Pour la toute dernière réunion avant que notre commission soit renouvelée, nous avons le plaisir de recevoir cet après-midi MM. Bruno Le Maire et Olivier Dussopt, qui viennent nous présenter le projet de loi de finances pour 2021, délibéré lundi dernier en conseil des ministres. Nous avons reçu, hier après-midi, le président du Haut Conseil des finances publiques, M. Pierre Moscovici, qui nous a présenté l'avis de cette institution.
Ce projet de loi de finances n'est toujours pas accompagné d'un projet de loi de programmation des finances publiques, alors que la loi de programmation de 2018 est une référence dépassée, ainsi que nous le disions déjà l'an dernier, avant même le déclenchement de la crise, et ainsi que le Haut Conseil des finances publiques le rappelle dans son avis. Monsieur Dussopt, vous avez déclaré devant notre commission, le 10 septembre dernier, qu'un tel projet de loi de programmation serait présenté prochainement ; peut-être serez-vous en mesure de préciser le calendrier prévu par le Gouvernement.
Le projet de loi de finances pour 2021 est exceptionnel par le caractère particulièrement élevé du déficit budgétaire qu'il prévoit et par la présence d'une mission spécifique consacrée à la relance, mais ces éléments ne doivent pas faire oublier la nécessité de poursuivre et de financer les missions plus traditionnelles de l'État.
Monsieur le président, monsieur le rapporteur général, mesdames, messieurs les sénateurs, je félicite tous ceux et toutes celles d'entre vous qui ont été réélus dimanche dernier. Je suis heureux de vous présenter, accompagné pour la première fois de M. Olivier Dussopt, ministre délégué chargé des comptes publics, les grandes orientations du projet de loi de finances.
Ce projet de budget vise à la fois à maintenir la protection nécessaire de nos salariés et de nos entreprises et à engager dès maintenant les investissements indispensables à la transformation économique de notre pays. Ces deux volets ne sont pas exclusifs l'un de l'autre ; ce n'est pas parce que nous préparons l'avenir de la France que nous devons renoncer à soutenir des secteurs très durement touchés par la crise du coronavirus.
S'agissant des mesures de soutien, j'en retiens quatre. La première est le prêt garanti par l'État (PGE), au titre duquel 120 milliards d'euros ont été accordés à plus de 500 000 entreprises, dont 90 % de très petites ou de petites et moyennes entreprises (TPE ou PME), que l'État a donc d'abord privilégiées dans sa réponse à la crise. Beaucoup d'inquiétudes se font jour chez ces entrepreneurs, restaurateurs, patrons de café, d'hôtel, travailleurs de l'événementiel, traiteurs, fleuristes, commerçants de proximité qui craignent de ne pas pouvoir rembourser leur prêt d'ici à trois mois. Je veux les rassurer : deux possibilités leur seront offertes. Ceux qui le souhaitent pourront prolonger la maturité de leur prêt jusqu'à cinq années, pour un total de six années, à un taux très attractif - entre 1 % et 2,5 % en fonction de la durée de prolongation - négocié avec la Fédération bancaire française (FBF), que je recevrai encore la semaine prochaine pour m'assurer que ces instructions parviennent jusqu'aux agences dans vos territoires. Ces taux comprennent la garantie de l'État, qui représente cent points de base, et sont les plus attractifs sur le marché. D'autres entreprises ont besoin de fonds propres pour investir sans que cela pèse sur leur niveau d'endettement. Nous avons prévu 3 milliards d'euros pour que ces entreprises puissent lever des fonds sous la forme de prêts participatifs d'une durée de sept ans, lesquels ne sont pas comptabilisés comme de la dette dans les bilans, afin d'alléger leur trésorerie et de leur permettre d'investir. Ces fonds prendront la forme de prêts participatifs ou d'obligations convertibles. Nous faisons donc le nécessaire pour financer la prolongation des PGE ou leur transformation en prêts participatifs ou en obligations convertibles pour favoriser les investissements.
Le deuxième volet de la protection mise en oeuvre est le fonds de solidarité, qui a apporté 6 milliards d'euros d'aide à 1,7 million de commerçants, d'indépendants et d'artisans. Le premier volet de ce fonds est aujourd'hui plafonné à 1 500 euros et distribué par la direction générale des finances publiques (DGFiP) avec l'efficacité qu'on lui connaît ; nous allons le porter à 10 000 euros. Un gérant de salle de sport, un patron de bar ou de restaurant qui aura perdu 80 % de son chiffre d'affaires - nous serons très compréhensifs - ou qui aura dû fermer pourra demander jusqu'à 10 000 euros. Je suis prêt à poursuivre la réflexion pour continuer à faire évoluer ce fonds de solidarité afin qu'il puisse couvrir le plus grand nombre d'entreprises confrontées à une chute très importante de leur chiffre d'affaires ou à une fermeture administrative.
Le report des échéances fiscales et sociales est le troisième outil, auquel nous avons déjà consacré 30 milliards d'euros. Nous continuerons à accorder reports ou exonérations aux entreprises fermées administrativement, lesquelles n'ont pas vocation à payer des charges si elles n'ont pas de chiffre d'affaires.
Enfin, le dernier élément est le chômage partiel, pour lequel nous avions provisionné plus de 30 milliards d'euros ; nous en avons dépensé une vingtaine. Nous allons le maintenir, avec la prise en charge à 100 % des salaires pour toutes les entreprises des secteurs de l'hôtellerie, des cafés, de la restauration, jusqu'au 31 décembre de cette année. Comme je l'ai annoncé ce matin avec Élisabeth Borne, le dispositif sera étendu au secteur de l'événementiel et à celui des salles de sport, dont les entreprises ont fermé ou n'ont plus qu'une activité résiduelle. Cela représente un effort considérable, de plusieurs centaines de millions d'euros. Toutes les entreprises du secteur du tourisme, qui devaient supporter à partir du 1er novembre un reste à charge de 15 %, bénéficieront d'une prise en charge à 100 % jusqu'au 31 décembre de cette année. Nous marquons ainsi notre détermination à protéger les secteurs les plus fragilisés par la crise. La circulation du virus persiste, la protection doit également persister !
Nous avons mis en place des mesures de soutien aux secteurs en difficulté, tels que l'aéronautique, les start-ups, l'automobile. Nos mesures de soutien à la demande ont remarquablement bien marché. La prime de 7 000 euros pour les véhicules électriques a permis d'en vendre 55 000 depuis le début de l'année. Les véhicules électriques représentaient seulement 1,8 % de l'ensemble des voitures en 2019. Cette proportion a bondi à 6,1 % en 2020. Il y a une vraie dynamique. Pour continuer à soutenir la demande de véhicules électriques, nous maintiendrons le bonus à 7 000 euros jusqu'à la fin de l'année 2020, puis il passera à 6 000 euros en 2021 et à 5 000 euros en 2022.
Nous nous engageons maintenant dans la relance. L'époque est à la caricature, alors qu'elle devrait être à la nuance. Je le regrette. En effet, contrairement à la caricature, le Gouvernement n'est pas engagé dans une politique exclusive de l'offre, abandonnant la demande.
Soutenir massivement le chômage partiel, c'est soutenir la demande ; investir dans l'aéronautique, c'est soutenir la demande ; investir 15 milliards d'euros dans l'industrie automobile, qu'est-ce, sinon soutenir la demande ? Le Gouvernement protège et soutient la demande des plus fragiles, par exemple en augmentant l'allocation de rentrée scolaire à concurrence d'un demi-milliard d'euros.
Néanmoins, l'axe fondamental de la politique du Gouvernement reste le soutien à l'offre et l'amélioration de la compétitivité de nos entreprises, parce que c'est ainsi que l'ensemble de l'économie française pourra se redresser sur le long terme.
Ces choix se font dans un contexte très difficile de persistance du virus et de grandes incertitudes économiques. Lorsque tout le monde m'expliquait, fin août, que la crise était derrière nous et que la consommation repartait à la hausse, j'ai tenu à modérer les enthousiasmes des uns et des autres, et, alors que les instituts de statistiques estimaient que la récession devait être réévaluée de - 11 % à - 8 %, je m'en suis tenu à une évaluation prudente, à savoir - 10 %. Il s'agit de ne pas céder à des excès d'optimisme. Le redressement sera lent. Il prendra deux ans. Si, en 2022, nous avons retrouvé le niveau de 2019, nous aurons relevé ensemble un très beau défi économique et politique.
