Intervention de Frédérique Vidal

Commission de la culture, de l'éducation et de la communication — Réunion du 7 octobre 2020 à 14h00
Projet de loi adopté par l'assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée de programmation de la recherche pour les années 2021 à 2030 et portant diverses dispositions relatives à la recherche et à l'enseignement supérieur — Audition de Mme Frédérique Vidal ministre de l'enseignement supérieur de la recherche et de l'innovation

Frédérique Vidal, ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation :

J'adresse tout d'abord mes félicitations républicaines à ceux qui parmi vous ont été élus lors du scrutin du mois de septembre dernier. Je vous adresse en particulier mes plus chaleureuses félicitations, monsieur le président, pour votre élection à la tête de la commission de la culture. Je tiens également à rendre hommage au travail réalisé depuis 2014 par votre prédécesseur, Mme Morin-Desailly.

La période est exceptionnelle et je tiens à vous assurer de ma pleine et entière coopération pour répondre aux grands défis qui nous attendent. Qu'il s'agisse de l'avenir de l'enseignement supérieur, de l'accompagnement des étudiants, des perspectives de notre recherche, la crise que nous traversons appelle une mobilisation de tous, un dialogue nourri et régulier entre le Gouvernement et le Parlement, et des actions concertées. Je serai toujours au rendez-vous de ces impératifs et je sais pouvoir trouver en vous des interlocuteurs ouverts et de puissants relais, particulièrement s'agissant de notre recherche.

En vous présentant le projet de loi de programmation de la recherche, je partagerai avec vous deux constats : il n'y a pas de grande nation sans une recherche d'excellence à la hauteur des défis globaux de notre temps, dont la pandémie de covid-19 a révélé l'immense complexité ; il n'y a pas de pays prospère sans une recherche de pointe, capable d'aller sur le front des connaissances chercher les innovations de rupture qui feront le lit de la croissance de nos entreprises ; il n'y a pas de pays libre sans une maîtrise des technologies stratégiques qui façonneront l'avenir comme l'intelligence artificielle, la physique quantique, la biologie moléculaire. Cela suppose une attention spécifique au domaine des humanités, qui participe de plus en plus à ces avancées, et un éclairage des usages que nous en ferons.

Nous avons parfois perdu de vue le caractère vital de la science. Bien sûr, la France est fière de sa recherche, fière d'avoir abrité des générations de prix Nobel, d'avoir fait éclore de grandes théories, de grandes découvertes. À cet égard, je tiens à rendre hommage au professeur Emmanuelle Charpentier, récompensée ce matin même du prix Nobel de chimie.

La science est une part de notre identité, mais nous avons fini par oublier que cet héritage est aussi une réserve d'espoir et de solutions pour l'avenir. Deux événements majeurs sont récemment venus nous le rappeler. Lorsque les flammes ont attaqué la cathédrale Notre-Dame, l'an dernier, nous étions profondément émus, mais pas désarmés parce que nous avions accumulé suffisamment de connaissances en histoire, en histoire de l'art, en archéologie, en physique, en chimie des matériaux pour lancer dès le lendemain un immense chantier de restauration. Un passionnant rapport de l'Opecst (Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques) paru en juin 2019 soulignait l'immense complexité de la restauration, mais aussi la richesse des connaissances, des compétences, des moyens techniques dont nous disposions pour y faire face. De la même manière, lorsque la crise sanitaire a éclaté, si nous avons pu très rapidement disposer d'un test diagnostic, séquencer le virus du premier patient français, modéliser la dynamique de l'épidémie et lancer des essais cliniques, c'est parce que la recherche se tenait prête ; c'est parce qu'il y a sept ans le consortium REACTing a été créé pour organiser notre réponse à l'émergence de nouveaux pathogènes ; c'est parce que depuis plusieurs années des équipes inventorient les virus existants, des scientifiques se passionnent pour le monde de l'infiniment petit... Cette réactivité, cette clairvoyance, nous les devons à des siècles de sciences et d'esprit critique.

