Comme vous le savez, les crédits du PIA concourent également au financement de la recherche, y compris dans le contexte de la crise actuelle. Aussi, dès la fin du mois de mars, 80 millions d'euros du PIA ont été débloqués pour financer un appel à projets structurants pour la compétitivité (PSPC) géré par Bpifrance et centré sur la recherche thérapeutique, soit une part importante des 180 millions d'euros évoqués. La réactivité des équipes du Secrétariat général pour l'investissement (SGPI) peut être saluée, avec notamment la mise en place d'un site Internet permettant aux porteurs de projets de recherche de déterminer le guichet de financement le plus adapté.
Au-delà de la recherche stricto sensu, le PIA a également lancé un appel à manifestation d'intérêt doté d'une enveloppe de 120 millions d'euros pour financer le développement rapide de nouvelles capacités de production de médicaments impliqués dans la prise en charge des malades de la Covid-19, dans une logique de souveraineté sanitaire. L'ensemble des annonces du SGPI en lien avec la crise, incluant les mesures évoquées et diverses actions de soutien à l'écosystème de l'innovation, représente une masse financière globale de 1,5 milliard d'euros. Ce montant doit être relativisé puisqu'il ne s'agit que d'enveloppes déjà votées qui sont soit redéployées, soit consommées de façon accélérée. S'y ajoute le décaissement anticipé de 250 millions d'euros d'aides à l'innovation déjà attribuées.
Les acteurs de la recherche privée et particulièrement les start-up dites « biotech » ont du mal à trouver leur place dans le maquis des appels à projets de recherche lancés en réponse à la crise. C'est une différence majeure avec les pays anglo-Saxons. La présidente de Xenothera, une biotech nantaise ayant développé un traitement prometteur à base d'anticorps contre la Covid-19, nous a décrit son parcours du combattant pour faire valoir son projet auprès de l'ANR, de REACTing et du CARE, le manque d'écoute auquel elle s'est heurtée et l'absence de motivation des refus, voire, dans certains cas, l'absence de réponse tout court. Alors que la région s'est montrée réactive et l'a soutenue dès la première heure, il a fallu attendre l'été pour obtenir un soutien de l'État, via le PIA et Bpifrance, où la compréhension des enjeux et des réalités d'une start-up est sans doute meilleure. Le consortium que Xenothera a formé autour du projet avec le CHU (centre hospitalo-universitaire) et l'université de Nantes a ainsi bénéficié d'un soutien de près de 8 millions d'euros.
Autre témoignage recueilli : Owkin, une start-up spécialisée dans l'intelligence artificielle pour la recherche médicale, a mis en place une plateforme visant à fédérer les acteurs de la recherche publique et privée par-delà les frontières et à favoriser la recherche collaborative en permettant une exploitation en commun des données. Cet exemple montre la capacité de la recherche privée à s'auto-organiser autour d'objectifs d'intérêt général, même si encore trop de structures et de chercheurs tendent à conserver le monopole sur leurs données. La puissance publique n'est pas qu'un financeur, elle doit aussi pouvoir accompagner ce type d'initiatives en favorisant le développement de systèmes fédératifs et l'interopérabilité des données de santé.
On peut relever avec satisfaction qu'à ce sujet de nombreux acteurs majeurs de la recherche française, mais aussi la Commission européenne, ont été signataires de la déclaration internationale sur le partage des données de la recherche sur la Covid-19 lancée par la fondation britannique Wellcom.
L'effort national en faveur de la recherche sur la Covid-19 s'inscrit et doit continuer de s'inscrire dans une dynamique européenne. Le programme Horizon 2020 - pour près de 180 millions d'euros -, le Conseil européen de l'innovation (CEI) - pour 166 millions d'euros - et l'initiative européenne pour les médicaments innovants (IMI) - pour 117 millions d'euros - ont lancé des appels à projets de recherche en réponse à la crise sanitaire, qui ont permis le financement de nombreux projets incluant ou coordonnés par des acteurs français.
En matière d'essais cliniques, l'exemple de l'essai Discovery, initié par la France et rassemblant treize pays, a montré que la coopération européenne restait largement perfectible. Coordonné par l'Inserm et doté de 11 millions d'euros, le projet s'est heurté à la lenteur de certains de nos partenaires européens à y inclure un nombre satisfaisant de groupes de patients. Cela est pour partie imputable à l'hétérogénéité des normes régissant les essais cliniques dans les différents États membres, mais aussi à un défaut de confiance réciproque.
La crise nous montre qu'un effort commun est indispensable en matière de vaccins. Pris isolément, aucun État membre n'est en mesure d'apporter aux industriels un soutien déterminant pour financer à la fois la recherche, les essais et enfin la production massive de doses de vaccins, comme sont en train de le faire les États-Unis. L'Europe de la santé reste à construire, et la France doit y prendre toute sa part. À cet égard, je vous renvoie au rapport que nos collègues Pascale Gruny et Laurence Harribey ont consacré à l'Europe de la santé : l'Union européenne n'a qu'une compétence d'appui en la matière, mais il faudrait aller plus loin.