Le budget de la relance représente 100 milliards d'euros, décaissés sur deux ans, dont 86 milliards d'euros de financement de l'État répartis entre 66 milliards d'euros de crédits budgétaires et 20 milliards d'euros de baisse d'impôts de production, 8,7 milliards d'euros provenant de la sphère sociale, 3 milliards d'euros de la Banque des territoires et 2,5 milliards d'euros de Bpifrance.
Nous visons un décaissement de 10 milliards d'euros d'ici à fin 2020. Des appels d'offres ont déjà été lancés pour la rénovation énergétique des bâtiments. Vous avez jusqu'au 9 octobre pour faire remonter les projets. Les aides à l'embauche des jeunes et à l'industrie peuvent être décaissées très vite.
Nous souhaitons que 42 milliards d'euros soient effectivement dépensés d'ici à la fin de l'année 2021, pour que la relance soit la plus rapide possible.
Le Premier ministre réunira un conseil national de la relance rassemblant parlementaires, organisations patronales et syndicales et représentants des collectivités locales, de façon à veiller à la bonne mise en place du plan de relance. Je présiderai chaque semaine un comité de pilotage national dont le secrétariat général sera assuré par Bruno Parent et qui veillera au suivi des indicateurs d'exécution du plan de relance, qui seront transparents et accessibles sur Internet. Enfin, des comités de suivi régionaux associeront les préfets, les présidents de région et les directeurs régionaux des finances publiques.
Le premier principe fondateur de notre politique économique de l'offre, c'est la baisse des impôts. Il n'y aura pas d'augmentation d'impôts d'ici à la fin du quinquennat. D'ici à fin 2021, nous aurons baissé les impôts de 45 milliards d'euros, dont la moitié pour les ménages, notamment via la taxe d'habitation, et la moitié pour les entreprises, notamment via la réduction de l'impôt sur les sociétés à 25 % d'ici à 2022 pour toutes les entreprises. Avec la baisse des impôts de production de 10 milliards d'euros à compter du 1er janvier 2021, ce sera la diminution d'impôts la plus importante depuis vingt ans en France. Malgré cela, notre taux de prélèvements obligatoires restera un des plus élevés des pays de l'OCDE.
Le deuxième principe fondateur est l'amélioration de la compétitivité de nos entreprises. C'est nécessaire pour réussir la relocalisation industrielle, produire des électrolyseurs, des batteries électriques, des ordinateurs quantiques ou des avions à hydrogène. Nous devons poursuivre notre politique de formation et de qualification qui a permis, pour la première fois depuis dix ans en 2019, la création d'emplois industriels.
Tous ceux qui veulent la relocalisation industrielle mais refusent d'en tirer les conséquences fiscales ou en matière de formation des salariés manquent de cohérence.
Notre objectif est de renforcer l'activité de 4 points de PIB, dont 1,5 point en 2021, et de créer 240 000 emplois dès 2022.
Le troisième principe fondateur est l'accélération de la transition écologique. Pour la première fois, nous vous présentons un budget « vert », dans lequel nous identifions les dépenses vertes, neutres et négatives. Cet exercice est perfectible, mais au moins il existe. On peut savoir gré au Gouvernement de s'être engagé dans cette voie.
Trente milliards d'euros du plan de relance sont consacrés à des mesures favorables à l'environnement et aucune mesure ne lui est défavorable : rénovation énergétique des bâtiments, développement du ferroviaire, des pistes cyclables, du recyclage, hydrogène...
Ma conviction est que la France peut sortir plus forte de cette crise, avec un modèle économique plus juste, plus compétitif, plus décarboné.
Beaucoup de Français sont en plein désarroi ou en colère, mais nous voulons apaiser les tensions en montrant que nous protégeons les plus fragiles et les plus exposés à la crise économique, avec des solutions concrètes. Nous voulons montrer aux Français qu'il existe une voie de passage pour une France plus compétitive et plus respectueuse de l'environnement.
ministre délégué auprès du ministre de l'économie, des finances et de la relance, chargé des comptes publics. - Je m'associe aux félicitations adressées par M. Le Maire aux sénateurs réélus et je salue ceux qui ont fait le choix de ne pas se représenter. Je leur souhaite le meilleur.
Premièrement, le projet de loi de finances pour 2021 est le principal vecteur du plan de relance. Sur 100 milliards d'euros, 8,7 milliards d'euros sont couverts par la sphère sociale, avec l'Unedic et la sécurité sociale, 5,7 milliards d'euros par la Banque des territoires et Bpifrance, et 86 milliards d'euros par l'État, dont 20 milliards d'euros de baisse d'impôts - 10 milliards d'euros dès le 1er janvier - et 66 milliards d'euros de crédits budgétaires. Parmi ces derniers, on compte 11,5 milliards d'euros au titre du Programme d'investissements d'avenir (PIA) et 16 milliards d'euros relevant des missions habituelles, comme l'abondement du financement de l'insertion par l'activité économique, qui dépend du budget du ministère du travail. Certains crédits ont déjà été votés par le Parlement, comme le milliard d'euros de dotation de soutien à l'investissement local (DSIL) décidé en juillet dernier. Enfin, 36,4 milliards d'euros sont prévus pour la mission « Relance ». Nous veillons, dès début 2021, à ouvrir les autorisations d'engagement et avons prévu 22 milliards d'euros de crédits de paiement. Ces 36,4 milliards d'euros sont répartis entre l'écologie, pour 18,4 milliards d'euros, la cohésion, pour 12 milliards d'euros, et la compétitivité, pour 6 milliards d'euros.
Nous avons veillé à ce que cette mission soit pilotée directement par le ministère de l'économie, des finances et de la relance. En outre, nous avons concentré ses crédits sur trois programmes : cette solution garantit une véritable fongibilité à l'échelle de chaque programme et permet de mettre en oeuvre la clause de revoyure. Si un projet ne voit pas le jour, nous pourrons facilement en annuler les crédits et les redéployer au profit d'un autre arrivé à maturité.
Deuxièmement, ce projet de budget traduit - évidemment - les engagements pris depuis le début du quinquennat. À périmètre constant - autrement dit, les crédits de la relance mis à part -, nous avons fait le choix de vous présenter un projet de loi de finances très conforme à ce que nous avions indiqué lors du débat d'orientation des finances publiques : avec le montant total de dépenses présenté à cette occasion, l'écart n'est « que » de 700 millions d'euros. Il résulte de choix tels que la revalorisation des traitements des enseignants ou la mise en oeuvre de la justice de proximité.
Nous tenons à rester aussi près que possible du programme triennal. Certes, nous avons la responsabilité d'engager de nombreux crédits pour répondre à la crise économique. Mais, pour les financer dans le temps, nous devons également maîtriser les dépenses publiques structurelles et conserver au plan de relance un caractère aussi conjoncturel que possible. C'est aussi pour cela qu'avec ce budget nous tenons l'engagement de stabilité du schéma d'emplois de l'État pour 2021. Ce schéma affiche une très légère baisse, de 157 équivalents temps pleins (ETP).
Suivant nos priorités, nous donnons davantage de moyens aux ministères régaliens. Le ministère des armées voit son budget augmenter de 1,7 milliard d'euros, conformément à la loi de programmation militaire (LPM). L'intérieur voit son budget augmenter de 433 millions d'euros et la justice, de 610 millions d'euros - tous ces chiffres sont hors relance -, soit 8 %. Cette hausse inédite répond à deux objectifs : mettre en oeuvre de nouveaux engagements, notamment au titre de la justice de proximité, et rattraper la trajectoire de la loi de programmation de la justice, légèrement sous-exécutée lors des deux derniers exercices.
En parallèle, nous préparons l'avenir. Le budget du ministère de l'éducation nationale va augmenter de 1,4 milliard d'euros ; celui du ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche augmentera de 500 millions d'euros pour financer des actions en faveur de la vie étudiante et traduire les priorités inscrites dans le projet de loi de programmation de la recherche, texte en cours d'examen ; le budget du ministère de la transition écologique augmentera de presque 1 milliard d'euros, dans la continuité des années précédentes.
Certaines priorités politiques, sans être nouvelles, se trouvent affirmées cette année. Le ministère de la culture verra ses crédits augmenter de 150 millions d'euros. Quant au ministère chargé de l'égalité entre les femmes et les hommes, il verra ses fonds croître de 40 % - même si ce budget, de quelques dizaines de millions d'euros en propre, est sans commune mesure avec les budgets massifs précédemment évoqués.
