Merci beaucoup pour vos questions. Monsieur Bignon, chaque pays doit en effet influencer les autres pour qu'ils réduisent leurs émissions, mais en passant par le multilatéralisme, qui est la seule voie, même si certains pays - pas la France, heureusement - s'en éloignent. C'est en période de crise que le multilatéralisme est le plus efficace. Et la crise climatique n'échappe pas à cette règle. Nombre de pays ont mené des efforts, je le reconnais. Mais d'autres ne sont pas encore au niveau. Si l'Inde et la Chine sont des émetteurs significatifs, ils bénéficient d'un traitement différent. L'accord de Paris, en effet, prévoit une réduction dans tous les pays. Les États-Unis sont le plus gros émetteur par habitant, mais la Chine est un très gros émetteur en valeur absolue. Les énergies renouvelables s'y développent, tant mieux ! Mais ils n'ont pas encore abandonné le charbon. Il faut adapter les systèmes de financement au niveau mondial et au niveau national pour favoriser l'investissement dans des sources d'énergie moins émettrices. Certains pays sont confrontés à une crise de production due au fait que l'on y brûle les résidus du secteur agricole ou du secteur des transports. Du coup, l'opinion publique est de plus en plus sensibilisée.
Les États-Unis représentent 13 % des émissions mondiales. Or ils ont décidé de sortir de l'accord de Paris. De plus, leurs émissions ont augmenté de 2,8 % en 2018, ce qui est une deuxième mauvaise nouvelle. Pour autant, dans le secteur automobile, en Californie par exemple, et dans d'autres secteurs, les normes en matière d'émissions évoluent. C'est le cas dans plusieurs états des États-Unis, qui ont voté des objectifs de zéro émission à l'horizon 2045 ou 2050, et dans plus de cent villes américaines, qui ont pris des engagements essentiels pour investir dans des énergies plus propres. Des pays comme la France, des régions comme l'Europe, peuvent montrer l'exemple. L'AFD aide au financement du développement des énergies renouvelables. Elle mène une action remarquable.
Plusieurs questions portaient sur la biodiversité. Le PNUE assure le secrétariat de quinze conventions, dont la Convention sur la diversité biologique. Je vais vous faire une réponse détaillée sur ce sujet - comme l'était votre question ! En 2010, au Japon, la COP 10 a adopté un plan d'action sur dix ans pour la biodiversité. Ce plan comportait vingt objectifs pour la préservation de la biodiversité - les « Objectifs d'Aïchi », et trois principes : la conservation, l'utilisation durable de la biodiversité, et la nécessité de préserver sur le long terme la richesse qu'elle constitue, au profit des pays dont elle est originaire, par le moyen de transferts financiers en leur faveur.
Il apparaît qu'à ce stade, nous n'allons pas être à la hauteur des objectifs de ce plan. La COP 15 sur la biodiversité à Kunming devrait permettre d'aboutir à un accord sur de nouveaux objectifs. L'une des erreurs commises en 2010 a été de n'associer que les ministres de l'environnement. Nous savons désormais que les cinq moteurs sont la surexploitation et la fragmentation des terres par l'exploitation agricole, l'usage de produits chimiques, la pollution, le changement climatique et les espèces invasives. Il nous faut travailler sur chacun d'entre eux avec le secteur agricole et le secteur privé. C'est ce que nous ferons en 2020. À cet égard, le congrès de Marseille sera stratégique, qui interviendra cinq mois avant la COP 15 de Kunming.
Sur la question du numérique, nous avons numérisé notre économie, nos vies mêmes, et le besoin de stockage de données ne va faire que s'accroître. Il nous faut donc trouver des solutions pour le stockage de l'information, des données, en gardant à l'esprit que cela ne doit pas être trop énergivore. La solution sera d'opérer un basculement pour que des énergies renouvelables viennent alimenter ce secteur, de manière à réduire les émissions de gaz à effet de serre. Il nous faut des solutions intelligentes pour ce mégastockage, qui sera l'une des clefs de l'avenir - en lien avec l'industrie du refroidissement. Pour l'heure, l'empreinte carbone de ces secteurs est encore trop importante. Nous avons beaucoup appris en termes de chauffage urbain. Reste à faire la même chose pour le refroidissement !
Dans le secteur agricole, beaucoup de pays subventionnent les engrais chimiques, les pesticides et les insecticides. Je ne suis pas opposée aux produits chimiques, et je comprends qu'on en ait besoin. Mais à trop les subventionner on pousse à leur surutilisation, qui aboutit à introduire des phosphates et d'autres produits dans nos rivières et nos océans. Il faut être prudent avec l'utilisation de ces produits. Mieux vaudrait trouver de nouveaux moyens pour aider les agriculteurs à réduire leur utilisation de produits chimiques, en leur substituant des produits naturels. Sans entrer dans les détails de la PAC, il me semble que, dans certains cas, nous n'avons pas trouvé la bonne manière de subventionner les haies fleuries, les prairies ou les zones humides en zone agricole, bref tout ce qui peut optimiser la vie des insectes, la pollinisation et donc la durabilité de l'agriculture. Nous avons finalement réduit le nombre d'espèces que nous cultivons. Au Danemark, où j'ai grandi, je me souviens qu'il y avait énormément de types de pommes dans les vergers locaux. Il nous faut aussi préserver la biodiversité de nos semences agricoles et de nos espèces.
Le PNUE n'est pas chargé de la démographie. Nous essayons de promouvoir les droits des femmes, pour les aider à gérer leurs familles et l'éducation des enfants : les jeunes filles qui restent à l'école peuvent mieux choisir ce qu'elles font de leur corps et décider en connaissance de cause quand fonder une famille.