Intervention de Agnès Buzyn

Commission d'enquête Évaluation politiques publiques face aux pandémies — Réunion du 23 septembre 2020 à 15h00
Audition de Mme Agnès Buzyn ancienne ministre des solidarités et de la santé

Agnès Buzyn, ancienne ministre des solidarités et de la santé :

Madame la rapporteure, je ne sais pas quels sont ces pays ; il faudrait le demander au Quai d'Orsay, qui gérait la situation dès lors qu'il s'agissait de l'Europe ; Jean-Yves Le Drian et moi étions d'ailleurs en contact étroit.

Pour répondre à votre question sur l'appareil d'État, monsieur le rapporteur, nous n'avons pas cessé d'agir. Le problème est le suivant : nous avons considéré qu'il y avait un risque potentiel à un moment où cela n'était pas largement partagé. Je n'ai jamais, face aux décisions que j'ai prises, eu la moindre demande de qui que ce soit d'aller plus loin, plus vite, plus fort. Je pense même que toutes ces décisions étaient totalement sous le radar de la plupart de nos concitoyens, de la plupart des experts, lesquels n'ont cessé pendant les 2 mois où j'étais présente de minimiser les risques dans les médias.

Vous savez, le problème dans ces cas-là, c'est que vous subissez aussi le « syndrome Roselyne Bachelot » : tout le monde vous regarde comme quelqu'un qui perd ses nerfs. C'est d'ailleurs ce que dit le professeur Raoult lorsque je vais recevoir les Français de Wuhan à Carry-le-Rouet, le 31 janvier. Il publie un grand article en première page de La Provence et de Corse-Matin, dans lequel il explique à quel point nous sommes fous et que lui, grand spécialiste des maladies infectieuses, sait que ce n'est pas un virus méchant, que ça n'est pas un sujet et que les politiques, comme d'habitude, perdent leurs nerfs... Il faut faire avec tout ça, monsieur le rapporteur !

J'ai demandé quel était l'état des masques le 21 janvier. Le professeur Flahault vous a dit lui-même qu'il avait tweeté sur les masques le 26 janvier. J'ai demandé, le jour où j'ai eu connaissance de l'état des stocks, que l'on en recommande. On s'est rendu compte qu'il n'y avait pas de masques pour les soignants parce qu'il n'y avait pas de stock d'État pour eux : c'est la première chose que nous avons réglée... Il n'y avait pas de raison de commander un stock pour le grand public.

S'agissant des masques, vous posez la question : « Aurait-on pu faire mieux ? » Je pense sincèrement que peu de ministres ont été autant en alerte et en action que moi à cette période-là en Europe. Nous avons activé tout ce que nous savions faire. Le problème, c'est que les masques sont fabriqués à Wuhan : lorsque l'on a lancé la commande, Wuhan était déjà fermée. Si l'on avait voulu éviter une pénurie, il aurait fallu lancer la commande avant le 22 janvier. Mais avant cette date, il n'y avait que 6 décès.

Vous me permettrez, monsieur le président, de répondre plus avant à M. le rapporteur Jomier sur les stocks de masques parce que cette question m'a valu de recevoir beaucoup de menaces de mort, en raison de quelques articles à charge.

Je voudrais revenir sur l'historique de ces stocks. L'objectif de cette commission est de comprendre les dysfonctionnements. Or l'histoire est longue. On peut se poser la question suivante : jusqu'où le dernier qui gère se doit-il d'assumer des décisions ou des défauts d'appréciation successifs ? À mon avis, la question de la bonne gestion des masques n'a plus été un sujet d'alerte depuis la crise de la grippe A H1N1 de 2009.

J'ai essayé de faire rétrospectivement, en vue de cette commission, la lumière et l'historique sur cette question, avec les données à ma disposition. Vous l'avez compris lors des auditions de la semaine dernière, rien de particulier ne m'est remonté concernant les masques. J'ai compris, lors de l'audition de Marisol Touraine, que rien ne lui était remonté non plus puisqu'elle l'a répété trois fois, ajoutant qu'elle faisait confiance à son DGS, Benoît Vallet. Moi aussi d'ailleurs, puisqu'il est resté 8 mois à mes côtés avant son remplacement par Jérôme Salomon en janvier 2018. Pas plus qu'à Marisol Touraine, Benoît Vallet ne m'a parlé des masques.

Je vais vous livrer mon analyse, ayant hérité d'une situation qui n'a cessé d'évoluer depuis 2005, date de la constitution des stocks pour la grippe aviaire H1N1.

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