Intervention de Sibeth Ndiaye

Commission d'enquête Évaluation politiques publiques face aux pandémies — Réunion du 23 septembre 2020 à 9h30
Table ronde sur la communication de crise : mme sibeth ndiaye ancienne porte-parole du gouvernement et m. yves sciama président de l'association des journalistes scientifiques de la presse d'information ajspi

Sibeth Ndiaye, ancienne porte-parole du gouvernement :

Dans la gestion de cette crise, mon cabinet s'est appuyé sur le centre de communication de crise du ministère de la santé. Notre idée était de ne pas démultiplier les portes d'entrée dans toutes les agences sanitaires diverses et variées, au risque de produire de la confusion. Nous avions un interlocuteur intégré au centre de crise du ministère de la santé qui validait les messages d'un point de vue scientifique et sanitaire.

Nous travaillions également avec le Service d'information du Gouvernement qui, dans le cadre de la foire aux questions publiée sur le site gouvernement.fr, effectuait les vérifications auprès des ministères compétents. Plusieurs niveaux de validation étaient prévus afin de garantir qu'on ne publie rien de mensonger ou de faux.

Certains éléments de notre stratégie de gestion de la crise, et donc, de notre communication pouvaient paraître antinomiques. Les slogans « Restez chez vous » et pour certains « Allez travailler » étaient antinomiques, et pourtant ils étaient tous deux justifiés. La cohérence non seulement à un instant T, mais aussi dans le temps a été un enjeu de cette communication de crise.

Par exemple, on a découvert récemment que la transmission du coronavirus ne faisait pas seulement par les gouttelettes et de manière manuportée, mais également par aérosol. Cela a des implications, notamment sur les gestes barrières. Or les gens pourront se dire à bon droit qu'il y a deux ou trois mois, on leur avait dit autre chose.

De par mon métier de communicante, je suis assez convaincue qu'on arrive rarement à s'approprier la popularité des autres. J'étais ministre, et non plus conseillère du Président de la République lorsqu'il a rendu visite au professeur Raoult, mais c'est ce que j'aurais dit si l'on m'avait interrogée. Je crois que le Président de la République a simplement souhaité comprendre tous les points de vue, montrer que nous n'étions pas un camp contre un autre et que nous donnions les moyens aux personnalités scientifiques qui proposaient des solutions de les tester.

Dans une situation de très forte pression médiatique, je considère qu'il vaut mieux être présent dans les médias et admettre ce que l'on ne sait pas plutôt que de laisser dire que le gouvernement se cache et refuse de venir parler devant les Français de la gestion de la plus grande crise sanitaire que nous ayons connue de manière contemporaine. La nature ayant horreur du vide, l'espace serait vite rempli par les complotistes et les fake news.

Cette crise a été caractérisée par une inflation absolument dantesque des fausses informations, dont un nombre non négligeable était à caractère médical, depuis le conseil de boire de l'eau de javel jusqu'à l'utilisation de racines de gingembre. C'était au point que nous avons identifié un vrai risque de santé publique.

Nous avons mis en place, par exemple sur WhatsApp, des messageries de Chatbot qui permettaient de poser des questions et d'avoir des réponses automatiques sur des sujets clairs. Nous avons mené un gros travail avec les plateformes de réseaux sociaux, dont j'ai réuni les représentants à trois ou quatre reprises avec le ministre chargé de la protection de l'enfance et le ministre chargé du numérique. Nous avons mené un travail en bonne intelligence, car il y a eu une prise de conscience de leur responsabilité particulière. Le SIG a notamment travaillé sur les moyens d'identifier des sources fiables, et les plateformes ont mis en avant des messages de santé publique relatifs au coronavirus.

Enfin, je dois avouer que la page du Gouvernement a été une maladresse. Compte tenu du flot de fausses informations auquel nous étions confrontés, nous avons voulu donner aux Français une information fiable et vérifiée. La page du Gouvernement consacrée au coronavirus était un des hubs majeurs de recherche de l'information puisqu'elle recevait plus de 750 000 visiteurs uniques par jour. Nous avons donc essayé de fournir ce qu'on appelle le debunking d'une information, c'est-à-dire sa vérification. Le SIG, qui était porteur de ce projet, avait fait très attention à ne pas aller dans la zone grise, c'est-à-dire éviter les sujets sur lesquels il n'y avait pas de vérité admise, par exemple l'hydroxychloroquine. En revanche, nous savions qu'il ne fallait pas ingérer d'eau de javel.

Notre objectif n'était pas du tout de trier les bons et les mauvais journalistes, les bons et les mauvais médias, les bonnes ou les mauvaises informations. Dès lors qu'il s'agissait de sujets factuels, et non d'opinions, nous renvoyions vers des articles de plusieurs fact checkers sur une même information.

Force est de reconnaître que cette initiative n'a pas été comprise, et c'est la raison pour laquelle le Service d'information du Gouvernement a fait le choix de retirer cette page. Notre intention n'a pas été comprise, mais je veux redire qu'elle n'était pas malveillante à l'égard des médias.

Le sujet de la fausse information est majeur, car il peut miner les fondements de la démocratie. C'est à mes yeux l'un des sujets sur lesquels il faut travailler pour la gestion des crises à venir.

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