L'important est de disposer de crédits garantis pendant une période plus longue, même si les montants peuvent être ponctuellement moins élevés. Cela explique la transformation de l'ANR. Les financements récurrents augmenteront ainsi de 10 % dès l'année prochaine, et de 25 %, d'ici à 2023, pour les crédits de base qui seront distribués aux laboratoires.
Vous posiez la question de la vision stratégique. Nous souhaitons soutenir la recherche, la création de connaissances. En effet, en matière de recherche, on ne sait jamais à l'avance ce qui va être utile ou inutile. C'est pourquoi cette loi n'est pas sectorielle, mais vise à un réarmement global de la recherche fondamentale, avec pour seule ambition de créer de la connaissance. À l'inverse, avec les programmes d'investissement d'avenir (PIA), on lance des programmes prioritaires de recherche dans le cadre de stratégies nationales. Ainsi, avec le programme « Cultiver et produire autrement », on pose la question des produits phytosanitaires. Les programmes prioritaires de recherche, comme ceux sur l'antibiorésistance, le climat ou le sport de haut niveau par exemple, portent des stratégies, des priorités nationales, qui s'articulent avec les missions au niveau européen. En Europe, on retrouve la même partition dans le financement de la recherche, avec une recherche fondée sur la qualité, au travers du programme ERC (European Research Council), et une recherche organisée par missions, comme celle visant à réduire de 50 % les cancers pédiatriques. On veut articuler les programmes prioritaires financés par le PIA et les missions définies au niveau européen.
M. Ouzoulias considère que cette loi est une loi de renonciation à nos ambitions en matière de recherche. Mais voilà vingt ans que l'on renonce aux ambitions faute d'une loi de programmation ! Certes, cette loi n'est pas parfaite, mais elle a le mérite d'exister. L'idéal évidemment aurait été de procéder ainsi dès que l'on a pris l'engagement de consacrer à la recherche 3 % du PIB dans les années 2000. Mais peu a été fait pour atteindre ces objectifs depuis. Il est donc temps d'agir.
J'en viens au recrutement. J'ai rencontré trop de jeunes chercheurs, dont le poste était financé sur des ressources propres, qui, au terme des trois ans, maîtrisaient parfaitement leur outil et leur environnement de travail, et étaient parfaitement intégrés à leur équipe, mais à qui on refusait un contrat pérenne, car cela supposait de supprimer un poste de titulaire par ailleurs, dans la mesure où ce nouveau contrat devait être budgété sur la masse salariale financée par l'État ; or il n'est possible de financer par son biais que des CDI de droit public ou des postes de titulaires. On passe alors un temps fou à trouver des solutions pour chercher à enchaîner des bouts de contrats, des périodes de quatre mois de chômage, car cela permet de remettre les compteurs à zéro au regard de l'exigence des six années, etc. Bref, chacun bidouille comme il peut et les gens enchaînent les CDD. Cela sera désormais très différent pour les personnes concernées : elles auront un CDI, inscrit comme tel sur leur feuille de paie, ce qui facilitera les démarches pour obtenir un prêt, se loger, etc.
La France est un pays attractif - heureusement ! -, mais il y a des trous dans la raquette et les outils que nous créons, qui n'ont rien d'obligatoires, visent à les combler. Si les gens trouvent que les chaires de professeur junior n'ont aucun intérêt, alors personne ne les utilisera, mais vu le nombre de personnes qui se renseignent sur le dispositif, j'ai le sentiment que cela correspond à un besoin et qu'il est utile. Rien n'oblige d'ailleurs à y recourir.
Je suis totalement d'accord avec vous sur le discrédit de la parole scientifique, l'importance de la liberté académique, de l'intégrité scientifique, de l'esprit critique, avec les droits et les devoirs que cela implique.
Monsieur Piednoir, nous avons besoin de sept ans pour faire converger la politique indemnitaire interne au ministère. Lorsque cette convergence aura été réalisée, alors le ministère aura 70 % de fonctionnaires de catégorie A+, et à ce moment-là, on opérera une convergence en trois ans vers le niveau indemnitaire des catégories A+ du reste de l'État. Il s'agit donc d'un protocole de repyramidage en deux temps, avec une période de sept ans et une autre de trois ans.
Le rôle de la science est de produire de la connaissance. Celle-ci n'est ni bonne ni mauvaise en soi. Les choix relèvent du politique, non du scientifique. La science ne divise pas, ne clive pas, elle met simplement à jour la connaissance.