Laisser le socle de nos connaissances se déliter, priver la recherche des moyens de construire aujourd'hui les connaissances dont nous aurons besoin demain, c'est nous condamner à être impuissants face aux défis que nous identifions et tétanisés par ceux que nous n'imaginons pas encore. C'est le destin que nous nous préparons si nous ne réinvestissons pas massivement dans notre recherche. De la baisse du nombre d'inscriptions en doctorat à la stagnation des rémunérations des personnels, en passant par l'âge moyen d'entrée dans les carrières, tous les voyants sont au rouge et conduisent à un même constat : la recherche française décroche. Cet affaiblissement découle d'un sous-investissement chronique, à rebours de l'ambition affichée dans la stratégie de Lisbonne. Nous courons après une décennie perdue. Le programme 172, celui des opérateurs de recherche, a stagné entre 2007 et 2017. Le défaut d'investissement dans notre recherche a rogné la marge de manoeuvre des organismes. Le même constat pourrait être dressé s'agissant des universités et des écoles. Loin des 3 % que nous nous étions engagés à atteindre en 2010, nous consacrons aujourd'hui 2,2 % de notre PIB à la recherche, quand l'Allemagne ou le Japon ont dépassé les 3 %, voire 4 % pour la Corée du Sud.

Derrière cette cible manquée, il y a non seulement un risque de déclassement international, mais également un quotidien qui n'a cessé de se dégrader dans nos laboratoires. Être chercheur en 2020, c'est courir après les financements, se faire rattraper par les tâches administratives envahissantes, composer avec le manque de personnel d'appui, affronter de nouveaux concurrents internationaux parfois bien mieux armés. C'est aussi, malgré tout, faire preuve d'un engagement sans faille, dont la lutte contre la covid-19 a permis de mesurer l'ampleur, ainsi que l'ont montré les conclusions du groupe de travail consacré à la « Recherche » créé au sein de votre commission au printemps dernier, dont je tiens à saluer l'engagement des membres, Mme Darcos, M. Ouzoulias, M. Piednoir et Mme de La Provôté. Ce rapport produit en juin dernier a été particulièrement précieux pour alimenter les réflexions de mon ministère sur les impératifs à la fois de court et de long terme.

Ces derniers mois, notre recherche a prouvé combien nous pouvions compter sur elle, et il est grand temps que la Nation lui rende la pareille. C'est tout l'objet du projet de loi que j'ai l'honneur de vous présenter aujourd'hui. Sa première ambition est de servir la communauté scientifique, de lui rendre, selon le cap fixé par le Premier ministre en février 2019, le temps, la visibilité et les moyens dont elle a besoin pour accomplir sa mission. C'est pourquoi ce texte a été écrit au plus près des femmes et des hommes qui font vivre la science au quotidien. Il est le fruit de la vaste concertation que j'ai conduite pendant plus de 18 mois, des centaines de visites que j'ai effectuées dans les laboratoires depuis trois ans, de trois groupes de travail et d'une consultation par internet. Nous avons ainsi pu mesurer la passion des communautés de recherche pour leur métier, mais aussi la frustration voire la colère générées par des décennies de promesses sans lendemain, de stratégies sans effet sur un quotidien de plus en plus difficile.

Nous devons à la recherche française une loi de programmation ambitieuse et réaliste qui restaure la confiance entre la Nation et ses chercheurs. C'est dans cet esprit que nous avons travaillé à l'Assemblée nationale en première lecture pour enrichir le texte de garanties et de précisions concernant notamment les mesures relatives aux ressources humaines, et je suis convaincue que des enrichissements complémentaires seront débattus et votés au Sénat.

Ce pacte de confiance repose sur une trajectoire d'investissements de 25 milliards d'euros sur les dix prochaines années, qui construira palier par palier une augmentation de 20 % des moyens de la recherche et sanctuarisera son budget à hauteur de 20 milliards d'euros en 2030. Ce budget cible est un socle de base qui ne dit pas tout des moyens dont disposera la recherche durant les prochaines années. Ainsi, le plan de relance investit 6,5 milliards d'euros dans l'enseignement supérieur, la recherche et l'innovation sur les trois prochaines années, en plus de la loi de programmation. Si France Relance et la programmation s'inscrivent dans des temporalités différentes et portent des philosophies complémentaires, voire synergiques, toutes deux témoignent du même engagement de l'État envers la recherche, d'une même volonté de la réarmer en profondeur pour aborder l'avenir avec sérénité et audace. Il en va de même pour la prochaine génération des contrats de plan État-régions, pour les investissements d'avenir, ainsi que pour la progression des crédits annuels du ministère. Le Plan Étudiants, le soutien à la vie étudiante et les éléments constituant le budget du ministère viendront s'ajouter à la programmation pour la recherche.

Pour tenir ses objectifs, la programmation dont nous allons débattre s'appuie sur quatre axes. Le premier, c'est un réinvestissement massif et inédit dans tous les domaines de la connaissance, soit 25 milliards d'euros supplémentaires investis au cours des dix prochaines années, selon une trajectoire construite avec des marches progressives pour porter la recherche dans le temps long. Les députés ont introduit une clause de revoyure tous les trois ans.

