nécessité d'agir.

Vous avez indiqué que la communication n'était pas suffisamment bienveillante. La communication de crise a connu trois grandes phases. Entre la fin du mois de janvier et jusqu'au confinement, l'objectif de la communication institutionnelle était d'expliquer ce qu'était le coronavirus et de faire en sorte que les Français adaptent leurs comportements - mettre des distances physiques entre eux, se laver les mains. Pour motiver le changement de comportement, notre communication a consisté à dramatiser l'enjeu au fur et à mesure. Il fallait que chacun comprenne qu'une évolution individuelle des comportements était nécessaire au bien-être collectif.

La deuxième phase de la communication gouvernementale institutionnelle a consisté dans le fameux slogan « Restez chez vous ». Pour freiner la propagation de l'épidémie, il fallait que les gens aient le moins d'interactions physiques avec d'autres personnes. C'est là que les choses se corsent, parce qu'il faut en même temps assurer la continuité de la vie économique, et donc, que des gens sortent de chez eux. Le message est très simple, mais il faut expliquer pourquoi il admet des nuances.

La troisième phase de la communication gouvernementale commence au moment du déconfinement. Notre message est alors qu'il faut rester prudent, car, si l'épidémie commençait à décroître, nous étions extrêmement préoccupés par le fait que le virus circulait toujours et qu'il pouvait circuler de manière de plus en plus active. Il fallait donc préserver l'acquis comportemental.

Par cette communication institutionnelle, nous avons à chaque fois essayé d'expliquer de manière pédagogique dans quelle phase nous étions et pourquoi nous devions adapter nos comportements. Certaines injonctions ont parfois été contradictoires, mais elles devaient l'être, par exemple quand la plupart devaient rester chez eux, mais que certains devaient continuer à travailler.

Concernant les écoles, le consensus scientifique a évolué. Au départ, on a pensé que les enfants étaient en quelque sorte des super-contaminateurs et qu'il fallait fermer les écoles. Puis la connaissance a évolué, et il semblerait aujourd'hui que l'on pense l'inverse. Face à l'inconnu, la décision politique s'adapte, y compris pour des sujets aussi lourds que l'ouverture ou la fermeture des écoles.

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