Commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation

Réunion du 30 septembre 2020 à 9h05

Résumé de la réunion

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La réunion

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Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Eblé

Nous entendons ce matin une communication de contrôle budgétaire de nos rapporteurs spéciaux, MM. Jean-François Rapin et Jean Bizet, sur les mesures d'urgence dans le domaine de la recherche en réponse à la crise sanitaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Rapin

Cette communication est le fruit d'un travail de contrôle mené avec Jean Bizet, dans les conditions tout à fait particulières que vous connaissez.

Dès le déclenchement de la crise sanitaire, nous avons fait le choix de réaliser un suivi des mesures d'urgence prises dans le domaine de la recherche. Nous avons d'emblée pu constater la grande réactivité des pouvoirs publics et des acteurs de la recherche face à la crise. REACTing, le consortium de recherche publique sur les maladies infectieuses émergentes, piloté par l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm), s'est mobilisé sur la question dès la mi-janvier 2020. Les ministères de la recherche et de la santé l'ont rapidement doté de moyens supplémentaires permettant notamment au début du mois de mars le préfinancement à hauteur de 1 million d'euros de vingt projets de recherche prioritaires.

L'Agence nationale de la recherche (ANR) a quant à elle lancé un premier appel à projets dit « Flash Covid » dès le 6 mars. Ce dispositif a connu un certain succès : 258 projets ont été déposés et 108 sélectionnés. L'enveloppe, d'un montant initial de 3 millions d'euros, a été portée à 17,7 millions d'euros grâce à des contributions du ministère de la recherche, de la Fondation pour la recherche médicale, de la Fondation de France et des régions.

De nombreux autres appels à projets ont suivi, lancés successivement par l'Agence de l'innovation de défense, Bpifrance, l'Agence nationale de recherches sur le sida et les hépatites virales (ANRS), ainsi que par plusieurs régions.

Le ministère de la recherche a également mis en place un fonds d'urgence doté de 50 millions d'euros afin de financer à très court terme toute une gamme d'actions : projets de recherche vaccinale prioritaires, petits projets hors appels à projets existants, contribution française à l'appel EDCTP (European and Developing countries Clinical Trials Partnership) en faveur de la recherche sur la Covid-19 dans les pays du Sud, etc.

Nous avons aussi pu noter la grande variété des projets retenus. Au-delà de la recherche thérapeutique et vaccinale, on trouve également de la recherche fondamentale visant à mieux comprendre le virus ainsi que des études épidémiologiques, qui me paraissent indispensables. Je pense par exemple au projet OBEPINE, doté de 3 millions d'euros, qui vise le déploiement d'un réseau de surveillance du virus dans les eaux usées. On relèvera aussi l'attention donnée aux projets de recherche en sciences humaines et sociales, qui représentent à ce jour environ 20 % des financements octroyés à ce jour par l'ANR dans le cadre de ses appels à projets « Covid ». Sans nier ce que celles-ci peuvent apporter dans la réponse à la crise, cela semble tout de même constituer une spécificité française par rapport à l'Allemagne ou aux États-Unis, qui ont concentré leurs efforts sur le volet biomédical.

Parmi les axes d'amélioration du fonctionnement des appels à projets, le ministère de la recherche a relevé la nécessité de réduire les temps de décision et de lancement des projets. Nous en relevons un second : le prisme parfois très académique des critères de sélection, qui exclut souvent de facto la plupart des projets issus de la recherche privée.

Cette réactivité et ce foisonnement du monde de la recherche doivent être salués, mais ils ont un revers : le risque d'une dispersion des moyens publics en temps de crise et d'un certain désordre. En effet, les crédits proviennent de toute part : du programme d'investissements d'avenir (PIA), du ministère de la recherche, du ministère de la santé, mais aussi du ministère de la défense, ou encore de l'Agence française de développement (AFD). Au total, quelque 180 millions d'euros ont été mobilisés par l'État pour la recherche de crise. Ces moyens ont été dégagés grâce à des prélèvements sur les réserves et des redéploiements, sans ouverture de crédits supplémentaires.