Cette programmation est volontairement construite sans a priori disciplinaire. Elle n'est pas sectorielle. Les défis qui se posent à nous aujourd'hui n'ont que faire des frontières disciplinaires ; ils surgissent au carrefour des connaissances. C'est le cas des maladies émergentes, qui relient les santés humaine, animale aux questions environnementales. C'est le cas du réchauffement climatique, qui convie à la même table la physique de l'atmosphère, le droit international, la sociologie des comportements, les sciences économiques et tant d'autres. Le Gouvernement a donc fait le choix d'une programmation libre et transversale qui garantisse à tous les territoires de la recherche d'être correctement irrigués. L'un des piliers de cette stratégie sera l'Agence nationale de la recherche (ANR), dont le budget sera rehaussé à hauteur d'un milliard d'euros à l'issue de la programmation. Notre objectif est de lui permettre de renouer avec sa vocation universelle que le faible taux de succès à ses appels à projets avait fini par occulter. En relevant le taux de succès à 30 %, les financements de l'Agence s'adresseront à tous les projets, à ceux qui s'emparent des priorités définies par l'État, comme à ceux qui sont mus par une démarche exploratoire, à toutes les équipes et à toutes les disciplines, des sciences exactes comme des sciences humaines et sociales, à tous les territoires, ceux qui comptent de grandes universités pluridisciplinaires comme ceux qui portent des universités thématiques. Nous ferons également en sorte que l'ANR s'adapte aux particularités de chacune des disciplines. L'objectif de ce projet de loi, c'est naturellement de porter l'ANR au rang des meilleures agences de financement de la recherche dans le monde. Notre recherche ne souffre pas d'un excès d'appels à projets, mais d'un défaut de financement généralisé. Il faut faire les deux, et c'est bien l'objet de ce projet de loi.

Le choix d'investir massivement dans l'ANR n'est pas toujours compris de tous ; certains y voient une rupture de l'équilibre entre les financements récurrents et sur projets, ainsi qu'une exaltation de la concurrence au détriment de la collaboration. Ceux-là oublient tout d'abord que, parallèlement, la programmation prévoit d'augmenter le budget récurrent des laboratoires de 10 % dès l'an prochain, pour atteindre plus 25 % en 2023. Surtout, le renforcement des moyens de l'Agence répond aux besoins de crédits de base, tout comme il reconnaît l'importance du collectif, mais en empruntant un chemin moins classique, celui du préciput. Le préciput, c'est une enveloppe supplémentaire qui vient s'ajouter aux moyens identifiés pour porter un projet, laquelle revient aux laboratoires et aux établissements de l'équipe lauréate. En atteignant 40 % des financements alloués, ce mécanisme permettra d'irriguer l'ensemble des territoires et des disciplines par 450 millions d'euros de crédits de base supplémentaires par an. Chaque fois qu'une équipe remportera un appel à projets, son succès contribuera à financer les travaux de ses collègues. Ce n'est pas l'image que je me fais de la lutte de tous contre tous, mais bien celle de davantage de solidarité.

J'ai missionné avant l'été un groupe de travail sur la répartition du préciput impliquant organismes et universités de toutes tailles et couvrant toutes les disciplines. Celui-ci a abouti à une solution consensuelle pour la répartition de ces 40 % : 25 % reviendront aux établissements contractants et hébergeurs à un horizon proche de 2023 ; 5 % reviendront directement aux laboratoires à l'horizon 2027 et 10 % aux sites dans le cas où un accord de site a préalablement été établi.

Pour renforcer l'ancrage territorial de la programmation, j'ai installé avant l'été un groupe de travail coprésidé par Renaud Muselier, qui doit permettre de coordonner et de renforcer les actions entre mon ministère et les territoires. Je sais que vous êtes nombreux ici à vous intéresser à ce dialogue et à encourager son développement. C'était d'ailleurs l'objet de l'excellent rapport d'information : Les régions, acteurs d'avenir de la recherche en France du sénateur Jean-François Rapin en 2019. J'ai moi aussi entamé un tour de France des territoires de savoir, au cours duquel j'ai pu observer la formidable émulation des acteurs locaux et la montée en puissance des régions et des collectivités dans le déploiement de la politique de recherche sur le territoire. Le groupe de travail mis en place avec le président Muselier nous permettra de répondre à votre proposition visant au renforcement de la concertation entre les instances de pilotage régionales et nationales pour favoriser les synergies en termes de financement.

