Monsieur le président, monsieur le rapporteur général, mesdames, messieurs les sénateurs, je félicite tous ceux et toutes celles d'entre vous qui ont été réélus dimanche dernier. Je suis heureux de vous présenter, accompagné pour la première fois de M. Olivier Dussopt, ministre délégué chargé des comptes publics, les grandes orientations du projet de loi de finances.
Ce projet de budget vise à la fois à maintenir la protection nécessaire de nos salariés et de nos entreprises et à engager dès maintenant les investissements indispensables à la transformation économique de notre pays. Ces deux volets ne sont pas exclusifs l'un de l'autre ; ce n'est pas parce que nous préparons l'avenir de la France que nous devons renoncer à soutenir des secteurs très durement touchés par la crise du coronavirus.
S'agissant des mesures de soutien, j'en retiens quatre. La première est le prêt garanti par l'État (PGE), au titre duquel 120 milliards d'euros ont été accordés à plus de 500 000 entreprises, dont 90 % de très petites ou de petites et moyennes entreprises (TPE ou PME), que l'État a donc d'abord privilégiées dans sa réponse à la crise. Beaucoup d'inquiétudes se font jour chez ces entrepreneurs, restaurateurs, patrons de café, d'hôtel, travailleurs de l'événementiel, traiteurs, fleuristes, commerçants de proximité qui craignent de ne pas pouvoir rembourser leur prêt d'ici à trois mois. Je veux les rassurer : deux possibilités leur seront offertes. Ceux qui le souhaitent pourront prolonger la maturité de leur prêt jusqu'à cinq années, pour un total de six années, à un taux très attractif - entre 1 % et 2,5 % en fonction de la durée de prolongation - négocié avec la Fédération bancaire française (FBF), que je recevrai encore la semaine prochaine pour m'assurer que ces instructions parviennent jusqu'aux agences dans vos territoires. Ces taux comprennent la garantie de l'État, qui représente cent points de base, et sont les plus attractifs sur le marché. D'autres entreprises ont besoin de fonds propres pour investir sans que cela pèse sur leur niveau d'endettement. Nous avons prévu 3 milliards d'euros pour que ces entreprises puissent lever des fonds sous la forme de prêts participatifs d'une durée de sept ans, lesquels ne sont pas comptabilisés comme de la dette dans les bilans, afin d'alléger leur trésorerie et de leur permettre d'investir. Ces fonds prendront la forme de prêts participatifs ou d'obligations convertibles. Nous faisons donc le nécessaire pour financer la prolongation des PGE ou leur transformation en prêts participatifs ou en obligations convertibles pour favoriser les investissements.
Le deuxième volet de la protection mise en oeuvre est le fonds de solidarité, qui a apporté 6 milliards d'euros d'aide à 1,7 million de commerçants, d'indépendants et d'artisans. Le premier volet de ce fonds est aujourd'hui plafonné à 1 500 euros et distribué par la direction générale des finances publiques (DGFiP) avec l'efficacité qu'on lui connaît ; nous allons le porter à 10 000 euros. Un gérant de salle de sport, un patron de bar ou de restaurant qui aura perdu 80 % de son chiffre d'affaires - nous serons très compréhensifs - ou qui aura dû fermer pourra demander jusqu'à 10 000 euros. Je suis prêt à poursuivre la réflexion pour continuer à faire évoluer ce fonds de solidarité afin qu'il puisse couvrir le plus grand nombre d'entreprises confrontées à une chute très importante de leur chiffre d'affaires ou à une fermeture administrative.
Le report des échéances fiscales et sociales est le troisième outil, auquel nous avons déjà consacré 30 milliards d'euros. Nous continuerons à accorder reports ou exonérations aux entreprises fermées administrativement, lesquelles n'ont pas vocation à payer des charges si elles n'ont pas de chiffre d'affaires.
Enfin, le dernier élément est le chômage partiel, pour lequel nous avions provisionné plus de 30 milliards d'euros ; nous en avons dépensé une vingtaine. Nous allons le maintenir, avec la prise en charge à 100 % des salaires pour toutes les entreprises des secteurs de l'hôtellerie, des cafés, de la restauration, jusqu'au 31 décembre de cette année. Comme je l'ai annoncé ce matin avec Élisabeth Borne, le dispositif sera étendu au secteur de l'événementiel et à celui des salles de sport, dont les entreprises ont fermé ou n'ont plus qu'une activité résiduelle. Cela représente un effort considérable, de plusieurs centaines de millions d'euros. Toutes les entreprises du secteur du tourisme, qui devaient supporter à partir du 1er novembre un reste à charge de 15 %, bénéficieront d'une prise en charge à 100 % jusqu'au 31 décembre de cette année. Nous marquons ainsi notre détermination à protéger les secteurs les plus fragilisés par la crise. La circulation du virus persiste, la protection doit également persister !
Nous avons mis en place des mesures de soutien aux secteurs en difficulté, tels que l'aéronautique, les start-ups, l'automobile. Nos mesures de soutien à la demande ont remarquablement bien marché. La prime de 7 000 euros pour les véhicules électriques a permis d'en vendre 55 000 depuis le début de l'année. Les véhicules électriques représentaient seulement 1,8 % de l'ensemble des voitures en 2019. Cette proportion a bondi à 6,1 % en 2020. Il y a une vraie dynamique. Pour continuer à soutenir la demande de véhicules électriques, nous maintiendrons le bonus à 7 000 euros jusqu'à la fin de l'année 2020, puis il passera à 6 000 euros en 2021 et à 5 000 euros en 2022.