Dans l'ensemble, nous avons assisté à un éclatement des capacités de décision et de financement en matière de recherche alors que, pour être efficace, la gestion de la crise aurait dû être centralisée et interministérielle. C'est d'ailleurs un constat que l'on fait toujours sur les crédits de recherche : ils proviennent de différents ministères, et c'est parfois difficile d'identifier un pilote dans l'avion ! Le consortium REACTing a certes pu jouer un précieux rôle de coordination, et l'installation du Comité d'analyse, de recherche et d'expertise (CARE), instance ad hoc créée fin mars, a permis de clarifier les priorités, mais chaque financeur a conservé la main sur ses processus de sélection des projets et d'attribution des financements. Les essais cliniques constituent un exemple de saupoudrage : pas moins d'une centaine d'essais ont été lancés et ont ainsi dû se partager un stock de patients en diminution, ce dont on pouvait bien sûr se réjouir par ailleurs. Il aurait été préférable d'inclure un maximum de cohortes dans un nombre plus restreint d'essais.

Nous gagnerions sans doute à nous inspirer de l'exemple américain, où la fixation des priorités fédérales de recherche et les décisions de financement relèvent de la seule BARDA (Biomedical Advanced Research and Development Authority), qui a concentré des moyens colossaux - près de 12 milliards de dollars - sur seulement 63 projets, tous domaines confondus.

Le ministère de la recherche nous a indiqué que des réflexions étaient en cours concernant l'élargissement du champ d'action de l'ANRS, avec notamment une intégration de REACTing, pour en faire une agence de recherche en maladies infectieuses émergentes qui définirait d'une seule voix les priorités en la matière. Cela va dans le bon sens, mais ne paraît pas remettre fondamentalement en cause la dispersion des guichets de financement.

S'agissant des perspectives financières pour la recherche médicale, le Président de la République s'est engagé, dans le cadre de la LPPR (loi de programmation pluriannuelle de la recherche), à augmenter de 1 milliard d'euros le budget de la recherche dans le domaine du vivant et de la santé. Cet effort est d'autant plus nécessaire que les moyens qui lui sont alloués, certes importants - environ 1,2 milliard d'euros annuels -, n'ont guère évolué depuis environ dix ans. Il convient de le mener dans les meilleurs délais, et la période de programmation actuellement envisagée - qui nous amène jusqu'en 2030 - paraît un peu longue. Nous serons attentifs au respect de cet engagement.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Bizet

Comme vous le savez, les crédits du PIA concourent également au financement de la recherche, y compris dans le contexte de la crise actuelle. Aussi, dès la fin du mois de mars, 80 millions d'euros du PIA ont été débloqués pour financer un appel à projets structurants pour la compétitivité (PSPC) géré par Bpifrance et centré sur la recherche thérapeutique, soit une part importante des 180 millions d'euros évoqués. La réactivité des équipes du Secrétariat général pour l'investissement (SGPI) peut être saluée, avec notamment la mise en place d'un site Internet permettant aux porteurs de projets de recherche de déterminer le guichet de financement le plus adapté.

Au-delà de la recherche stricto sensu, le PIA a également lancé un appel à manifestation d'intérêt doté d'une enveloppe de 120 millions d'euros pour financer le développement rapide de nouvelles capacités de production de médicaments impliqués dans la prise en charge des malades de la Covid-19, dans une logique de souveraineté sanitaire. L'ensemble des annonces du SGPI en lien avec la crise, incluant les mesures évoquées et diverses actions de soutien à l'écosystème de l'innovation, représente une masse financière globale de 1,5 milliard d'euros. Ce montant doit être relativisé puisqu'il ne s'agit que d'enveloppes déjà votées qui sont soit redéployées, soit consommées de façon accélérée. S'y ajoute le décaissement anticipé de 250 millions d'euros d'aides à l'innovation déjà attribuées.