Car la force du collectif est au coeur du deuxième axe de ce projet de loi. Réarmer notre recherche, c'est d'abord et avant tout cultiver sa plus grande richesse, à savoir ses talents. Il nous faut à la fois mieux reconnaître tous les personnels au travers d'un protocole d'accord qui garantira que tous les métiers, toutes les catégories, tous les grades en bénéficieront. C'est ainsi 92 millions d'euros supplémentaires par an qui seront consacrés pendant sept ans à la convergence des systèmes indemnitaires pour tirer l'ensemble des rémunérations vers le haut, grâce aux 644 millions d'euros supplémentaires qui y seront consacrés en 2027. C'est une première étape prévue jusqu'en 2027 afin de construire cette convergence des régimes indemnitaires au sein des corps du ministère. L'enjeu est d'avoir un ensemble cohérent recrutant au niveau du doctorat, allant des maîtres de conférence aux chargés de recherche en passant par les ingénieurs de recherche, soit 70 % des fonctionnaires assimilés A+. C'est ce qui nous permettra ensuite de réaliser entre 2028 et 2030 la convergence, à fonction publique comparable.

Si nous voulons garantir l'avenir de ce collectif, il nous faut aussi redonner aux jeunes générations le goût des carrières scientifiques. Pour cela, nous proposons de les rendre plus attractives, plus sûres, et ce dès le doctorat. La programmation prévoit ainsi d'augmenter de 20 % le nombre de contrats doctoraux, de systématiser et de rehausser leurs financements, de créer un contrat post-doctoral public et privé pour sécuriser la transition vers un poste pérenne. Les contrats doctoraux seront revalorisés de 30 % d'ici à 2023. C'est la première fois qu'un Gouvernement s'engage à ce point pour nos doctorants.

L'autre étape clé, c'est bien entendu l'entrée dans la carrière des chercheurs et des enseignants-chercheurs à laquelle la loi donnera un nouvel élan. Dès l'an prochain, les maîtres de conférences et les chargés de recherche ne seront plus rémunérés en dessous de deux SMIC. Ils bénéficieront d'un accompagnement de 10 000 euros en moyenne pour démarrer leurs travaux. Il n'y aura aucun enjambement, aucune inversion de carrière, car des revalorisations spécifiques sont prévues pour les chercheurs et enseignants-chercheurs récemment recrutés dans leur corps.

Parallèlement, de nouvelles voies de recrutement pourront être proposées. Les chaires de professeurs juniors permettront aux établissements qui souhaiteront s'en saisir de jouer à armes égales avec les autres nations scientifiques. Il s'agit de renforcer l'autonomie des universités, en leur donnant un véritable levier de recrutement, selon les meilleurs standards internationaux, de faire vivre des approches originales, interdisciplinaires notamment, qui peinent à exister dans les cadres et les procédures actuelles. Les postes dont il s'agit seront environnés par un abondement spécifique de 200 000 euros de l'ANR, ce qui leur permettra de recruter par exemple des doctorants et de construire ainsi progressivement leur équipe. Ces chaires sont en effet un atout essentiel pour attirer dans notre pays des scientifiques au profil atypique et prometteur, dont le parcours ne rentre pas dans les cases du cursus académique classique. Celui-ci conserve pour autant toute sa pertinence ; il ne sera ni menacé ni concurrencé par la création de ces nouvelles modalités de recrutement, qui viendront en plus. En gage de ce principe, chaque recrutement sur une chaire de professeur junior sera couplé à une promotion de maître de conférences dans le corps des professeurs d'université, comme je m'y suis engagée au mois de juin dernier.

L'emploi statutaire sera conforté par la création de 5 200 postes supplémentaires sur la durée de la programmation, dont 700 cette année. L'effort portera notamment sur les emplois d'ingénieurs et de techniciens, dont l'érosion se fait cruellement sentir dans les laboratoires. Leur savoir-faire est une part essentielle de l'excellence de notre recherche et nous devons le préserver davantage en consolidant l'emploi titulaire, mais aussi en améliorant la condition des contractuels financés sur ressources propres grâce à la création du CDI de mission scientifique. Ce nouvel outil permettra de mettre fin aux situations ubuesques de personnels recrutés spécifiquement pour accompagner un projet de recherche sur la base d'un contrat qui ne leur permet pas de rester jusqu'au terme dudit projet. Le CDI de mission scientifique remet les pendules à l'heure en alignant la durée du contrat sur la durée du projet et, ce faisant, il offre au personnel toutes les garanties du CDI et les droits qui y sont associés, ce qui représente un indéniable progrès social.