Nous nous engageons maintenant dans la relance. L'époque est à la caricature, alors qu'elle devrait être à la nuance. Je le regrette. En effet, contrairement à la caricature, le Gouvernement n'est pas engagé dans une politique exclusive de l'offre, abandonnant la demande.
Soutenir massivement le chômage partiel, c'est soutenir la demande ; investir dans l'aéronautique, c'est soutenir la demande ; investir 15 milliards d'euros dans l'industrie automobile, qu'est-ce, sinon soutenir la demande ? Le Gouvernement protège et soutient la demande des plus fragiles, par exemple en augmentant l'allocation de rentrée scolaire à concurrence d'un demi-milliard d'euros.
Néanmoins, l'axe fondamental de la politique du Gouvernement reste le soutien à l'offre et l'amélioration de la compétitivité de nos entreprises, parce que c'est ainsi que l'ensemble de l'économie française pourra se redresser sur le long terme.
Ces choix se font dans un contexte très difficile de persistance du virus et de grandes incertitudes économiques. Lorsque tout le monde m'expliquait, fin août, que la crise était derrière nous et que la consommation repartait à la hausse, j'ai tenu à modérer les enthousiasmes des uns et des autres, et, alors que les instituts de statistiques estimaient que la récession devait être réévaluée de - 11 % à - 8 %, je m'en suis tenu à une évaluation prudente, à savoir - 10 %. Il s'agit de ne pas céder à des excès d'optimisme. Le redressement sera lent. Il prendra deux ans. Si, en 2022, nous avons retrouvé le niveau de 2019, nous aurons relevé ensemble un très beau défi économique et politique.
Le budget de la relance représente 100 milliards d'euros, décaissés sur deux ans, dont 86 milliards d'euros de financement de l'État répartis entre 66 milliards d'euros de crédits budgétaires et 20 milliards d'euros de baisse d'impôts de production, 8,7 milliards d'euros provenant de la sphère sociale, 3 milliards d'euros de la Banque des territoires et 2,5 milliards d'euros de Bpifrance.
Nous visons un décaissement de 10 milliards d'euros d'ici à fin 2020. Des appels d'offres ont déjà été lancés pour la rénovation énergétique des bâtiments. Vous avez jusqu'au 9 octobre pour faire remonter les projets. Les aides à l'embauche des jeunes et à l'industrie peuvent être décaissées très vite.
Nous souhaitons que 42 milliards d'euros soient effectivement dépensés d'ici à la fin de l'année 2021, pour que la relance soit la plus rapide possible.
Le Premier ministre réunira un conseil national de la relance rassemblant parlementaires, organisations patronales et syndicales et représentants des collectivités locales, de façon à veiller à la bonne mise en place du plan de relance. Je présiderai chaque semaine un comité de pilotage national dont le secrétariat général sera assuré par Bruno Parent et qui veillera au suivi des indicateurs d'exécution du plan de relance, qui seront transparents et accessibles sur Internet. Enfin, des comités de suivi régionaux associeront les préfets, les présidents de région et les directeurs régionaux des finances publiques.
Le premier principe fondateur de notre politique économique de l'offre, c'est la baisse des impôts. Il n'y aura pas d'augmentation d'impôts d'ici à la fin du quinquennat. D'ici à fin 2021, nous aurons baissé les impôts de 45 milliards d'euros, dont la moitié pour les ménages, notamment via la taxe d'habitation, et la moitié pour les entreprises, notamment via la réduction de l'impôt sur les sociétés à 25 % d'ici à 2022 pour toutes les entreprises. Avec la baisse des impôts de production de 10 milliards d'euros à compter du 1er janvier 2021, ce sera la diminution d'impôts la plus importante depuis vingt ans en France. Malgré cela, notre taux de prélèvements obligatoires restera un des plus élevés des pays de l'OCDE.
Le deuxième principe fondateur est l'amélioration de la compétitivité de nos entreprises. C'est nécessaire pour réussir la relocalisation industrielle, produire des électrolyseurs, des batteries électriques, des ordinateurs quantiques ou des avions à hydrogène. Nous devons poursuivre notre politique de formation et de qualification qui a permis, pour la première fois depuis dix ans en 2019, la création d'emplois industriels.
Tous ceux qui veulent la relocalisation industrielle mais refusent d'en tirer les conséquences fiscales ou en matière de formation des salariés manquent de cohérence.
Notre objectif est de renforcer l'activité de 4 points de PIB, dont 1,5 point en 2021, et de créer 240 000 emplois dès 2022.
Le troisième principe fondateur est l'accélération de la transition écologique. Pour la première fois, nous vous présentons un budget « vert », dans lequel nous identifions les dépenses vertes, neutres et négatives. Cet exercice est perfectible, mais au moins il existe. On peut savoir gré au Gouvernement de s'être engagé dans cette voie.
Trente milliards d'euros du plan de relance sont consacrés à des mesures favorables à l'environnement et aucune mesure ne lui est défavorable : rénovation énergétique des bâtiments, développement du ferroviaire, des pistes cyclables, du recyclage, hydrogène...
Ma conviction est que la France peut sortir plus forte de cette crise, avec un modèle économique plus juste, plus compétitif, plus décarboné.
Beaucoup de Français sont en plein désarroi ou en colère, mais nous voulons apaiser les tensions en montrant que nous protégeons les plus fragiles et les plus exposés à la crise économique, avec des solutions concrètes. Nous voulons montrer aux Français qu'il existe une voie de passage pour une France plus compétitive et plus respectueuse de l'environnement.