Les acteurs de la recherche privée et particulièrement les start-up dites « biotech » ont du mal à trouver leur place dans le maquis des appels à projets de recherche lancés en réponse à la crise. C'est une différence majeure avec les pays anglo-Saxons. La présidente de Xenothera, une biotech nantaise ayant développé un traitement prometteur à base d'anticorps contre la Covid-19, nous a décrit son parcours du combattant pour faire valoir son projet auprès de l'ANR, de REACTing et du CARE, le manque d'écoute auquel elle s'est heurtée et l'absence de motivation des refus, voire, dans certains cas, l'absence de réponse tout court. Alors que la région s'est montrée réactive et l'a soutenue dès la première heure, il a fallu attendre l'été pour obtenir un soutien de l'État, via le PIA et Bpifrance, où la compréhension des enjeux et des réalités d'une start-up est sans doute meilleure. Le consortium que Xenothera a formé autour du projet avec le CHU (centre hospitalo-universitaire) et l'université de Nantes a ainsi bénéficié d'un soutien de près de 8 millions d'euros.

Autre témoignage recueilli : Owkin, une start-up spécialisée dans l'intelligence artificielle pour la recherche médicale, a mis en place une plateforme visant à fédérer les acteurs de la recherche publique et privée par-delà les frontières et à favoriser la recherche collaborative en permettant une exploitation en commun des données. Cet exemple montre la capacité de la recherche privée à s'auto-organiser autour d'objectifs d'intérêt général, même si encore trop de structures et de chercheurs tendent à conserver le monopole sur leurs données. La puissance publique n'est pas qu'un financeur, elle doit aussi pouvoir accompagner ce type d'initiatives en favorisant le développement de systèmes fédératifs et l'interopérabilité des données de santé.

On peut relever avec satisfaction qu'à ce sujet de nombreux acteurs majeurs de la recherche française, mais aussi la Commission européenne, ont été signataires de la déclaration internationale sur le partage des données de la recherche sur la Covid-19 lancée par la fondation britannique Wellcom.

L'effort national en faveur de la recherche sur la Covid-19 s'inscrit et doit continuer de s'inscrire dans une dynamique européenne. Le programme Horizon 2020 - pour près de 180 millions d'euros -, le Conseil européen de l'innovation (CEI) - pour 166 millions d'euros - et l'initiative européenne pour les médicaments innovants (IMI) - pour 117 millions d'euros - ont lancé des appels à projets de recherche en réponse à la crise sanitaire, qui ont permis le financement de nombreux projets incluant ou coordonnés par des acteurs français.

En matière d'essais cliniques, l'exemple de l'essai Discovery, initié par la France et rassemblant treize pays, a montré que la coopération européenne restait largement perfectible. Coordonné par l'Inserm et doté de 11 millions d'euros, le projet s'est heurté à la lenteur de certains de nos partenaires européens à y inclure un nombre satisfaisant de groupes de patients. Cela est pour partie imputable à l'hétérogénéité des normes régissant les essais cliniques dans les différents États membres, mais aussi à un défaut de confiance réciproque.

La crise nous montre qu'un effort commun est indispensable en matière de vaccins. Pris isolément, aucun État membre n'est en mesure d'apporter aux industriels un soutien déterminant pour financer à la fois la recherche, les essais et enfin la production massive de doses de vaccins, comme sont en train de le faire les États-Unis. L'Europe de la santé reste à construire, et la France doit y prendre toute sa part. À cet égard, je vous renvoie au rapport que nos collègues Pascale Gruny et Laurence Harribey ont consacré à l'Europe de la santé : l'Union européenne n'a qu'une compétence d'appui en la matière, mais il faudrait aller plus loin.