En évitant aux équipes de courir sans cesse après les personnels techniques, la création de cet outil participe également du troisième pilier de ce texte : simplifier la vie des laboratoires. Ce projet de loi donne le coup d'envoi à un vaste chantier de simplification : rendre les chercheurs à la recherche. C'est une ambition essentielle dans un quotidien aujourd'hui envahi de formulaires et de dossiers d'évaluation qui grignotent inexorablement le temps dévolu à la science. Les tâches administratives doivent retrouver leur juste place, et c'est tout l'objet, par exemple, de la rationalisation du monde foisonnant des appels à projets, qui seront référencés sous un portail unique de l'ANR et dont les calendriers et les procédures seront harmonisés.

Rendre les chercheurs à la recherche, c'est aussi rééquilibrer les deux missions des enseignants-chercheurs au cours de leur carrière, en leur permettant de se consacrer exclusivement à leurs travaux pendant des périodes dédiées, grâce à l'augmentation des congés pour conversions thématiques, et à l'augmentation des capacités d'accueil de l'Institut universitaire de France et des délégations au Centre national de la recherche scientifique (CNRS), notamment en sciences humaines et sociales. Rendre les chercheurs à la recherche, c'est également reconnaître toutes les dimensions de celle-ci, notamment l'engagement pour une meilleure articulation de la science et de la société.

Le quatrième pilier de cette programmation est en réalité sa clé de voûte, celle qui donne tout son sens à l'investissement massif demandé à notre Nation pour sa recherche. Si la recherche exige cet effort collectif de 25 milliards d'euros sur dix ans, c'est pour mieux contribuer à la vie économique et culturelle de la cité. La période troublée que nous vivons illustre bien l'importance de cet enjeu. En mettant la recherche en train de se faire en pleine lumière, la crise sanitaire a donné à voir toute l'ambiguïté des relations entre la science et la société. Nos concitoyens attendent à la fois trop et trop peu de la science ; trop de certitudes, alors que la recherche avance à tâtons, cultive le doute méthodique et vit de controverses ; pas assez de repères quand la recherche distingue des faits établis et des vérités scientifiques dans la mêlée des opinions, des préjugés et des fausses informations.

Pour dissiper ce malentendu, il faut que le dialogue entre la science et la société gagne en familiarité et en réciprocité. Plus de familiarité, c'est une recherche qui va au-devant des citoyens dans des lieux innovants pour permettre des échanges entre scientifiques et journalistes, qui se fait plus accessible grâce à l'engagement des chercheurs en faveur de la médiation scientifique. Plus de réciprocité, ce sont des citoyens davantage associés aux orientations et au travail de recherche grâce au développement des sciences participatives. Toutes ces orientations sont inscrites dans la programmation.

Ce projet de loi vise aussi un changement d'échelle dans les relations entre la recherche et le monde socio-économique. Dans la crise économique que nous traversons, il est essentiel d'actionner les bons leviers pour favoriser l'éclosion de start-up, stimuler la compétitivité de nos PME, réindustrialiser notre pays. Or la recherche fait partie de ces atouts qui peuvent faire toute la différence, créer la surprise, l'innovation et bouleverser un marché, à condition d'avoir su créer le chemin entre le monde académique et celui de l'entreprise. Force est de constater qu'aujourd'hui ce chemin est trop peu emprunté, dans un sens comme dans l'autre, parce que trop de barrières culturelles et administratives séparent ces deux mondes. Si nous voulons abattre ces barrières pour créer une relation de confiance solide et pérenne, il faut que les hommes et les idées circulent davantage entre le laboratoire et l'entreprise. C'est pourquoi la programmation prévoit de faciliter les mobilités public-privé en autorisant les chercheurs à consacrer plus de temps à la création de leur start-up ou à la vie d'une entreprise, en ouvrant davantage de perspectives aux doctorants désireux d'effectuer leur thèse dans le privé grâce à l'augmentation du nombre de bourses Cifre (Convention industrielle de formation par la recherche) et à la définition d'un contrat doctoral de droit privé. Par ailleurs, le projet de loi stimule la recherche partenariale en doublant les financements de l'ANR consacrés aux chaires industrielles, aux laboratoires communs, aux instituts Carnot, et en labellisant les sites universitaires qui auront su rendre leur offre de transfert plus simple et plus rapide.

Le projet de loi que j'ai l'honneur de vous présenter est à la fois ambitieux et pragmatique. Il vise à redonner à la science la place centrale qu'elle mérite dans notre société, non à force d'incantations et de voeux pieux, mais grâce à des mesures concrètes, construites à hauteur de paillasse. Je ne doute pas que cet esprit de vérité et de réalisme conduira nos débats, et je vous remercie par avance pour toutes les propositions et réflexions que vous inspirera ce texte majeur pour l'avenir de notre recherche et de notre pays.

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