De plus, nous poursuivons le travail de « sincérisation » du budget entrepris en 2017. Depuis 2018, notre doctrine est de minorer à 3 % le taux de mise en réserve, qui était auparavant de 8 %. Ce taux est même ramené à 0,5 % pour trois programmes budgétaires : l'allocation personnalisée d'autonomie (APA), la prime d'activité et l'allocation aux adultes handicapés (AAH), dépenses par nature assez incompressibles.
Afin de simplifier le paysage fiscal, nous proposons de supprimer sept petites taxes supplémentaires et nous débattons avec un certain nombre d'entre vous, ainsi qu'avec vos collègues députés, pour étendre encore cette liste. Depuis 2018, une soixantaine de petites taxes auront été supprimées, pour un montant total de 750 millions d'euros.
Nous vous proposons aussi de poursuivre le travail de rebudgétisation d'un certain nombre de fonds financés par des taxes affectées. C'est un moyen de renforcer l'autorisation parlementaire en matière budgétaire. Nous suggérons notamment de rebudgétiser le fonds Barnier, dont le montant total est aujourd'hui de 137 millions d'euros.
Enfin, au titre des baisses d'impôts, nous engageons, avec ce budget, la suppression d'un tiers de la taxe d'habitation encore payée par 20 % des foyers. Ce mois d'octobre, 80 % des foyers ne paieront plus de taxe d'habitation. Cet effort représente un engagement de 2,4 milliards d'euros. De surcroît, nous franchissons une nouvelle étape dans la diminution de l'impôt sur les sociétés, conformément à la trajectoire arrêtée, pour un engagement de 3,7 milliards d'euros.
Troisièmement, il s'agit d'un budget de transition écologique. Plus d'un tiers du plan de relance est consacré à celle-ci et 18,4 des 36,4 milliards d'euros de la mission « Relance » y sont dédiés. Un budget « vert » permet de donner à chaque programme budgétaire une cotation environnementale fondée sur six critères, lesquels sont un gage de nuance. Le développement du ferroviaire est bon pour l'environnement, car il contribue à réduire les émissions de gaz à effet de serre, mais il peut être considéré comme défavorable à la biodiversité.
Quatrièmement et enfin, j'évoquerai la trajectoire des finances publiques.
L'exercice 2020 devrait se terminer avec un déficit public aux alentours de 10,2 % du PIB et une dette publique représentant 117,5 % du PIB. Ces chiffres s'expliquent par la diminution du fruit des prélèvements obligatoires de 6,8 %, laquelle représente 70 milliards d'euros, toutes administrations confondues, et 46 milliards d'euros pour l'État, ainsi que par la hausse des dépenses d'intervention publique. Cette hausse est de 6,5 % pour l'année 2020, contre 2,2 % en 2019.
Pour 2021, notre objectif, c'est un déficit à 6,7 % du PIB et une dette à 116,5 % du PIB. Cet objectif est atteignable - notre but final étant de retrouver la situation de la fin 2019 -, car l'État se finance dans des conditions extrêmement favorables. Il convient de les préserver grâce aux réformes et aux dépenses structurelles que nous engageons, dans le droit fil de la trajectoire précédente. De 2017 à 2019, nous étions sous les 3 % de déficit - au cours de la dernière année, le déficit, hors crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE), s'établissait même à 2,1 %. Le poids de la dépense publique avait été réduit de 55,5 % à 54 % du PIB et la part des prélèvements obligatoires avait diminué de 45,1 % à 44,1 % en 2019.
L'année 2020 sera particulière : le poids des dépenses publiques dans le PIB va augmenter, du fait de leur propre croissance et de la baisse du PIB. Toutefois, nous espérons atteindre à nouveau 58 % en 2021 et revenir à un chiffre proche de celui de 2019 au cours de l'année 2022. Pour ce qui concerne les prélèvements obligatoires, nous espérons atteindre un taux de 43,8 % fin 2021, avec les mesures fiscales relatives à la taxe d'habitation et à l'impôt sur les sociétés, mais aussi avec la baisse des impôts de production, qui s'inscrit dans le cadre du plan de relance.
Nous sommes particulièrement attentifs à la trajectoire des dépenses publiques et des prélèvements obligatoires : il s'agit de préserver notre crédibilité sur les marchés financiers. Au surplus, nous aurons d'autant plus de facilité à obtenir, pour notre propre plan de relance, des financements de l'Union européenne que nous l'accompagnerons de réformes structurelles. En outre, nous gardons bien à l'esprit qu'une dette se rembourse : c'est une question de responsabilité.
Enfin, monsieur le président de la commission, vos interrogations quant au calendrier de présentation d'un projet de loi de programmation pluriannuelle des finances publiques rejoignent les attentes du Haut Conseil des finances publiques (HCFP). Dans les prochaines semaines et les prochains mois ou, en tout état de cause, en 2021, nous devrons procéder à la révision de la trajectoire. Le cantonnement de la dette, notamment de la dette covid, imposera également d'adopter un certain nombre de dispositions au titre de la gouvernance des finances publiques. Ce sera très certainement l'occasion d'un double exercice.
Monsieur le ministre de l'économie, la situation sanitaire s'aggravant à nouveau de jour en jour, de nouvelles restrictions d'activité ont été décidées par le Gouvernement dans les régions les plus affectées. En conséquence, vous avez annoncé un soutien renouvelé aux secteurs concernés, comme la restauration et l'événementiel. Sera-t-il nécessaire de renforcer une nouvelle fois les crédits des dispositifs du plan d'urgence adopté au printemps dernier - fonds de solidarité, chômage partiel et exonérations sociales -, soit dans le budget pour 2020, via le collectif budgétaire de fin d'année, soit dans le budget pour 2021, qui ne consacre encore aucun crédit à ces dispositifs ?
De plus, le plan de relance ne consacre que 800 millions d'euros au soutien aux plus précaires, soit à peine 0,8 % du total. Vous précisez vous-même que ce montant correspond, pour deux tiers, à la majoration de l'allocation de rentrée scolaire, qui était déjà budgétée et a été versée en août dernier. N'est-ce pas le signe d'un plan déséquilibré, qui penche excessivement du côté des entreprises au risque de paraître illégitime à nombre de nos concitoyens ? Pourquoi ne pas avoir repris certaines propositions, comme l'ouverture du revenu de solidarité active (RSA) aux jeunes ou la création de « chèques-relance » au bénéfice des plus modestes ?
Monsieur le ministre de l'économie, avec ce projet de loi de finances, vous anticipez une baisse du PIB de 10 % en 2020, qui contrecarre l'acquis de croissance et laisse supposer une rechute de l'économie au dernier trimestre. Pouvez-vous revenir précisément sur les raisons d'une telle trajectoire ? S'agirait-il plutôt d'une chute de la consommation, d'un recul de l'investissement ? Ou bien, avec ces chiffres, anticipez-vous tout simplement une deuxième vague de l'épidémie ?
Ma deuxième question portera sur la baisse des impôts de production. D'un point de vue économique, l'on considère généralement qu'un bon plan de relance doit respecter « la règle des trois T » : timely, targeted, temporary. Or la baisse des impôts de production est une mesure permanente. Même si personne ne contestera que les impôts pesant sur les entreprises, en particulier, sont trop lourds, n'aurait-il pas mieux valu mettre en oeuvre des mesures plus ciblées sur certains secteurs, par exemple des annulations de charges, tout en subventionnant directement l'investissement, et reporter cette baisse des impôts à des temps meilleurs ?
Le Gouvernement met l'accent sur la territorialisation du plan de relance. Olivier Dussopt a déclaré que c'est la DGFiP qui, en quelque sorte, piloterait ce plan. Je ne remets pas en cause les compétences de la DGFiP, mais, sur le terrain, comment cela va-t-il se passer ? Hier, le président du Haut Conseil des finances publiques, qui connaît bien cette administration, pointait le risque d'enlisement, de non-décaissement, surtout quand on sait le côté parfois tatillon de l'administration française. Certes, que Bruno Le Maire préside lui-même le comité hebdomadaire est de nature à nous rassurer, mais la DGFiP n'a pas de compétence « métier ». Aussi, comment s'assurer de la bonne territorialisation de ce plan de relance ?