Debut de section - PermalienPhoto de Albéric de Montgolfier

Il en est de ce secteur comme des autres... Le projet de loi de finances qui contient le plan de relance nous sera présenté par les ministres cet après-midi. La question qui se pose - le président du Haut Conseil des finances publiques le reconnaissait hier - est la suivante : quelle est la réelle capacité de l'État à dépenser ? Tout cela ne doit pas rester un effet d'affichage. On se fait plaisir en affichant d'importants montants d'autorisations d'engagement, mais notre capacité à créer de la complexité administrative et notre incapacité à travailler avec le secteur privé rendent en pratique difficile la concrétisation des mesures et projets prévus !

Prenons l'exemple de la recherche sur l'hydrogène - secteur prometteur et d'avenir. Nous avons le projet de travailler avec les Allemands ; mais, en pratique, on connaît la capacité de l'État à complexifier les choses, par exemple en créantdes agences ! Or nous ne déboucherons sur une utilisation industrielle massive qu'à la condition de travailler avec les constructeurs automobiles.

Autre exemple, nous avons certes besoin de fongibilité dans les préfectures, mais cela risque de déboucher sur du saupoudrage sans ligne directrice qui ne préparera pas l'industrie de demain. Votre travail nous alerte et nous appelle à être très vigilants sur le volet recherche du plan de relance.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Houpert

Je tiens à féliciter nos rapporteurs. Leur communication arrive à point. Nous avons vu comment l'étude Discovery a explosé en vol ! Quelque 11 millions d'euros ont été jetés à la poubelle : nous n'avons recueilli que 800 patients en France... On ne peut pas faire d'études randomisées pendant une maladie infectieuse ; on ne peut pas donner des placebos à des personnes qui sont en train de mourir en réanimation. On a interdit à des médecins de prescrire de l'azithromycine et de la chloroquine !

S'agissant de la présence du virus dans les boues d'épuration, l'administration est à nouveau en train d'ouvrir le parapluie. Soyons attentifs au coût pour les communes : les plans d'épandage sont arrêtés et les boues doivent désormais être stockées. C'est un coût mensuel de l'ordre de 50 000 euros pour une commune de 5 000 habitants qu'il faudra ajouter à la facture des collectivités locales. L'État n'est pas le seul à payer, les collectivités locales aussi !

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dallier

M. Houpert a parlé de 11 millions d'euros ; je parlerai de 5 millions d'euros. Dans un reportage, l'Institut Pasteur de Lille mentionne ses travaux sur une molécule à partir de laquelle les scientifiques pourraient trouver un traitement opérationnel en six mois. Mais il faut 5 millions d'euros. Y a-t-il des fonds disponibles pour répondre à ce genre de demande ? Qui décide de leur attribution ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Bizet

Je ne peux qu'être d'accord avec Alain Houpert sur Discovery et le coût de certaines mesures de protection induit pour les communes.

Philippe Dallier, ce type de crédit est mobilisable par redéploiement. On doit pouvoir trouver facilement 5 millions d'euros dans ce cadre. Nous essaierons de voir ce qu'il en est.

Hier, j'ai interpellé Pierre Moscovici, président du Haut Conseil des finances publiques. Dans le cadre du plan de relance européen de 750 milliards d'euros et du projet de fédéralisme budgétaire, la France, qui représente 15 % du PIB de l'Union européenne et 18 % de la population de l'Union européenne, ne récupérera que 8 % du prêt dont elle remboursera 17 %. Sa réponse a été très politique.

Je ne suis pas forcément dans la recherche du juste retour, et je comprends parfaitement qu'il faille jouer la carte de la mutualisation. Cependant, alors même qu'il a annoncé à l'avenir une baisse drastique des dépenses publiques, M. Moscovici a fait des appels du pied pour recruter des fonctionnaires dans sa propre administration.

Je suis très inquiet sur la soutenabilité de la dette à terme. Il va falloir que la France se montre particulièrement compétitive.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Rapin

J'adhère aux remarques du rapporteur général. Sur le budget de la recherche, je sais combien les difficultés seront importantes, pour ce qui concerne le plan de relance : il faudra utiliser 60 % des fonds avant six mois. C'est pour le moins rock'n roll, si vous me passez l'expression. Toute la chaîne devra se mobiliser pour répondre en urgence à des appels à projets.

