Intervention de Agnès Buzyn

Commission d'enquête Évaluation politiques publiques face aux pandémies — Réunion du 23 septembre 2020 à 15h00
Audition de Mme Agnès Buzyn ancienne ministre des solidarités et de la santé

Agnès Buzyn, ancienne ministre des solidarités et de la santé :

Si la question des stocks de masques n'a pas été remontée, c'est, je pense, en raison d'un traumatisme lié à la gestion de la grippe H1N1. Roselyne Bachelot l'a d'ailleurs payé : tout le monde a parlé de gabegie. De nombreuses révisions des pratiques et procédures s'en sont ensuivies, beaucoup d'acteurs ayant le sentiment qu'il ne fallait pas en faire trop.

La notion de stocks stratégiques d'État émerge en 2001, à la suite de la crise des enveloppes contaminées par le bacille du charbon aux États-Unis. Il s'agit alors de couvrir différentes menaces d'origine naturelle, accidentelle ou malveillante. Ces stocks ont été constitués au fur et à mesure de l'évolution de la perception des différents risques, le processus décisionnel variant d'un produit à l'autre en fonction du poids attribué au risque. Un document de doctrine globale a été élaboré par la DGS, en présence de toutes les agences et du SGDSN, en janvier 2018 : il y est bien expliqué qu'il faut revoir tous les cinq ans la hiérarchie des risques et adapter les stocks.

Depuis une dizaine d'années, on distingue clairement les moyens tactiques dont sont dotés les établissements de santé pour la gestion des situations exceptionnelles, financés par les missions d'intérêt général et d'aide à la contractualisation (Migac), et les stocks stratégiques, du ressort de l'État, qui viennent en complément pour maintenir une capacité d'intervention et soutenir les plans gouvernementaux. Ces stocks stratégiques sont acquis et gérés par Santé publique France pour le compte de l'État.

En ce qui concerne les stocks de masques pour les soignants, Xavier Bertrand signe, le 2 novembre 2011, une instruction aux ARS et aux préfets de zone pour la préparation de la réponse aux situations exceptionnelles, notamment dans le domaine de la santé. L'annexe 2 de cette instruction prévoit que l'Établissement de préparation et de réponse aux urgences sanitaires (Éprus) doit contractualiser avec les ARS pour les aider à gérer les stocks tactiques d'équipements, ceux qui sont au plus près des populations, en cas de crise.

Le sens principal de l'instruction de Xavier Bertrand est que, en cas de crise, les stocks des établissements de santé doivent être décentralisés au plus près des besoins. Elle ne mentionne pas explicitement les masques, mais vise l'ensemble du matériel nécessaire à la gestion d'une crise sanitaire ; à l'annexe 4, une note fait d'ailleurs mention des équipements personnels de protection.

S'agissant des masques chirurgicaux, le Haut Conseil de la santé publique rend, en mars 2011, un avis relatif à la stratégie à adopter en matière de stocks de masques respiratoires en cas d'émergence d'un agent hautement pathogène. Il recommande, pour déterminer le dimensionnement des stocks d'État, de disposer de stocks tournants, de s'assurer des possibilités de fabrication et d'approvisionnement pendant une crise, notamment si la demande internationale est élevée, ce qui suppose de diversifier les sources d'achat, et de ne pas changer les recommandations du plan pandémie grippale de 2009.

En pratique, le Haut Conseil de la santé publique préconise de recommander le port du masque anti-projections chirurgical par les sujets malades, à l'instar des pratiques ayant cours dans les pays asiatiques, ainsi que pour les sujets fragiles souffrant de pathologies respiratoires. Il rappelle que les sept essais menés pendant les épisodes de grippe saisonnière, qui constituent le plus haut niveau de preuve atteignable pour l'évaluation de ces interventions, ne mettent pas en évidence une efficacité des masques respiratoires en population générale.

Le 13 mai 2013, le SGDSN, sur la base de l'avis de 2011 du Haut Conseil de la santé publique, revoit la doctrine des stocks tactiques et stratégiques et renvoie aux employeurs privés et publics la responsabilité de constituer un stock pour protéger leur personnel. Le dimensionnement des stocks est sous-tendu par la durée prévisible d'une épidémie : il l'estime entre huit et douze semaines pour la grippe.

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