Pendant ma campagne électorale, j'ai évidemment rencontré des chefs d'entreprise désespérés. Que répondre à un sous-traitant de troisième rang dans l'aéronautique, par exemple ? Lorsqu'on fabrique des vis pour l'aéronautique, on n'est sous-traitant ni de premier rang ni de deuxième rang, mais de troisième rang. Le travail sur l'aluminium ou le titane nécessite des compétences très longues à acquérir, et comment tenir sans aucune perspective de commandes avant des années ? Le risque n'est-il pas que, ces compétences disparaissant, nous ne soyons plus capables de produire des pièces d'avion en France ? Les mesures de chômage partiel ne suffiront pas, cependant que ces entreprises échappent aux mesures du plan sectoriel.
Je ne crois pas que le plan penche trop du côté des entreprises. Ce sont elles qui vont créer de l'emploi, ce qui est la priorité absolue. L'objectif est non pas de soutenir massivement la demande, puisque le pouvoir d'achat des Français a été épargné, mais d'empêcher les entreprises de faire faillite. Nous tablons sur une récession de 10 %, quand le pouvoir d'achat baisserait de 0,5 % en 2020, ce qui est comparativement peu, même si, d'ordinaire, celui-ci progresse. Cela signifie que nous avons amorti très largement le choc économique pour les ménages, l'État l'absorbant à hauteur de 60 % par l'endettement, une dette qui devra être remboursée. Les entreprises, quant à elles, qui ont supporté une large part de ce choc économique, doivent être soutenues.
Pour autant, nous ne négligeons pas les Français les plus fragiles, les plus modestes, qui ont été très touchés par la crise. Plus de 700 000 personnes ont perdu leur emploi, souvent des emplois précaires, de très courte durée. J'étais tout à l'heure en Seine-et-Marne et chacun sait que, chez Disney, où l'on compte beaucoup de contrats courts ou d'emplois peu qualifiés, ce sera compliqué. Il faut soutenir en priorité ces personnes qui ne bénéficient pas du chômage partiel et sont parfois dans une situation de détresse totale, plutôt que d'engager une relance globale de la demande, qui coûterait extrêmement cher et dont beaucoup de Français n'ont pas besoin aujourd'hui.
Pourquoi le pouvoir d'achat n'a-t-il baissé que de 0,5 % ? Principalement parce que nous avons dépensé 20 milliards d'euros au titre du chômage partiel - 30 milliards d'euros sont prévus. Dans le fond, nous avons payé les salaires à la place des entreprises. C'est la première fois que l'on fait cela en France. Cette décision, voulue par le Président de la République, a permis de protéger des compétences, des salariés, ce qui évitera de devoir former dans quelques mois les mêmes salariés, et donc de perdre du temps.
Nous avons réévalué à 10 %, au lieu de 11 %, le taux de la récession. Les chiffres de la consommation sont bons : selon les données de l'Insee publiées ce matin, la consommation de biens a augmenté de 3 % en août par rapport au mois précédent et de 2,4 % par rapport à août 2019. Il y a donc bien un effet de rattrapage. Néanmoins, je reste prudent, le retour du virus pouvant avoir un impact sur le moral des Français.
S'agissant des impôts de production, je revendique le choix de les baisser ; je plaide en ce sens depuis quatre ans. Je veux assurer aux entreprises françaises une équité de concurrence. Les impôts de production, je le rappelle, sont sept fois plus élevés en France qu'en Allemagne. La baisse de ces impôts doit permettre d'offrir un environnement économique plus favorable à l'industrie, cette baisse étant ciblée principalement sur les secteurs industriels et sur les PME. C'est une nécessité si nous voulons réussir la relocalisation industrielle.
S'agissant des sous-traitants aéronautiques, je partage votre préoccupation. Je réunirai les responsables de la filière aéronautique très prochainement. Nous avons investi beaucoup d'argent dans cette filière : les sous-traitants - ceux de l'Eure-et-Loir, de l'Eure et d'ailleurs - doivent eux aussi en bénéficier, et non pas uniquement Airbus, Safran, Thales et Dassault, grandes entreprises françaises dont nous sommes par ailleurs très fiers.
S'agissant du rôle de la DGFiP, celle-ci a démontré durant la période de confinement sa très grande réactivité : 6,2 milliards d'euros ont été versés au titre du fonds de solidarité au début du confinement, tandis que les règles de versement ont été modifiées cinq ou six fois. Chaque fois, la DGFiP a su adapter son fonctionnement très rapidement.
Nous nous appuyons sur la DGFiP pour le versement des crédits du fonds de solidarité, notamment pour les entreprises qui doivent fermer en raison du nouveau pic épidémique. Par ailleurs, nous veillons à ce que les directions régionales participent aux comités de suivi au niveau territorial. Cette administration peut fournir, quasiment en temps réel, des indicateurs extrêmement précieux pour mesurer l'effet du plan de relance. Ainsi, nous connaissons au mois le mois le niveau des dépenses des collectivités locales et le niveau de paiement de leurs échéances fiscales par les entreprises.
S'agissant de la question de la territorialisation, il faut distinguer quatre types de mesures dans le plan de relance.
Premièrement, il comporte des mesures nationales qui ne font pas l'objet d'une déclinaison locale. Ainsi, la baisse des impôts de production concerne toutes les entreprises, en vertu du principe d'égalité devant l'impôt. Grâce à la DGFiP, nous pourrons territorialiser les résultats et évaluer les montants concernés pour les entreprises de chaque département. De même, l'augmentation de l'allocation de rentrée scolaire est une décision applicable nationalement.
Deuxièmement, certains crédits font l'objet de mesures de paramétrage à un niveau national, mais sont gérés par des opérateurs territoriaux. Je pense notamment aux crédits gérés par l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe) ou par l'Agence nationale de l'habitat (Anah).
Troisièmement, d'autres crédits font l'objet d'une gestion déconcentrée, par exemple ceux de la DSIL, à la main des préfets de département et des préfets de région. Il en ira de même, à hauteur de 1 milliard d'euros, pour les crédits consacrés à la rénovation énergétique des bâtiments des collectivités.
Quatrièmement, certains crédits sont confiés directement à la gestion, partagée ou non, des collectivités locales : les crédits faisant l'objet d'une délégation. Je pense notamment aux 600 millions d'euros que nous voulons déléguer aux régions pour la mise en oeuvre des travaux d'économie d'énergie dans les lycées ou pour les mobilités, ainsi qu'aux crédits dévolus aux contrats de plan en cours de négociation.
Il faut aussi mentionner la présence des élus locaux - des présidents de région notamment, mais pas seulement eux - dans le comité de suivi régional.
Un mot rapide sur la compensation de la baisse des impôts de production. Pour ce qui concerne la part régionale de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE), dans le pacte signé entre l'État et les régions, il est prévu d'affecter aux régions une part du produit de la TVA comme c'était déjà le cas en équivalent DGF, étant entendu qu'est prise en compte la part perçue en 2020 sur la base de la valeur ajoutée de 2019, période de haut de cycle.
S'agissant de la taxe foncière et de la cotisation foncière des entreprises (CFE), il y va de 3,3 milliards d'euros sur un produit total de 45 milliards d'euros, ce qui permet de relativiser l'enjeu. Nous avons prévu un prélèvement sur recettes dynamique en fonction de l'évolution des bases.
Quasiment toutes les missions voient leurs crédits augmenter. Cela signifie qu'elles sont presque toutes prioritaires. Quelles sont celles qui ne le sont pas ?
Par ailleurs, on emprunte à tout-va : entre 250 milliards et 300 milliards d'euros en 2021. Qui nous prête, hormis l'Europe ? Des Français ? Des fonds souverains de Chine, d'Arabie Saoudite, du Qatar ?
Il n'a pas beaucoup été question des collectivités territoriales. Comment envisager un plan de relance sans elles, qui représentent 70 % de l'investissement civil ? Vous prévoyez en 2020 une diminution de l'investissement public local plus marquée que dans le troisième projet de loi de finances rectificative (PLFR) - moins 4,9 milliards d'euros par rapport à 2019, contre moins 2,4 milliards d'euros. Comment expliquez-vous cette réduction deux fois supérieure aux prévisions ?
