Intervention de Agnès Buzyn

Commission d'enquête Évaluation politiques publiques face aux pandémies — Réunion du 23 septembre 2020 à 15h00
Audition de Mme Agnès Buzyn ancienne ministre des solidarités et de la santé

Agnès Buzyn, ancienne ministre des solidarités et de la santé :

Je vais répondre sur les tests.

Le 1er février, on m'annonce le déploiement des tests dans tous les établissements de santé de référence susceptibles de recevoir des cas. Je rappelle qu'à la date du 15 février, lorsque je pars du ministère, 12 cas en France ont été détectés, et il n'y a pas eu de chaîne de transmission. Il y a eu ensuite un déploiement des tests dans les hôpitaux, comme le veut le plan pandémie grippale. Je confirme qu'à ce stade, il n'y a absolument aucune sollicitation des laboratoires de ville, car ce n'est pas le sujet. Je ne peux pas témoigner de ce qui s'est passé après mon départ.

Le mercredi 5 février, nous envoyons le septième message aux ARS afin de leur demander d'organiser les services d'urgence et de constituer des stocks de masques chirurgicaux pour les contacts des malades identifiés. Nous envoyons un cinquième message DGS urgent aux professionnels libéraux.

Le 6 février, il y a 6 cas confirmés en France, et nous réalisons à cette date environ 90 tests par jour sur des cas suspects ; c'est à peu près ce qui remonte des centres 15. Une réunion a lieu entre le SGDSN et la DGS sur la constitution d'un stock d'État. Nous actons un achat conjoint de masques au niveau européen. Nous demandons l'achat de 29 millions de masques FFP2 pour les secteurs hospitaliers, les Ehpad et le secteur libéral. Nous demandons aux usines françaises d'ouvrir de nouvelles lignes de production. Une réunion a lieu au ministère avec les représentants de toutes les professions de santé.

Le vendredi 7 février, je demande à Santé publique France de constituer un stock d'État de masques, gants, charlottes, lunettes, surchaussures et de solution hydroalcoolique. Je donne mon accord sur le troisième scénario que me propose la DGS concernant les professionnels libéraux, lequel prévoit qu'on leur distribue des kits comprenant des masques. Je donne mon accord pour la délivrance aux établissements de santé et aux Ehpad d'un stock d'amorce de masques pour couvrir les besoins d'un mois. Nous diffusons un avis pour le traitement du linge, le nettoyage des locaux et la protection des personnels.

À cette date est identifié le premier cluster français des Contamines-Montjoie, où doivent être testés les 200 enfants des 3 écoles dans lesquelles est passé l'enfant contaminé. Il y a 5 cas contacts, dont un touriste londonien.

Le samedi 8 février, nous en sommes à notre quatrième réunion des ministres à Matignon autour du Premier ministre. Nous faisons le point sur la situation et décidons de fermer les 3 écoles pour 14 jours, de mettre en quarantaine les 200 enfants avec leurs familles ; je rappelle que nous sommes en pleine saison de ski et il est très compliqué d'obtenir cette quarantaine aux Contamines-Montjoie.

Le dimanche 9 février, je me déplace à Grenoble auprès des élus et des familles pour expliquer la quarantaine et assister aux tests. Nous procédons à notre troisième opération de rapatriement des Français de Hubei.

Le lundi 10 février, je fais une réunion au ministère avec REACTing, en présence de Frédérique Vidal, pour savoir où en sont leurs recherches et l'état de leurs connaissances. Personne n'est capable de répondre à l'une de mes questions : « Quel est le niveau de persistance du virus sur les surfaces ? » Nous savons tous en effet que le virus respiratoire colle au bois, au métal, au papier, mais pas combien de temps.

Mardi 11 février, nous envoyons le huitième message aux ARS pour leur expliquer l'ensemble de la doctrine en leur demandant de se mettre en configuration de crise niveau 2. L'OMS organise une première réunion d'experts internationaux autour des traitements.

Le mercredi 12 février a lieu le deuxième G7 des ministres de la santé. Nous parlons essentiellement des quarantaines et nous échangeons surtout sur notre difficulté à obtenir de nos agences de santé publique des scénarios probants.

Le 12 février, je confirme pour la deuxième fois mon refus d'envoyer des équipements de protection individuelle en Chine à la suite d'une nouvelle demande du MAE. Nous envoyons un neuvième message aux ARS, relatif aux points d'entrée sur le territoire.

Le jeudi 13 février, je demande qu'on me transmette non plus l'état des stocks dans les hôpitaux, mais une vision globale des stocks nationaux dans les secteurs privé et public, dans les officines, chez les grossistes répartiteurs en solution hydroalcoolique, équipements de protection individuelle, respirateurs, machines de circulation extracorporelle, litres d'oxygène, saturomètres et télémédecine. Je me dis en effet que les médecins libéraux vont devoir suivre les malades en ambulatoire. Je demande une doctrine très claire sur les masques chirurgicaux et FFP2, notamment pour les soignants. J'envoie un courrier, signé de ma main, de mobilisation maximale à tous les directeurs d'ARS.

Le 13 février, je me rends au Conseil Escop extraordinaire à Bruxelles - ma première demande à cet égard date du 24 janvier. Le Conseil conclut à l'achat groupé de matériels et à une vigilance particulière sur les pénuries de médicaments. Je ne peux pas dire que le niveau d'inquiétude soit le même pour tous les ministres européens.

Le vendredi 14 février, la veille de mon départ, j'active le plan Orsan REB, qui est l'équivalent du plan Orsec dans le champ de la santé. Cela veut dire, pour moi, que tout le monde est en ordre de bataille pour faire face à une épidémie qui arriverait.

Je reviendrai sur la question des masques. Selon le risk assessment de l'ECDC du 14 février, jour où je déclenche le plan Orsec, il y a au total 44 cas dans l'Union européenne et au Royaume-Uni, tous en lien avec Wuhan et donc tous importés. Le risque pour la capacité des systèmes de santé de l'Union européenne qui résulterait d'une transmission généralisée au plus fort de la pandémie grippale est considéré comme faible à modéré. Le risque associé à l'infection par la covid pour la population de l'Europe est faible.

Au moment où je pars, le 15 février, j'ai mis en place la stratégie de détection précoce des cas dans les hôpitaux, la quarantaine de 14 jours, des tests pour les cas index et leurs contacts, les indemnités journalières pour les quarantaines. Il n'y a aucune épidémie hors de Chine, dans aucun pays. L'Europe compte 44 cas, tous importés du Wuhan. La France compte 12 cas, dont le dernier date de 9 jours. Le dernier cas date du 7 février. Nous sommes toujours au stade 1 de l'épidémie. Le premier cas français dans l'Oise est survenu le 25 ou le 26 février, c'est-à-dire 10 jours après mon départ. Durant 18 ou 19 jours, il n'y a eu aucun nouveau cas. La pandémie a été déclarée par l'OMS le 11 mars, c'est-à-dire près d'un mois après mon départ.

Je ne peux pas laisser dire que l'appareil d'État ne s'est pas mis en marche. Ensuite, je veux bien parler des masques, monsieur le rapporteur.

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