Le montant de 11 millions d'euros dont parle Alain Houpert est à l'échelle européenne. Pour la France, il est de 4,9 millions d'euros. Cela n'empêche pas de reconnaître les difficultés que Discovery rencontre à imposer sa vision européenne.

Des travaux complémentaires seront lancés sur les boues des stations d'épuration, qui sont un bel indicateur de la charge virale. La question reste de savoir si le virus est encore actif quand il sort de la station d'épuration. Je me suis entretenu avec la direction générale de la recherche et de l'innovation (DGRI), il y a soixante-douze heures.

Sur la question posée par Philippe Dallier, je reste attentif à l'évolution des travaux et des déclarations que peut faire l'Institut Pasteur, que ce soit au niveau régional ou en matière de santé publique. Rien ne sert de préciser de quelle molécule il s'agit. Évitons de répéter l'épisode malheureux de la chloroquine. Plus de 2 000 ont été testées, et elle figure sans doute parmi elles.

Je ne suis pas inquiet sur le fait que nous pourrons trouver 5 millions d'euros. La question reste de savoir comment et quand.

En tout état de cause, il faudra simplifier les procédures d'appel à projets de l'Agence nationale de la recherche pour que les fonds de relance soient utilisés le plus vite possible.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Eblé

Nous en venons à la communication de MM. Rémi Féraud et Vincent Delahaye, rapporteurs spéciaux de la mission « Action extérieure de l'État » sur les ambassadeurs thématiques.

Debut de section - PermalienPhoto de Rémi Féraud

Le sujet de notre rapport est régulièrement médiatisé. Nous nous en tiendrons à sa partie budgétaire, comme nous en étions convenus lors du débat sur la légitimité et le coût des ambassadeurs thématiques, intervenu en séance au cours du dernier projet de loi de finances.

Au 1er janvier 2020, on recense une vingtaine d'ambassadeurs thématiques. En poste à Paris, ils ne sont accrédités auprès d'aucun État étranger ni d'aucune organisation internationale. Ils sont rattachés à la direction du ministère de l'Europe et des affaires étrangères et peuvent avoir une double tutelle - par exemple du ministère de la santé ou de celui de la culture - en fonction de leur domaine d'intervention. Leurs missions peuvent se répartir en trois catégories : les unes touchent à des sujets d'actualité et à des problématiques transversales, comme les droits de l'homme, la santé, le numérique ou bien le rayonnement culturel ; d'autres sont consacrées à des dossiers géographiques importants et sensibles, comme le conflit syrien ou bien le partenariat oriental de l'Union européenne : enfin, certaines missions concernent l'organisation d'événements internationaux comme le G7 de Biarritz. Le ministère insiste sur le fait que, s'ils bénéficient du titre d'ambassadeur, c'est pour renforcer leur autorité au plan international et faciliter leur accès auprès de personnalités étrangères. Ils bénéficient ainsi d'un rang qui leur permet d'exercer leurs missions correctement.

Nous n'avons pas constaté d'incohérence manifeste entre la réalité de l'exercice des fonctions d'ambassadeur thématique et la doctrine d'emploi qui définit ces fonctions, même si le contrôle reste insuffisant.

Initialement, dans les années quatre-vingt, les ambassadeurs thématiques étaient itinérants. Les premiers d'entre eux ont été nommés sous la présidence de M. Chirac. Leur nombre a augmenté pendant une dizaine d'années avant de se multiplier durant la dernière décennie. Ils étaient vingt au 1er janvier 2020. Quelques-uns ont encore été nommés au cours de l'été.

Ces ambassadeurs sont pour l'essentiel des fonctionnaires et des diplomates. Quelques personnalités politiques exercent aussi la fonction, mais en nombre très limité quand elles ne sont pas fonctionnaires du Quai d'Orsay.

Les missions qu'exercent les ambassadeurs thématiques s'inscrivent dans des objectifs de politique étrangère, avec quelques exceptions - il y a eu par exemple un ambassadeur à la cohésion sociale.