Vous avez abordé la question de l'offre et de la demande. Pour ma part, je suis préoccupé par la situation de l'activité marchande et des entreprises. Alors que les entreprises sont quasiment au même niveau d'investissement cet été, leur autofinancement s'effondre de 40 points et leurs marges de 7 points. En quoi votre plan de relance permettra-t-il un rebond de notre activité économique ? En matière de délocalisations, il faudrait prendre en compte la question de la fiscalité et de la formation, dit-on. Pourtant, concernant Bridgestone ou Renault Choisy, ce n'est pas un problème de fiscalité et de formation !
On s'interroge sur la soutenabilité de la dépense et de la dette publique, mais qu'en est-il de la dette privée, c'est-à-dire celle des ménages et des entreprises, qui représenterait 138,2 % du PIB et tendrait vers 150 %, alors même qu'elle est en partie couverte par la dépense et la dette publiques ? Comment envisagez-vous la soutenabilité de la dette privée ?
La loi de finances pour 2020 prévoit les modalités de compensation de la suppression de la taxe d'habitation, qui s'appliqueront à partir de 2021. Pour les départements et les intercommunalités, la perte du produit de la taxe d'habitation sera compensée par une part de TVA. Quelles sont les prévisions de recettes de TVA pour 2020 ?
Pouvez-vous nous confirmer que, s'agissant des modalités de compensation de la baisse des impôts de production, on conservera la dynamique des bases à travers un système de dégrèvement ?
La troisième loi de finances rectificative a prévu d'allouer un milliard d'euros au bloc communal, sous forme de subventions, pour faciliter la relance dans les territoires. Dispose-t-on de prévisions sur l'effet de levier de ce milliard d'euros et sur le calendrier concret de déclinaison des investissements dans les territoires ?
La troisième loi de finances rectificative prévoit au moins 30 milliards d'euros en faveur des entreprises et du monde économique, et un milliard d'euros au titre de la dotation de soutien à l'investissement local pour soutenir les investissements des communes et intercommunalités, aux fins de relancer le secteur du bâtiment et des travaux publics. Pour autant, l'ensemble des collectivités territoriales expriment des inquiétudes légitimes quant au manque à gagner en matière de recettes, avec la baisse de la TVA, des droits de mutation à titre onéreux (DMTO) pour les départements, etc.
Dans le même temps, vous prévoyez une baisse des impôts de 45 milliards d'euros. Comment tout cela peut-il s'articuler ?
Une bonne exécution, c'est une exécution rapide, avez-vous dit, monsieur Le Maire. Pour ma part, je m'interroge sur la rapidité d'exécution. En effet, chaque projet suppose une instruction par les services de l'État. Or celle-ci lui est bien souvent fatale, et il est à craindre que les entreprises ne soient découragées. Ce n'est pas une question financière, c'est une question de logistique. Vos collègues des différents ministères vous ont-ils donné des garanties que leurs services - directions départementales des territoires (DDT), directions régionales de l'environnement, de l'aménagement et du logement (Dreal), etc. - accompagnent les projets des entreprises et des collectivités et facilitent leur mise en oeuvre dans les territoires ? Cela me paraît fondamental !
Au fil des PLFR, le Gouvernement s'est montré prudent dans ses prévisions macroéconomiques, et c'est tant mieux. Pour autant, s'agissant de 2021 et de 2022, messieurs les ministres, n'êtes-vous pas trop optimistes ? L'hypothèse d'un retour à la situation d'avant-crise en 2022 vous paraît-elle plausible, même si je comprends que cette date n'a peut-être pas été choisie au hasard ? Pour ma part, je m'inquiète un peu : bien malin qui peut dire comment la crise sanitaire va tourner.
Je n'ai toujours pas compris si la réforme de l'aide personnalisée au logement, qui devait initialement s'appliquer en 2020 et devrait maintenant intervenir au 1er janvier 2021, allait permettre d'économiser 900 millions d'euros ou 1,2 milliard d'euros par an.
Pour 2021, vous rajoutez 437 millions d'euros dans ce programme et vous demandez à Action Logement de verser un milliard d'euros au Fonds national d'aide au logement (FNAL), alors même que vous ne procéderez pas à une compensation de 300 millions d'euros précédemment accordée à cet organisme. Or les effets de la crise vont entraîner une augmentation du nombre d'allocataires. Le montant prévu sera-t-il suffisant ?
Dans un article paru ce matin dans les Échos, Geoffroy Roux de Bézieux s'inquiétait de l'avenir d'Action Logement. Un rapport de l'Inspection générale des finances semble ouvrir un certain nombre de pistes qui pourraient mener jusqu'au démantèlement d'Action Logement. Sur ce sujet, il faudrait que le Gouvernement abatte ses cartes et indique ses intentions : 500 millions d'euros ont été prélevés l'an dernier, un milliard d'euros le seront cette année, à quoi s'ajoute la non-compensation de 300 millions d'euros. Le contexte ne semble pas favorable au secteur du logement, alors même que ce projet de loi de finances prévoit peu de mesures d'incitation pour la construction en général.
Après avoir entendu votre prudence, il y a un mois, vous conduisant à ne pas réviser trop tôt les prévisions de décroissance pour l'année 2020, j'admire votre optimisme pour l'année 2022, surtout au regard des crises passées, d'une part, et de l'absence de réformes structurelles, d'autre part ! Or, et c'est l'histoire qui le dit, ce sont celles-ci qui marchent lorsque l'on veut faire un plan de relance budgétaire.
Je partage l'analyse de Sylvie Vermeillet. Il va y avoir des engagements nouveaux, mais les décaissements concernent des projets qui existent déjà, pour lesquels il n'y a pas besoin de plan de relance et qui se seraient faits naturellement. Cela risque de créer un effet d'aubaine, ce qui est dommage.
Je vous félicite de maintenir la trajectoire pour la baisse des impôts. En effet, la première chose dont les entreprises françaises ont besoin, c'est de visibilité. Il est temps de baisser les impôts de production et l'impôt sur les sociétés, et de supprimer des petites taxes. En revanche, le mot « dépense » est totalement absent de votre vocabulaire : il n'y a aucune trajectoire ! Comment donner confiance, alors que la dépense va forcément créer de la dette ? Pouvez-vous davantage vous expliquer sur le cantonnement de la dette et le mécanisme que vous souhaitez mettre en place ? Car la vraie crise à venir, c'est celle de la dette !
Au mois de juin dernier, vous avez parlé d'un plan global de 450 milliards d'euros, qui comprenait à la fois des garanties, des prêts et de la dépense budgétaire, cette dernière étant limitée à 75 milliards d'euros. Étaient en particulier prévus 300 milliards d'euros de prêts garantis par l'État. Or ceux-ci ne représenteraient plus que 120 milliards d'euros. Par conséquent, il faut déjà retirer 180 milliards d'euros des 450 milliards d'euros prévus.
De même, vous parlez de 100 milliards d'euros pour le plan de relance, mais, en recomptant, je n'en trouve que 91, puisque 9 milliards d'euros ont déjà été annoncés en juin. C'est pourquoi je n'aime guère ces effets d'affichage, trop généraux, trop globaux ; je leur préfère une présentation plus claire des sujets.
Vous excluez toute hausse d'impôts jusqu'à la fin du mandat. Pourtant, l'extension de la contribution pour le remboursement de la dette sociale (CRDS) jusqu'en 2042 représente une hausse majeure, qui aura bien été engagée sous votre mandat. Prudence, donc, là aussi. De plus, l'absence de hausse d'impôts s'accompagne d'une augmentation symétrique de la dette, ce qui n'est pas très rassurant du point de vue de l'équilibre général. Au moins, la baisse de la taxe d'habitation avait été financée par une croissance portée à 2,3 % ; nous en sommes loin aujourd'hui.
Je comprends votre discours sur la compétitivité et la compétition internationale, que l'on entend d'ailleurs depuis des années et qui est tout à fait pertinent, mais à quelle vision globale de long terme correspond-il ? On baisse les impôts dits de production, mais jusqu'où ira-t-on ? Allons-nous vers 0 % d'impôts pour les entreprises ?
Si l'on ne fait que se comparer en permanence aux uns ou aux autres, on peut les réduire indéfiniment.
Où la baisse s'arrêtera-t-elle ? Quel est l'objectif ? Je n'en vois pas.
Comme je l'ai dit à Pierre Moscovici, en cette période exceptionnelle, je m'attendais à un budget exceptionnel dans sa présentation même. Certes, un budget doit comporter des chiffres, mais je me serais attendu à des évaluations hautes et basses, vu la situation, ce qui aurait facilité un ajustement en cours d'année à l'intérieur de ce faisceau.
