ministre délégué auprès du ministre de l'économie, des finances et de la relance, chargé des comptes publics. - Je m'associe aux félicitations adressées par M. Le Maire aux sénateurs réélus et je salue ceux qui ont fait le choix de ne pas se représenter. Je leur souhaite le meilleur.
Premièrement, le projet de loi de finances pour 2021 est le principal vecteur du plan de relance. Sur 100 milliards d'euros, 8,7 milliards d'euros sont couverts par la sphère sociale, avec l'Unedic et la sécurité sociale, 5,7 milliards d'euros par la Banque des territoires et Bpifrance, et 86 milliards d'euros par l'État, dont 20 milliards d'euros de baisse d'impôts - 10 milliards d'euros dès le 1er janvier - et 66 milliards d'euros de crédits budgétaires. Parmi ces derniers, on compte 11,5 milliards d'euros au titre du Programme d'investissements d'avenir (PIA) et 16 milliards d'euros relevant des missions habituelles, comme l'abondement du financement de l'insertion par l'activité économique, qui dépend du budget du ministère du travail. Certains crédits ont déjà été votés par le Parlement, comme le milliard d'euros de dotation de soutien à l'investissement local (DSIL) décidé en juillet dernier. Enfin, 36,4 milliards d'euros sont prévus pour la mission « Relance ». Nous veillons, dès début 2021, à ouvrir les autorisations d'engagement et avons prévu 22 milliards d'euros de crédits de paiement. Ces 36,4 milliards d'euros sont répartis entre l'écologie, pour 18,4 milliards d'euros, la cohésion, pour 12 milliards d'euros, et la compétitivité, pour 6 milliards d'euros.
Nous avons veillé à ce que cette mission soit pilotée directement par le ministère de l'économie, des finances et de la relance. En outre, nous avons concentré ses crédits sur trois programmes : cette solution garantit une véritable fongibilité à l'échelle de chaque programme et permet de mettre en oeuvre la clause de revoyure. Si un projet ne voit pas le jour, nous pourrons facilement en annuler les crédits et les redéployer au profit d'un autre arrivé à maturité.
Deuxièmement, ce projet de budget traduit - évidemment - les engagements pris depuis le début du quinquennat. À périmètre constant - autrement dit, les crédits de la relance mis à part -, nous avons fait le choix de vous présenter un projet de loi de finances très conforme à ce que nous avions indiqué lors du débat d'orientation des finances publiques : avec le montant total de dépenses présenté à cette occasion, l'écart n'est « que » de 700 millions d'euros. Il résulte de choix tels que la revalorisation des traitements des enseignants ou la mise en oeuvre de la justice de proximité.
Nous tenons à rester aussi près que possible du programme triennal. Certes, nous avons la responsabilité d'engager de nombreux crédits pour répondre à la crise économique. Mais, pour les financer dans le temps, nous devons également maîtriser les dépenses publiques structurelles et conserver au plan de relance un caractère aussi conjoncturel que possible. C'est aussi pour cela qu'avec ce budget nous tenons l'engagement de stabilité du schéma d'emplois de l'État pour 2021. Ce schéma affiche une très légère baisse, de 157 équivalents temps pleins (ETP).
Suivant nos priorités, nous donnons davantage de moyens aux ministères régaliens. Le ministère des armées voit son budget augmenter de 1,7 milliard d'euros, conformément à la loi de programmation militaire (LPM). L'intérieur voit son budget augmenter de 433 millions d'euros et la justice, de 610 millions d'euros - tous ces chiffres sont hors relance -, soit 8 %. Cette hausse inédite répond à deux objectifs : mettre en oeuvre de nouveaux engagements, notamment au titre de la justice de proximité, et rattraper la trajectoire de la loi de programmation de la justice, légèrement sous-exécutée lors des deux derniers exercices.
En parallèle, nous préparons l'avenir. Le budget du ministère de l'éducation nationale va augmenter de 1,4 milliard d'euros ; celui du ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche augmentera de 500 millions d'euros pour financer des actions en faveur de la vie étudiante et traduire les priorités inscrites dans le projet de loi de programmation de la recherche, texte en cours d'examen ; le budget du ministère de la transition écologique augmentera de presque 1 milliard d'euros, dans la continuité des années précédentes.
Certaines priorités politiques, sans être nouvelles, se trouvent affirmées cette année. Le ministère de la culture verra ses crédits augmenter de 150 millions d'euros. Quant au ministère chargé de l'égalité entre les femmes et les hommes, il verra ses fonds croître de 40 % - même si ce budget, de quelques dizaines de millions d'euros en propre, est sans commune mesure avec les budgets massifs précédemment évoqués.
De plus, nous poursuivons le travail de « sincérisation » du budget entrepris en 2017. Depuis 2018, notre doctrine est de minorer à 3 % le taux de mise en réserve, qui était auparavant de 8 %. Ce taux est même ramené à 0,5 % pour trois programmes budgétaires : l'allocation personnalisée d'autonomie (APA), la prime d'activité et l'allocation aux adultes handicapés (AAH), dépenses par nature assez incompressibles.
