Intervention de Agnès Buzyn

Commission d'enquête Évaluation politiques publiques face aux pandémies — Réunion du 23 septembre 2020 à 15h00
Audition de Mme Agnès Buzyn ancienne ministre des solidarités et de la santé

Agnès Buzyn, ancienne ministre des solidarités et de la santé :

J'ai dirigé trois agences sanitaires depuis 2007, notamment dans le domaine de la gestion des risques. Des réunions techniques se tiennent régulièrement entre les agences et la DGS, qui en exerce la tutelle. Des rapports d'experts comme le rapport Stahl, les agences en font des dizaines, voire des centaines, par an : il s'agit de rapports internes qui les aident à faire des propositions et ils ne sont pas censés être publics ou transmis au ministre, sauf s'il y a eu une demande de celui-ci.

Il faudrait interroger les acteurs, mais, à mon avis, lors de la réunion qui s'est tenue entre Santé publique France et la DGS sur la liste des produits à commander, il n'y a pas eu de conflit : je pense qu'ils étaient d'accord sur la liste et sur le nombre. En réalité, seuls remontent au cabinet et au ministre les points nécessitant un arbitrage, parce que les acteurs ne sont pas d'accord entre eux. Si Santé publique France n'avait pas été d'accord avec la commande de 100 millions, estimant qu'elle était insuffisante, elle m'aurait alertée du risque ou aurait demandé un arbitrage. C'est le rôle du DGS : il fait remonter en permanence les alertes ou les arbitrages nécessaires. La question des masques n'a donc pas dû être un sujet d'alerte.

De fait, si cette question avait été un sujet d'inquiétude pour Santé publique France, pourquoi, alors que le DGS organise une réunion dans les huit jours suivant l'annonce de la péremption des stocks, auraient-ils attendu juillet 2019 pour passer commande ? Je doute donc qu'il y ait eu une inquiétude à Santé publique France au sujet des masques.

Le stock de 1 milliard a été constitué en 2009, au moment de la grippe H1N1. Tout le monde, vous l'avez compris d'après l'exposé des doctrines successives, considère désormais qu'il faut des stocks tournants et des stocks tampons et que, plutôt que de stocker 1 milliard d'unités, il faut diversifier les sources d'achat pour ne pas être en situation de pénurie. Dans l'esprit de tout le monde, on laissait donc ce stock se périmer - c'est ce que je comprends. En revanche, sur le niveau qui doit être celui du stock tournant, je ne trouve pas d'indication claire, au niveau ni du SGDSN ni du Haut Conseil de la santé publique.

Le rapport Stahl, très intéressant et très bien rédigé, fait l'hypothèse de 30 % de la population malade de la grippe, soit 20 millions de foyers infectés : à raison d'une boîte par malade, cela fait 1 milliard de boîtes. Mais il ne considère pas qu'il faudrait un stock stratégique de 1 milliard : il souligne qu'il faut des stocks au plus près des besoins, près des malades et des officines. En fait, le rapport envisage plutôt la stratégie des Suisses, qui imposent à leur population d'avoir une boîte de masques à domicile. Il ne préconise pas que l'État se dote d'un stock stratégique centralisé de 1 milliard.

La commande de Santé publique France de 100 millions de masques a été, je pense, acceptée. Sinon, il y aurait eu une demande d'arbitrage. Quand une agence considère qu'il y a un risque, notamment de sécurité sanitaire, il n'est pas possible que ça ne remonte pas. C'est donc qu'il y avait accord sur une stratégie commune : commander 100 millions de masques pour constituer un stock tournant et diversifier les zones de production.

Voilà ce que je comprends ; mais, sincèrement, c'est une reconstitution. Je suis partie le 15 février, et rien ne m'est remonté auparavant.

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