Enfin, vous avez parlé hier d'un fonds de private equity, comme on dit, pour les entreprises non cotées, et avez annoncé que vous alliez encourager les Français à y souscrire. Quel sera l'outil qui les y incitera ?
Le 2 juin dernier, le Sénat a adopté une proposition de loi prévoyant une couverture assurantielle des pertes d'exploitation subies par les entreprises en cas de crise sanitaire, fruit des travaux de notre commission des finances. Où en est-on du parcours parlementaire de ce texte ? Je pense qu'il a très peu de chances d'aboutir, puisqu'il émane du Sénat. Dès lors, allez-vous le reprendre à votre compte ? Nous n'y verrions aucun inconvénient. Évidemment, il n'aurait pas d'effet rétroactif, mais, si la crise perdure en 2021, il pourrait être utile. Rien n'a été fait en la matière, pour le moment. Pourtant, les entreprises ont souffert énormément : pendant le confinement, si l'État a fait ce qu'il fallait en matière de charges variables, notamment de personnel, rien n'a été fait concernant les charges fixes, comme les loyers, les frais d'électricité, de téléphone ou les frais financiers - autant de pertes d'exploitation qui apparaîtront dans les bilans de 2020. Il serait bon que, en 2021, suite aux négociations avec les assurances conduites par les auteurs de ce texte, celles-ci puissent jouer leur rôle. Sinon, les entreprises souffriront à nouveau si la crise devait perdurer l'année prochaine.
Lors de votre dernière audition, nous avions appelé votre attention sur les difficultés du trafic transmanche et la question de la compétitivité des entreprises qui l'assurent. Des réponses ont été données par le Premier ministre à l'Assemblée nationale pour 2021, avec une exonération de cotisations sociales à hauteur de 15 milliards d'euros. Poursuivez-vous l'examen de la situation ? Cette exonération de cotisations sociales durera-t-elle suffisamment pour que ces entreprises puissent retrouver toute la compétitivité qui leur est nécessaire pour assurer leur importante mission ?
Vous avez évoqué la baisse des impôts de production pour 2021, à hauteur de 10 milliards d'euros sur un total de 70 milliards d'euros. Avez-vous prévu une nouvelle tranche de baisse des impôts de production en 2022 ?
Dans cette situation difficile, il est nécessaire que des moyens d'accompagnement soient consacrés à nos entreprises. Est-il opportun d'envisager une baisse des moyens des chambres consulaires de 100 millions d'euros dans le projet de budget ? Cela risque de mettre en difficulté ces institutions, qui sont pourtant utiles pour accompagner les entreprises et permettre la réussite des plans de formation et de transformation des métiers.
La crise a fait voler en éclats le cadre institutionnel de la gestion des finances publiques. Nos repères ont changé et, à titre personnel, je ne sais plus ce qui est prioritaire : la réduction de la dette ou celle des déficits publics ? M. Moscovici diffuse en ce moment l'idée qu'après le temps de la relance, il faudra aller vers la construction d'un nouveau cadre de gestion des finances publiques, au niveau européen bien sûr. Qu'en pensez-vous ?
Vous dites que le poids de la dépense publique dépassera, en 2020, 62 % du PIB, avant de redescendre à 58,5 % en 2021. Par quelles mesures, ou artifices, parviendrez-vous à réduire les dépenses publiques à hauteur de quatre points de PIB, alors qu'elles n'ont diminué que d'un point en deux ans ? Quel crédit accorder à une telle annonce ? Nous avons vu l'année dernière l'expérimentation d'un budget « vert ». Vous avez consacré entre une minute et une minute trente à celui-ci : je trouve que cela commence mal, mais c'est peut-être une crainte infondée... Avez-vous prévu de vous assurer que les mesures exécutées respecteront des normes environnementales - définies par qui, d'ailleurs ? Vous avez pris un risque en affirmant qu'aucune mesure, dans votre projet de budget, n'est défavorable à l'environnement...
Je souhaiterais revenir sur les crédits alloués à la rénovation énergétique des bâtiments publics. Lors de votre précédente audition, vous avez déclaré qu'il s'agissait de projets déjà étudiés, prêts, pour lesquels il manquait un financement, raison pour laquelle les marchés pouvaient être sélectionnés avant la fin de l'année pour une mise en oeuvre en 2021. Au sein du Conseil de l'immobilier de l'État, nous avons eu des discussions sur l'opportunité de sélectionner aussi vite des projets, notamment au regard des conséquences que la crise de la covid a eues sur l'organisation et la manière de travailler. Comment pouvez-vous être sûr que les projets qui vont être choisis dans les semaines à venir ne seront pas à refaire d'ici à quelques mois ou quelques années, pour correspondre à la nouvelle manière de travailler dans les bâtiments publics ? Mieux vaut investir dans le long terme que dans le court terme...
Je n'ai rien trouvé, dans le dossier de presse ou dans le projet de loi de finances, sur les relations avec les collectivités territoriales. Le 1er janvier 2021, la contribution économique territoriale va être transférée à la métropole du Grand Paris. Qu'en est-il des sept millions d'habitants qui vivent dans les territoires du Grand Paris ? Comment ces territoires vont-ils pouvoir continuer à exercer leurs missions ?
M. Vincent Delahaye demande qui nous prête. Comme nous levons 260 milliards d'euros de dettes sur les marchés, c'est une question essentielle. J'ajoute que, si nous voulons continuer à trouver des prêteurs, il vaut mieux leur garantir que nous leur rembourserons ce que nous leur empruntons ! C'est une évidence, mais elle n'est pas toujours partagée aujourd'hui, puisque certains pensent qu'il y aurait de l'argent magique, qui tomberait du ciel et n'aurait jamais à être remboursé... La dette française est détenue à 46 % par des résidents, parmi lesquels nous comptons la Banque de France et la Banque centrale européenne ainsi que les compagnies d'assurances françaises, soit 19 % de l'ensemble, et les banques françaises, qui représentent 6 % des investisseurs. La répartition entre investisseurs résidents et non-résidents est stable : il y a une très grande stabilité dans le financement de la dette française, ce qui est la preuve que cette dette est solide - et nous avons tout intérêt à ce qu'elle le demeure.
Les investisseurs non-résidents sont principalement des grandes banques centrales étrangères, à commencer par celles de la Chine, du Japon et de la Suisse, et des investisseurs institutionnels étrangers. Nous empruntons aussi à des banques européennes et à des assureurs européens et japonais, ainsi qu'à des fonds de pensions. Tous acteurs que je rencontre régulièrement lorsque je me rends à l'étranger, ce qui est malheureusement de moins en moins fréquent.
J'insiste : le financement de notre dette fait apparaître un équilibre entre investisseurs résidents et non-résidents. C'est un facteur de sécurité auquel nous sommes attachés.
Si les spreads restent stables grâce à l'action de la Banque centrale européenne, le ministre des finances que je suis ne prendrait pas la responsabilité de garantir aux Français que les taux d'intérêt demeureront toujours faibles dans les dix ou quinze ans qui viennent. C'est pourquoi, la crise passée, nous devrons rembourser cette dette : par la croissance, la responsabilité en matière de finances publiques et des réformes de structure - incluant, à mes yeux, la réforme des retraites.
Monsieur Savoldelli, Olivier Dussopt vous répondra sur les compensations prévues pour les collectivités territoriales, dont le milliard d'euros alloué à la DSIL - un effort non négligeable.
S'agissant de l'investissement des entreprises, il se maintient à un niveau satisfaisant compte tenu de la situation. Mais les marges sont évidemment dégradées. La baisse des impôts de production, celle de l'impôt sur les sociétés et le milliard d'euros consacré à la relocalisation doivent permettre de restaurer les marges des entreprises. C'est impératif, car, sans marges, pas d'investissement, et donc pas d'emploi. Si je suis aussi attaché à la réduction des impôts sur les entreprises, c'est parce que les marges de celles-ci font les emplois de nos compatriotes !
Monsieur Delcros, monsieur Laménie, Olivier Dussopt répondra à vos questions sur les collectivités territoriales.
Sylvie Vermeillet a soulevé la question, décisive, de la rapidité d'exécution. Oui, il est essentiel que les services déconcentrés se mobilisent pour la bonne exécution du plan de relance.