On estime à environ 200 000 euros par ambassadeur la dépense annuelle moyenne pour une rémunération proche de 123 000 euros bruts, soit la moitié de celle attribuée à un ambassadeur en poste à l'étranger : en poste à Paris, les ambassadeurs thématiques ne perçoivent pas d'indemnité de résidence à l'étranger.

Le coût global de ces ambassadeurs atteint 1,8 million d'euros, montant à 2,3 millions d'euros si l'on prend en compte le CAS « Pensions ». La prise en charge des frais de mission et de représentation a représenté 400 000 euros en 2019, la hausse de ce montant par rapport aux années précédentes n'étant due qu'à l'intégration de dépenses qui n'étaient jusque-là pas prises en compte.

Les ambassadeurs thématiques disposent de collaborateurs, agents publics relevant d'un secrétariat partagé, pour un coût total de 1,5 million d'euros en 2019.

En 2019, première année où l'estimation a été réalisée, le coût global des ambassadeurs thématiques s'est élevé à 4,1 millions d'euros, soit 186 000 euros par ambassadeur sur un an.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

Nous avons regardé le coût des ambassadeurs thématiques, mais aussi la définition de leurs missions et leurs obligations, qui posent quelques difficultés. Aucun décret n'en traite, à l'inverse des ambassadeurs en poste à l'étranger ou auprès d'organisations internationales. Il n'y a pas de lettre de mission pour tout le monde ! (Sourires) Un quart des ambassadeurs thématiques actuellement en poste n'en ont pas, ce qui est un peu bizarre.

Évaluer l'activité des ambassadeurs s'est révélé également difficile, car seule une minorité des lettres de mission - lorsqu'elles existent - mentionne formellement une obligation de rendre compte. En conséquence, un nombre très limité d'ambassadeurs ont remis des rapports d'activité - il y en a eu six sur vingt - ou des rapports de fin de mission - nous n'en avons vu qu'un seul... Le ministère a été contraint de transmettre des pièces de nature diverse - agendas, comptes rendus, notes - qui témoignent d'une activité mais ne permettent pas d'apprécier le travail en tant que tel.

Le ministère semble avoir pris conscience de la nécessité d'agir - notre mission n'y était pas étrangère. Son secrétaire général a signé une note de service prévoyant un meilleur suivi budgétaire infra-annuel qu'illustre, notamment, le changement de méthode comptable, avec la prise en compte de la totalité des coûts ; une autorisation préalable de son service ou de la direction de la modernisation du ministère pour le recrutement de personnels supplémentaires, contrairement à la situation précédente ; une obligation d'établir des plans d'action et de produire des rapports de fin de mission.

Ces mesures vont dans le bon sens, mais nous suggérons de les renforcer en prenant un décret qui aurait pour objet de consacrer juridiquement la catégorie des ambassadeurs thématiques ; de décrire en termes généraux les missions qui peuvent être confiées à un ambassadeur thématique ; de prévoir que la nomination d'un ambassadeur thématique s'accompagne obligatoirement de la notification d'une lettre de mission précisant les objectifs qui lui sont assignés, les moyens qui lui sont alloués et les autorités ou directions auxquelles l'ambassadeur est rattaché ; d'indiquer l'obligation faite à l'ambassadeur thématique de rendre compte de son action à la direction ou l'autorité à laquelle il est rattaché par la voie d'un rapport d'activité annuel et d'un rapport de fin de mission.

Nous n'avons pas réussi à obtenir les évaluations annuelles des ambassadeurs thématiques et n'avons obtenu que peu de lettres de mission et de rapports d'activité. Le sujet commence à être pris en compte, mais il doit faire l'objet d'améliorations sensibles pour rentrer dans un cadre normal d'activité - ces ambassadeurs sont rémunérés par les deniers publics.

