Nous sommes en train de vivre une crise sanitaire mondiale d'une ampleur inégalée depuis au moins un siècle, et qui continue à l'heure où siège votre commission. J'ai une pensée toute particulière pour les familles qui ont été touchées et pour celles qui le seront encore. Aucun d'entre nous ne peut se sentir épargné, même s'il est indemne. L'impact économique et social ne peut laisser personne indifférent.
Les soignants ont été en première ligne pour accompagner cette première vague et il faut leur être infiniment reconnaissant d'avoir mené cette bataille aux côtés des malades. Notre système de santé a failli être débordé par la vague, mais grâce à eux il a tenu et tout le monde a pu être pris en charge.
Vouloir comprendre ce qui s'est passé et savoir si nous aurions pu faire mieux est donc plus que légitime, et je comprends que c'est l'objet de votre commission. Elle devra faire avec la complexité. Tous les jours, nous découvrons des informations nouvelles. Ces connaissances qui concernent les modes de transmission du virus - gouttelettes, mains, puis selles, maintenant aérosols - évoluent : sur les personnes les plus contaminantes - les enfants, initialement porteurs très contagieux, ne sembleraient plus être aussi contaminants -, sur la contagiosité des asymptomatiques, des présymptomatiques ou des supercontaminateurs, sur la durée d'incubation, évaluée d'abord à quatorze jours, puis plutôt à sept - mais en février, nous avons eu même une alerte sur trois semaines -, sur des formes chroniques et sur le risque de mutations.
Avec ces données, tous les pays passent leur temps à adapter leur stratégie au gré des recommandations des autorités sanitaires et de ce que vit la population dans son quotidien. C'est pénible, mais c'est inévitable. Et il est probable que, dans six mois, les questions que nous nous poserons seront encore différentes.
Tous les jours sur les plateaux télé, vous avez entendu nos experts faire part de leurs certitudes et montrer aussi beaucoup de contradictions. Beaucoup ont d'ailleurs changé d'avis : le virus partira l'été, puis l'hiver, il n'y aura pas de deuxième vague, puis elle arrive...En réalité, la connaissance des choses n'est pas instantanée. Elle nécessite une démarche scientifique rigoureuse teintée de beaucoup d'humilité, qui prend du temps.
Les sujets de polémiques ont évolué, eux aussi, au cours du temps. Il y a eu la fermeture des frontières, puis la prise de température dans les aéroports, l'application StopCovid - obligatoire, pas obligatoire -, le port du masque - un peu, puis partout -, le confinement, les tests sérologiques utiles puis inutiles, et enfin les tests de dépistage. Il est fort à parier que, dans un mois ou deux, nous aurons encore d'autres sujets de débat. Le rôle d'un responsable politique est d'anticiper, de comprendre les enjeux et de prendre les décisions nécessaires pour protéger au mieux la population de son pays, dans un contexte incertain et changeant, en se basant sur les avis des autorités compétentes.
Depuis janvier 2020, chacun d'entre nous est devenu un spécialiste de la filtration des masques FFP2 ou de la durée des anticorps neutralisants. Beaucoup donnent leur avis sur l'éthique des essais cliniques ou deviennent d'ardents défenseurs de l'immunité collective. Bref, cette crise a profondément modifié la compréhension de ces questions pour les Français et leur perception des enjeux scientifiques. Aujourd'hui, tout le monde sait ou croit savoir ce qu'il fallait faire. Si je tiens ces propos, c'est que j'entends dans les commentaires des uns et des autres une contraction du temps qui rend les propos tenus ou les décisions prises à un moment précis parfois incompréhensibles pour le grand public à l'aune de ce que nous savons neuf mois plus tard. Cette commission d'enquête est pour moi l'occasion de les expliquer et de remettre systématiquement mes décisions, mes propos et mes actes dans le contexte de ce que l'on connaissait à l'époque. C'est indispensable.
Je vous remercie et je suis prête à répondre à toutes vos questions.