J'ai pris bonne note des critiques visant les appels à projets pour les relocalisations industrielles. Le président du Medef estime que les règles sont encore trop compliquées. On peut et on doit toujours faire mieux : je ne serai jamais satisfait, tant que mon pays n'aura pas retrouvé les niveaux de croissance et d'emploi auxquels il peut prétendre.
Si 375 projets ont été déposés dans les secteurs indiqués - automobile, aéronautique, secteurs critiques, dont le médicament, secteurs des territoires d'industrie -, il est vrai que nombre de PME ont rencontré des obstacles dans la formalisation de leur dossier. Ce n'est pas acceptable. Je vais regarder où sont les points de blocage, et nous simplifierons les appels à projets.
Depuis le départ, ma méthode est inchangée : proposer et exécuter vite, corriger au fur et à mesure. Si l'on attend d'avoir le produit parfait, on ne fait jamais rien !
M. Dallier a évoqué mon optimisme. Disons qu'il s'agit de volontarisme...
Ce qui compte, ce ne sont pas les taux de croissance de - 10 et + 8 %, c'est l'écart de production. Or les chiffres que je donne correspondent à un écart de 2,4 %, très inférieur aux 4 % que nous redoutions. L'objectif est d'arriver à un écart nul en 2022.
Bien entendu, je ne maîtrise absolument rien de la situation sanitaire. Une prolongation de l'épidémie au-delà du début de 2021 pourrait avoir des conséquences. Cela dépend aussi de chacun d'entre nous.
Monsieur Bascher, je vous remercie d'avoir insisté sur la visibilité, essentielle, en ce qui concerne la trajectoire des impôts. Assailli de propositions pour modifier les impôts dans tous les sens, plafonner, déplafonner, limiter, ouvrir, refermer ou simplifier le crédit d'impôt recherche, j'ai pris une grande décision : ne rien faire. Dans le fond, je pense que c'est la meilleure politique pour le crédit d'impôt recherche, parce qu'elle offre, au moins, de la stabilité et de la visibilité aux entreprises.
S'agissant de l'impôt sur les sociétés, je maintiens ce que je répète depuis ma prise de fonction : il s'établira à 25 % pour toutes les entreprises en 2022.
Pour les impôts de production, une première baisse, de 10 milliards d'euros, interviendra au 1er janvier prochain, suivie d'une deuxième, du même montant, au 1er janvier 2022.
S'agissant du cantonnement de la dette, je pense que c'est la meilleure façon de distinguer la dette consentie pour faire face à la crise de la dette structurelle. Les 17,5 points de dette supplémentaires correspondent uniquement aux dépenses liées au chômage partiel, aux garanties d'État pour les prêts, aux exonérations de charges et au fonds de solidarité. Il est juste d'isoler cette dette de l'endettement structurel et de garantir son amortissement à l'horizon de 2042.
Monsieur Raynal, j'aurais volontiers fait un budget en faisceau... Cela nous aurait rendu grand service pour négocier avec les autres ministères ! Malheureusement, le droit ne le permet pas.
Le fonds de la BPI dont vous avez parlé est très important. Les Français ont constitué une épargne de l'ordre de 85 milliards d'euros, parce que nous avons amorti le choc de la crise pour une large majorité d'entre eux - même si je n'oublie pas tous ceux qui ont perdu leur emploi, à commencer par les titulaires de CDD, les intérimaires et les personnes très peu qualifiées, dont nous devons nous soucier en priorité. Aux Français qui ont pu économiser, dont le livret A et le livret de développement durable sont remplis, qui ont déjà des contrats d'assurance-vie, le fonds d'investissement que nous mettons en place avec la BPI permettra d'investir directement dans les PME implantées sur leur territoire. C'est un dispositif unique en Europe !
Il ne s'agit pas d'investir dans une PME, ce qui serait trop risqué. En investissant - au minimum, 5 000 euros - dans un fonds réunissant 1 500 PME de secteurs extrêmement divers et implantées sur tout le territoire, les ménages peuvent amortir et diversifier le risque. Destiné à soutenir nos PME dans un esprit de patriotisme économique, ce placement est bloqué pendant cinq ans. Le capital n'étant pas garanti, il s'adresse aux Français qui disposent d'une épargne sûre suffisante, leur permettant de prendre un peu plus de risques - moyennant quoi la rentabilité peut être intéressante. Ce dispositif aidera considérablement nos PME sur les territoires !
M. Nougein a posé une question très importante sur le régime d'indemnisation des pertes d'exploitation.
Lorsque j'étais ministre de l'agriculture, je me suis battu, avec l'aide de nombreux sénateurs ici présents, pour rendre plus efficace le système assuranciel en matière de calamités agricoles. Nous y sommes arrivés, après dix ans. Je souhaite que nous y parvenions un peu plus rapidement pour l'indemnisation des pertes d'exploitation en cas de crise sanitaire.
De fait, les chances qu'une nouvelle épidémie survienne un jour sont, j'en ai peur, de dix sur dix. Il serait donc totalement irresponsable de ne pas nous préparer. Cette fois, l'État a amorti tout le choc ; la prochaine fois, j'espère que la charge financière sera un peu plus équitablement répartie.
Quand une crise survient, il est normal de réagir avec les moyens du bord. Mais il serait irresponsable de ne pas anticiper une prochaine pandémie, en mettant en place des dispositifs assuranciels couvrant les pertes d'exploitation. Aujourd'hui, les restaurateurs négocient avec leurs assureurs sur la base des petits alinéas dans les contrats... Tout cela est très artisanal : il nous faut un système professionnel, et je me réjouis que les parlementaires se mobilisent sur cet enjeu essentiel.
Monsieur Canevet, je vous confirme qu'une nouvelle baisse des impôts de production interviendra en 2022.
S'agissant des chambres de commerce et d'industrie, je souhaite le maintien de la réforme, parce que les réformes structurelles sont importantes pour réduire la dépense publique - Jérôme Bascher s'est d'ailleurs exprimé en ce sens.
Monsieur Rambaud, Olivier Dussopt répondra à vos questions dans quelques instants.
Monsieur Husson, il n'y a aucune dépense « grise » ou « brune » dans le plan de relance - je ne parle pas du budget dans son ensemble, mais des 100 milliards d'euros de la mission « Relance ».
Les crédits destinés aux routes sont principalement consacrés à la réfection d'infrastructures existantes. En matière de construction, il y a un seul projet d'importance : la route du littoral à La Réunion, à laquelle il manque trois kilomètres. On peut en débattre au regard de l'exigence environnementale, mais, de façon assez pragmatique, je considère qu'il vaut mieux finir une route commencée...
Madame Lavarde, Olivier Dussopt va vous répondre sur le Grand Paris, qui est un enjeu important.
Je regrouperai les nombreuses questions portant sur les collectivités territoriales, pour y répondre à la fin de mon intervention.
S'agissant du budget vert, le système de cotation est fondé sur un rapport de l'Inspection générale des finances et du Commissariat général au développement durable. L'objectif est de donner aux parlementaires et à tous ceux qui le souhaitent un moyen d'appréhender les dépenses budgétaires et fiscales.
Les dépenses favorables au regard d'au moins l'un des six critères et qui ne sont défavorables à aucun progresseront de 30 % l'année prochaine. À l'inverse, les dépenses défavorables à un critère au moins et qui ne sont favorables à aucun diminueront de 10 %.
À ce stade, la plupart des dépenses de l'État sont considérées comme neutres, puisque nous avons décidé que toutes celles relatives à des revenus - traitements des agents publics, transferts sociaux - n'ont pas d'incidences environnementales ; mais ce travail a vocation à s'améliorer.
Les dépenses uniquement défavorables à l'environnement sont, pour l'essentiel, des dépenses fiscales en matière énergétique : par nature, elles ne peuvent pas être considérées comme favorables à l'environnement.
Les dépenses favorables à l'environnement sont, elles, assez faciles à identifier. Quoi qu'il en soit, le rapport sera rendu public : davantage qu'un cadre contraignant, c'est un outil d'évaluation qui permettra de flécher telle ou telle dépense.
S'agissant des dépenses publiques, nous espérons effectivement revenir à un niveau correspondant à 58 % du PIB en 2021 et retrouver en 2022 un taux proche de celui que nous avons connu en 2019, d'abord grâce à la croissance, mais aussi parce que nous tenons compte du budget tel que nous l'avons élaboré, ainsi que du caractère ponctuel et conjoncturel du plan de relance.