Afin de simplifier le paysage fiscal, nous proposons de supprimer sept petites taxes supplémentaires et nous débattons avec un certain nombre d'entre vous, ainsi qu'avec vos collègues députés, pour étendre encore cette liste. Depuis 2018, une soixantaine de petites taxes auront été supprimées, pour un montant total de 750 millions d'euros.
Nous vous proposons aussi de poursuivre le travail de rebudgétisation d'un certain nombre de fonds financés par des taxes affectées. C'est un moyen de renforcer l'autorisation parlementaire en matière budgétaire. Nous suggérons notamment de rebudgétiser le fonds Barnier, dont le montant total est aujourd'hui de 137 millions d'euros.
Enfin, au titre des baisses d'impôts, nous engageons, avec ce budget, la suppression d'un tiers de la taxe d'habitation encore payée par 20 % des foyers. Ce mois d'octobre, 80 % des foyers ne paieront plus de taxe d'habitation. Cet effort représente un engagement de 2,4 milliards d'euros. De surcroît, nous franchissons une nouvelle étape dans la diminution de l'impôt sur les sociétés, conformément à la trajectoire arrêtée, pour un engagement de 3,7 milliards d'euros.
Troisièmement, il s'agit d'un budget de transition écologique. Plus d'un tiers du plan de relance est consacré à celle-ci et 18,4 des 36,4 milliards d'euros de la mission « Relance » y sont dédiés. Un budget « vert » permet de donner à chaque programme budgétaire une cotation environnementale fondée sur six critères, lesquels sont un gage de nuance. Le développement du ferroviaire est bon pour l'environnement, car il contribue à réduire les émissions de gaz à effet de serre, mais il peut être considéré comme défavorable à la biodiversité.
Quatrièmement et enfin, j'évoquerai la trajectoire des finances publiques.
L'exercice 2020 devrait se terminer avec un déficit public aux alentours de 10,2 % du PIB et une dette publique représentant 117,5 % du PIB. Ces chiffres s'expliquent par la diminution du fruit des prélèvements obligatoires de 6,8 %, laquelle représente 70 milliards d'euros, toutes administrations confondues, et 46 milliards d'euros pour l'État, ainsi que par la hausse des dépenses d'intervention publique. Cette hausse est de 6,5 % pour l'année 2020, contre 2,2 % en 2019.
Pour 2021, notre objectif, c'est un déficit à 6,7 % du PIB et une dette à 116,5 % du PIB. Cet objectif est atteignable - notre but final étant de retrouver la situation de la fin 2019 -, car l'État se finance dans des conditions extrêmement favorables. Il convient de les préserver grâce aux réformes et aux dépenses structurelles que nous engageons, dans le droit fil de la trajectoire précédente. De 2017 à 2019, nous étions sous les 3 % de déficit - au cours de la dernière année, le déficit, hors crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE), s'établissait même à 2,1 %. Le poids de la dépense publique avait été réduit de 55,5 % à 54 % du PIB et la part des prélèvements obligatoires avait diminué de 45,1 % à 44,1 % en 2019.
L'année 2020 sera particulière : le poids des dépenses publiques dans le PIB va augmenter, du fait de leur propre croissance et de la baisse du PIB. Toutefois, nous espérons atteindre à nouveau 58 % en 2021 et revenir à un chiffre proche de celui de 2019 au cours de l'année 2022. Pour ce qui concerne les prélèvements obligatoires, nous espérons atteindre un taux de 43,8 % fin 2021, avec les mesures fiscales relatives à la taxe d'habitation et à l'impôt sur les sociétés, mais aussi avec la baisse des impôts de production, qui s'inscrit dans le cadre du plan de relance.
Nous sommes particulièrement attentifs à la trajectoire des dépenses publiques et des prélèvements obligatoires : il s'agit de préserver notre crédibilité sur les marchés financiers. Au surplus, nous aurons d'autant plus de facilité à obtenir, pour notre propre plan de relance, des financements de l'Union européenne que nous l'accompagnerons de réformes structurelles. En outre, nous gardons bien à l'esprit qu'une dette se rembourse : c'est une question de responsabilité.
Enfin, monsieur le président de la commission, vos interrogations quant au calendrier de présentation d'un projet de loi de programmation pluriannuelle des finances publiques rejoignent les attentes du Haut Conseil des finances publiques (HCFP). Dans les prochaines semaines et les prochains mois ou, en tout état de cause, en 2021, nous devrons procéder à la révision de la trajectoire. Le cantonnement de la dette, notamment de la dette covid, imposera également d'adopter un certain nombre de dispositions au titre de la gouvernance des finances publiques. Ce sera très certainement l'occasion d'un double exercice.