Intervention de Agnès Buzyn

Commission d'enquête Évaluation politiques publiques face aux pandémies — Réunion du 23 septembre 2020 à 15h00
Audition de Mme Agnès Buzyn ancienne ministre des solidarités et de la santé

Agnès Buzyn, ancienne ministre des solidarités et de la santé :

En citant ces propos, je ne souhaitais mettre en cause personne, mais simplement qualifier la perception générale alors répandue d'un niveau de risque faible. Le risk assessment de l'ECDC, publié le 14 février, était tout de même de « faible » à « modéré » : l'Europe pensait alors qu'il n'y aurait probablement pas d'épidémie. Le directeur général de l'OMS lui-même prédisait, invoquant par une curieuse métaphore le couvercle d'une cocotte-minute, que la Chine pourrait endiguer l'épidémie.

Monsieur Lévrier, la recherche est indispensable. Le dispositif REACTing, créé après la menace Ebola en 2014, et mis en place par Yves Lévy lorsqu'il était à l'Inserm, a pour vocation de mettre tout le monde autour de la table et de répartir intelligemment l'effort de recherche clinique et fondamentale pour éviter les cacophonies et les doublons entre institutions et laboratoires. À l'échelon européen, je suis convaincue qu'un dispositif similaire serait nécessaire, ce que la commissaire européenne a par ailleurs pointé du doigt.

Madame Jasmin, vous m'avez interrogée sur les tests et les laboratoires. Je n'ai pas eu à travailler avec les laboratoires de ville car la question des laboratoires privés s'est posée mi-mars. Les différentes réformes des laboratoires d'analyse de ces dernières années, avec des changements d'échelle, a rendu leur pilotage beaucoup plus compliqué pour le ministère de la santé. Autant on a des lignes directes facilement activables avec les établissements de santé et les professionnels libéraux, autant c'était plus compliqué avec les laboratoires d'analyse. J'avais d'ailleurs lancé en tant que ministre une mission pour voir comment le pilotage des laboratoires pouvait être amélioré.

Monsieur Regnard, le dernier vol d'Air France est revenu de Wuhan le 24 janvier. La fin des vols vers la Chine par Air France était le dimanche suivant. On a eu énormément de débats sur les frontières qui ont occupé toute la semaine du 24 janvier, notamment avec les États-Unis, les autres membres du G7, les États européens. L'espace Schengen ne recoupe pas l'Union européenne, ce qui complexifie les éventuelles décisions de fermeture. Pour les îles comme Taïwan et l'Australie, ou la Corée du Sud qui n'a une frontière qu'avec la Corée du Nord, il est plus facile de fermer les frontières qu'en Europe où les gens arrivent à pied, en train, en voiture ou par avion. Si vous fermez les vols à Roissy, les gens atterrissent en Belgique et arrivent en France par l'Eurostar. Le touriste anglais qui faisait partie du cluster des Contamines-Montjoie est arrivé par Eurostar et venait à l'origine de Singapour. En réalité, il est très compliqué d'empêcher un virus de traverser les frontières. C'est pourquoi la stratégie a été de donner la consigne aux voyageurs venant de Chine d'appeler le 15 en cas de symptômes, ce qui était le plus efficace à faire. Il ne fallait surtout pas qu'ils aillent voir un médecin, pour éviter des contaminations. C'est d'ailleurs ce que recommande l'OMS.

Monsieur Sol, il y a eu beaucoup de débats sur l'envoi de matériel en Chine alors qu'on en manquait. C'est très partiellement vrai. Il y a un règlement sanitaire international qui impose à tous les pays de coopérer en cas de crise. Vous êtes donc obligé de faire un geste face à un pays en difficulté, en tant que signataire de ce règlement. Pour autant, à chaque fois que le ministère des affaires étrangères m'a demandé d'envoyer des masques ou des blouses, j'ai dit non. J'ai dit non pour les surblouses. Je sais qu'il y a eu un envoi de masques à un moment donné, en petite quantité, rendu nécessaire par le règlement sanitaire international et parce que les discussions avec les autorités chinoises pour faire atterrir l'avion destiné à rapatrier nos concitoyens à Wuhan étaient très compliquées. Je laisserai le ministre des affaires étrangères expliquer ces éventuelles difficultés. Je me suis en tous cas toujours opposée à l'envoi de matériel car j'étais inquiète.

Madame de la Gontrie, concernant le fait que je n'ai pas suivi le bon de commande de masques à Santé Publique France : la ministre passe un ordre, elle ne va pas dans le service de commande des établissements de santé pour vérifier si l'ordre a été suivi. Même chose pour le directeur général de la santé, qui avait en l'occurrence passé cet ordre. Il faut que vous demandiez à Santé publique France ce qui explique le délai. Peut-être devaient-ils passer un marché public. Certes, Santé publique France est sous tutelle et je n'ai pas l'intention de ne rien assumer. Mais si vous me demandez pourquoi je ne suis pas allé vérifier que Santé Publique France avait bien passé commande, tout le monde peut le comprendre...

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