Debut de section - PermalienPhoto de Albéric de Montgolfier

En dépit de brefs débats sur ce sujet lors de l'examen des lois de finances, c'est la première fois que nous avons une évaluation réelle du coût de ces ambassadeurs thématiques et une synthèse de ce qui manque : lettres de mission, rapports annuels...

Je m'interroge sur la liste des vingt ambassadeurs thématiques. Certains me semblent pleinement justifiés par la mission très claire qu'ils occupent, comme le président du groupe de Minsk ou le représentant du Président de la République sur la Syrie. Mais je m'interroge sur le délégué aux investissements internationaux ou le délégué à l'action culturelle extérieure de la France.

Debut de section - PermalienPhoto de Albéric de Montgolfier

Quelle est l'utilité de ces derniers, alors que nous avons des ambassadeurs dans des organisations internationales et, pour ce dernier cas, notamment à l'Unesco ? Ces ambassadeurs ne font-ils pas double emploi avec ces représentants dans les organisations internationales, ou certains de nos diplomates comme les attachés culturels ?

Le ministère des affaires étrangères participe à la réduction de l'effort public dans les ambassades et les consulats, dont certains ont des missions extrêmement compliquées. Ainsi, pour la crise sanitaire, les ressortissants français, mais aussi les instituts français, les alliances françaises, les lycées français sont en grande difficulté. Nos ambassades manquent de personnel et agissent dans des conditions difficiles. Or les ambassadeurs thématiques, ce sont vingt personnes avec des équipes. Ne serait-il pas plus intéressant de remettre ces postes d'appui dans le réseau diplomatique pour gérer la crise actuelle ? Par exemple, le Vietnam est entièrement fermé, il n'y a pas de vol pour le pays. Nos ressortissants et nos entreprises ont besoin d'assistance et ne peuvent se tourner que vers les consulats et les ambassades.

L'on peut entendre les engagements du ministère, mais ce n'est pas une simple note de service qui résoudra le problème. Je pense qu'il serait utile de déposer un amendement d'appel pour supprimer ces postes d'ambassadeurs thématiques, et de le retirer si le ministre s'engage à publier un décret comme vous le préconisez. Qu'il n'y ait pas de lettre de mission ou de rapport pose problème... Cet amendement d'appel permettrait de s'assurer réellement des progrès réalisés et notamment pour que les missions et le travail de ces ambassadeurs soient plus visibles. Face à une circulaire du ministère, nous connaissons la possible résistance de l'administration...

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Bascher

J'aime beaucoup, humainement, les ambassadeurs thématiques, et je remercie les rapporteurs de leur travail. Mais ce sujet a le don de m'horripiler. Je connais Catherine Bréchignac, ancienne présidente du Centre national de la recherche scientifique (CNRS) et du Haut Conseil des biotechnologies, ancienne secrétaire perpétuelle de l'Académie des sciences, qui n'a pas besoin d'être nommée ambassadeur pour se voir confier une mission. Cela n'a pas de sens.

Listons ce que doit être un ambassadeur thématique. Il y a un ambassadeur de l'environnement, mais une ministre est chargée de ce sujet ; de même pour le sport. Ces postes comprennent une tâche de négociation, mais c'est le rôle du ministre, de son administration, des ambassadeurs ! Ces personnes pourraient plutôt être chargées de mission auprès du ministre, surtout si elles ont auparavant été ambassadeurs ; elles n'ont pas besoin du titre ! Elles auraient une mission ponctuelle, définie par une lettre de mission, avec application du statut de la fonction publique, plutôt que de faire l'objet de mesures ultra-dérogatoires, voire scandaleuses.

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Bocquet

Avez-vous rencontré un ambassadeur ou une ambassadrice thématique pour échanger ? Je m'étonne de voir encore Mme Royal sur la liste au 1er janvier 2020.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

Elle était encore en poste au 1er janvier 2020 ; elle ne l'est plus actuellement.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Canevet

Merci pour ce rapport de qualité. Vos propositions sont nécessaires pour faire évoluer les choses. Une ambassadrice en poste a dû démissionner - ou être démissionnée - en raison des écarts entre les moyens prévus et ceux utilisés. Avez-vous pu vérifier que les moyens sont bien affectés à l'usage prévu et qu'il n'y ait pas d'errements préjudiciables ?