En outre, nous voulons parvenir à une maîtrise de l'évolution des dépenses publiques en volume se situant autour de 0,4 % du PIB. Ainsi, je réponds aussi à Vincent Delahaye : les budgets peuvent à la fois augmenter en valeur et baisser en volume lorsque les dépenses sont bien maîtrisées. On peut financer certaines priorités sans forcément supprimer la totalité des ressources des autres secteurs, tant s'en faut.
Concernant le dimensionnement du plan de relance, Claude Raynal disait tout à l'heure qu'il n'avait retrouvé que 91 milliards d'euros sur les 100 milliards d'euros annoncés. En réalité, les 9 milliards d'euros que vous cherchez, monsieur le sénateur, ont déjà été votés : il s'agit des mesures adoptées dans le cadre du troisième projet de loi de finances rectificative, comme le milliard d'euros supplémentaire pour la DSIL ou les 4 milliards d'euros consacrés au financement de la prime d'apprentissage ou à l'embauche des jeunes. Ces dépenses contribuent à la relance et sont incluses dans les 100 milliards d'euros du plan.
Pour répondre au sénateur Bascher, j'indiquerai que nous avons, pour 2021, un schéma d'emplois stable, puisqu'est prévue une baisse de 157 ETP. Nous avons pour objectif de supprimer entre 10 000 et 11 000 emplois d'ici à la fin du quinquennat. Nous aurons l'occasion d'actualiser cet objectif dans les prochains mois, non pas pour réviser le schéma d'emplois que nous proposons pour 2021, mais pour tenir compte du fait que, en 2020, la crise nous a obligés à créer un certain nombre d'emplois. Je ne prendrai qu'un exemple, celui de Pôle emploi : l'augmentation du nombre des inscrits à Pôle emploi nous a amenés à créer 2 800 postes au sein de cet organisme, alors que ce n'était évidemment pas prévu.
Philippe Dallier nous a interrogés sur les aides publiques au logement (APL) et Action Logement.
Aujourd'hui, nous prévoyons la « contemporanéisation » des APL au 1er janvier 2021. Le quantum des économies est extrêmement compliqué à définir, dans la mesure où nous vivons actuellement une période de crise économique et sociale qui entraîne une hausse du nombre des ayants droit ou du volume des droits potentiels. C'est d'ailleurs la démonstration que cette réforme est bonne pour les usagers : elle permet d'adapter et de mieux caler le niveau des droits dont ils bénéficient selon la réalité de leur situation et de conforter le rôle d'amortisseur social des aides au logement.
S'agissant d'Action Logement, vous avez évoqué l'existence d'un prélèvement d'un milliard d'euros, un peu plus élevé que les années précédentes - nous en convenons bien volontiers -, mais aussi la suppression de la compensation de la perte d'une recette fiscale. J'insiste sur le fait que le prélèvement que nous proposons est tout à fait soutenable, puisque la trésorerie d'Action logement s'élève à 6 milliards d'euros. Quant à la suppression de la compensation à hauteur de 300 millions d'euros, elle l'est tout autant. Pour vous en convaincre, sachez qu'Action Logement, qui vient de publier ses résultats pour l'exercice 2019, affiche un bénéfice net de 1,4 milliard d'euros, pour un actif de 88 milliards d'euros.
Cela étant, la question de la réforme structurelle d'Action Logement se pose. Vous avez mentionné le rapport de l'Inspection générale des finances. Il existe d'autres travaux qui nous laissent penser qu'une réforme pourrait rendre le système plus efficace avec, au pire, le maintien du prélèvement sur les entreprises, et, au mieux, le même niveau de service avec un prélèvement qui pourrait être moins élevé. Vous avez noté que, dans le texte présenté aujourd'hui, il n'y a pas de disposition en ce sens, mais nous continuons à dialoguer avec les principaux partenaires sociaux d'Action Logement pour élaborer le projet de réforme le plus consensuel possible et parvenir à clarifier le rôle de chacun en matière de politique du logement. Vous le savez, ce n'est pas la première fois qu'un gouvernement prélève de l'argent sur la trésorerie d'Action Logement, mais il est aussi parfois arrivé que l'État demande à Action Logement de financer des politiques, en matière de logement, qui ne relevaient pas forcément de son champ de compétence.
Enfin, j'en viens à la question des collectivités locales.
Les collectivités locales sont évidemment concernées par le plan de relance. Bruno Le Maire a évoqué la hausse d'un milliard d'euros de la DSIL. Je précise qu'une circulaire a été adressée aux préfets pour élargir l'éligibilité des projets, au regard non seulement des critères habituels de cette dotation, mais aussi de ceux de la dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR), de manière que les petites communes ne soient pas écartées du bénéfice de ce milliard d'euros supplémentaire.
Un autre milliard d'euros sera consacré à un appel à projets spécifique pour la rénovation énergétique des bâtiments communaux, qui sera géré de manière déconcentrée. D'autres crédits seront déployés, notamment au travers des contrats de plan.
Surtout, nous avons créé en LFR 3 un mécanisme de maintien à un niveau minimal des recettes des collectivités locales. Ce mécanisme garantit le niveau des recettes fiscales et domaniales du bloc communal et celui des DMTO des départements via des avances remboursables, avec une clause de remboursement particulièrement avantageuse, puisqu'il est prévu que les départements ne rembourseront ces avances que lorsqu'ils auront retrouvé le niveau de recettes de DMTO qu'ils ont obtenu en 2019.
Accepté de bonne grâce par le Gouvernement à la suite de la commission mixte paritaire, monsieur le rapporteur général !
Pour le reste, nous constatons un recul de l'investissement des collectivités locales d'un peu plus de 9 % au cours de l'année 2020. Nous l'expliquons par les difficultés que peuvent rencontrer les collectivités locales sur le plan financier, mais surtout par les retards pris par les programmes de travaux durant le confinement ainsi que, de manière plus traditionnelle, par le cycle électoral. J'ajoute que, cette année, ce cycle a été particulièrement long.
La crise a certes dégradé les finances des collectivités territoriales, mais moins que ce que nous craignions. À date, nous constatons que les recettes fiscales des collectivités diminuent moins que prévu. Au 31 août, les recettes de DMTO n'avaient diminué que de 2,6 % - nous conservons toutefois l'hypothèse d'une baisse de 10 %, car nous savons qu'il y a un décalage entre les actes et leur enregistrement. Nous prévoyons également une baisse des recettes de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) se situant autour de 3 %, ce qui est moins important que ce que nous redoutions. Cela signifie que le mécanisme de garantie des recettes que nous avons prévu est certainement calibré à un niveau suffisamment élevé. À titre d'illustration, nous avons proposé aux départements de profiter d'un acompte sur les avances remboursables de DMTO : sur les 80 départements éligibles, 40 l'ont refusé. Cela montre que, à date, la situation financière des départements est relativement préservée, et c'est tant mieux.
En 2021, nous envisageons un rebond de l'investissement des collectivités locales de près de 8 %, ce qui contribuera évidemment à la relance.
Pour rassurer le sénateur Delcros, je confirme que le prélèvement sur recettes qui compensera la baisse de la cotisation foncière des entreprises sera dynamique et indexé sur l'évolution des bases, et que la fraction de TVA qui compensera la perte de recette au titre de la taxe d'habitation pour les départements et les intercommunalités ne dépendra pas du niveau de la TVA encaissée par l'État. En effet, la loi prévoit que ce qui sera versé en 2021 correspondra en montant aux recettes de taxe d'habitation perçues par les collectivités concernées en 2020. Par conséquent, que les recettes de TVA augmentent ou baissent cette année n'aura aucun effet sur le niveau de la compensation en 2021. En outre, sa dynamique sera celle de la TVA au niveau national.
Dernier point, Bernard Delcros nous interrogeait sur l'effet levier de la DSIL. En général, on estime qu'il se situe autour de 3. De manière assez traditionnelle, même si cette estimation souffre de beaucoup d'exceptions, on considère qu'avec un euro de subvention, un euro d'apport en fonds propres et un euro d'endettement, on arrive à peu près à définir la structure des sections d'investissement des collectivités locales.
Merci, messieurs les ministres.
La réunion est close à 18 h 55.
Ce point de l'ordre du jour a fait l'objet d'une captation vidéo qui est disponible en ligne sur le site du Sénat.