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Segouin

Ces ambassadeurs thématiques sont-ils soumis aux mêmes contraintes que les parlementaires, notamment en termes de déclaration à la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP), ou de justification de leurs dépenses ?

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Raynal

Merci pour ce rapport éclairant. Je m'interroge sur le calcul de la moyenne des rémunérations, dans la mesure où certains exercent la fonction bénévolement. Ne pourrait-on pas obtenir la moyenne de ceux touchant une rémunération ?

Certains ambassadeurs, ou anciens ambassadeurs ayant été en poste à l'étranger, sont chargés de mission interne au ministère. N'aurait-on pas intérêt à séparer les deux choses ? Le ministère des affaires étrangères a souvent des ambassadeurs sans mission...

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Raynal

Donner une mission thématique à un ambassadeur ne me choque pas, sachant qu'il est déjà rémunéré par le ministère. Combien de personnes qui ne sont pas ambassadeurs de plein exercice sont rémunérées par le ministère ? Un amendement d'appel pourrait aussi limiter le nombre maximal de tels ambassadeurs thématiques.

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Bascher

Comme pour les préfets réalisant une mission pour le compte du Gouvernement...

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

Nous n'avons pas souhaité nous prononcer sur l'opportunité des différents postes. Par ailleurs, nous avons manqué de temps pour rencontrer ces ambassadeurs. Nous n'avons pas pu non plus vérifier le rôle de tous leurs collaborateurs. Ainsi, Mme Royal ne percevait pas de rémunération spécifique comme ambassadeur thématique, mais elle avait deux collaborateurs en CDD, dont nous n'avons pas pu vérifier le travail.

Proposer un amendement d'appel me semble une bonne façon de faire. Il faut un meilleur encadrement de ces postes. Le ministère nous annonce des progrès, il faut que ceux-ci soient réalisés.

Debut de section - PermalienPhoto de Rémi Féraud

Il y a des types très différents d'ambassadeurs thématiques. Quatre d'entre eux ne sont pas rémunérés pour cette tâche : outre Mme Royal, l'ambassadeur pour les investissements internationaux est aussi le directeur général de Business France. Cela ne nous a pas paru choquant, mais il faut l'expliquer. Le président de l'Institut français est également ambassadeur pour les relations culturelles internationales, sans rémunération spécifique pour cette ambassade. Enfin, l'ancienne secrétaire perpétuelle de l'Académie des sciences est aussi ambassadrice déléguée à la science, la technologie et l'innovation. La moyenne est calculée alors que seuls seize ambassadeurs thématiques sont rémunérés spécifiquement.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Eblé

La moyenne est donc calculée sur les seize ambassadeurs rémunérés ?

Debut de section - PermalienPhoto de Rémi Féraud

Oui. Il n'y a pas de dérive particulière ni de coût très important, mais le cadre juridique est insuffisant. Je comprends la nomination d'un ambassadeur pour plus de crédibilité dans les relations internationales, sinon cela relève d'un délégué interministériel. Il faut mieux encadrer. Durant la présidence de François Hollande, le nombre d'ambassadeurs thématiques a considérablement diminué : ils sont passés de 27 à 18.

Debut de section - PermalienPhoto de Rémi Féraud

Le nombre très variable d'ambassadeurs thématiques suivant les périodes montre que certaines responsabilités ne sont pas indispensables, mais qu'elles peuvent être utiles ; un amendement d'appel, pourquoi pas, afin d'encadrer et de passer de la circulaire au décret ?

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

Vincent Segouin, les ambassadeurs thématiques nommés en Conseil des ministres sont soumis à une obligation de déclaration d'intérêts et de situation patrimoniale auprès de la Haute autorité pour la transparence de la vie publique mais à l'inverse des parlementaires, ces déclarations ne sont pas rendues publiques.