Le CNU comporte 52 sections disciplinaires. Nous avons de plus en plus besoin de personnes capables d'être à l'interface entre les disciplines et nous devons donc recruter des personnes avec ce profil. Or, lorsque l'on a affaire à des spécialistes monodisciplinaires, il est difficile d'identifier ceux qui sauront le faire. En effet, les défis que nous devons relever sont complexes et requièrent une approche interdisciplinaire. Ce besoin d'interface fait partie des raisons pour lesquelles les chaires de professeur junior ont été demandées. Il ne s'agit pas de faire en sorte que les recrutements s'opèrent uniquement par cette voie. Nous voulons recruter, en dix ans, environ 1 400 ou 1 500 professeurs juniors, ce qui correspond environ à 10 % du nombre de départs à la retraite. Ils s'ajouteront aux renouvellements traditionnels. Il ne s'agit donc pas d'une voie de substitution, mais d'un outil qui conférera au système plus d'agilité. Nous avions fixé initialement comme objectif 25 % des emplois ouverts, ce qui permettait de créer un emploi tous les quatre postes ouverts, mais l'Assemblée nationale a ramené ce taux à 20 %, sauf dans les cas où quatre emplois de directeurs de recherche ne seraient pas ouverts dans l'année, auquel cas la proportion resterait à 25 %.
Avec les séjours de recherche, cette loi apporte une réponse, qui était très attendue, en matière d'accueil des doctorants et des chercheurs internationaux, ce qui contribuera à renforcer l'attractivité de nos laboratoires et facilitera l'accueil de talents étrangers.
Monsieur Decool, auparavant existait le programme ATIP-Avenir. Le principe était le même : permettre à de jeunes chercheurs de mettre en place et d'animer une équipe, au sein d'une structure de recherche, avec quelques années pour faire leurs preuves. Le problème était qu'à l'issue des six ans, il n'y avait pas de création de poste leur permettant de devenir titulaires. Les personnes devaient passer les concours, puis souvent arrêter ou partir, et finalement leurs équipes risquaient de disparaître. Les chaires de professeur junior, dont le modèle de construction est très français puisqu'elles aboutissent à des emplois de titulaires, ce qui n'est pas le cas dans tous les pays, ont été conçues sur ce modèle. L'objectif est que chaque chaire se transforme en un emploi définitif. Comme pour les ATIP-Avenir, le décret prévoit ce qui se passe si l'évaluation un an avant la fin n'est pas satisfaisante.
Vous posez la question des maîtres de conférences. Il est évident qu'il y a un problème lorsque l'on constate la proportion de maîtres de conférences par rapport aux professeurs, alors que nombre d'entre eux sont hors classe, avec une habilitation à diriger des recherches : ils ne passent jamais professeurs parce qu'il n'y a pas de poste ouvert. D'où l'idée de promotions avec l'objectif de parvenir à la même proportion entre les maîtres de conférences et les professeurs qu'entre les chargés de recherche et les directeurs de recherche, dans un souci de convergence. Pour le moment, on compte 30 % de professeurs et 70 % de maîtres de conférences, et 60 % de chargés de recherche et 40 % de directeurs de recherche. Nous comptons donc porter la proportion de professeurs de 30 % à 40 %.
La situation est différente pour les chargés de recherche et les directeurs de recherche car la proportion d'entre eux en classe exceptionnelle ou hors classe n'est que de 5 %, contre 25 % à 30 % parmi les maîtres de conférences et les professeurs. On compte donc augmenter le nombre de hors classe, dans un souci d'harmonisation.
L'habilitation à diriger des recherches n'est pas nécessaire pour bénéficier d'un contrat de professeur junior. Elle est toutefois nécessaire au moment de la titularisation. Mais on ne recrutera pas les professeurs juniors juste après le doctorat, donc je ne doute pas qu'une expérience de postdoctorant ajoutée aux six années de contrat de professeur junior permette d'obtenir une habilitation à diriger des recherches en temps voulu.
La troisième partie du texte, monsieur Grosperrin, a pour objet de consolider le chemin entre la recherche académique et la R et D. Plusieurs outils ont été mis en place ; la loi Pacte a fait un pas supplémentaire. De manière un peu caricaturale, nous voulons éviter qu'une société française contracte avec une université américaine et que celle-ci s'appuie sur ses partenariats avec une université française pour lui répondre. Avec des contrats de propriété intellectuelle type, une entreprise française n'ira plus chercher une compétence aux États-Unis parce que la rédaction des contrats y est plus simple. Actuellement, si un laboratoire relève de trois tutelles, les contrats de propriété intellectuelle passent par trois services juridiques !
Le plan de relance comprend un volet spécifique d'accompagnement de la R et D dans les deux prochaines années, celle-ci étant sacrifiée en premier par les entreprises en cas de difficultés économiques. Ainsi, 300 millions d'euros sont spécifiquement prévus pour préserver les ressources humaines employées par le privé pour répondre à des contrats publics-privés, de sorte que l'État puisse prendre en charge 80 % des salaires pour passer le cap.
Madame Monier, je suis d'accord avec vous, l'éducation à la liberté de choix des enfants doit se faire le plus tôt possible. Nous avons lancé un programme prioritaire de recherche « cultiver et protéger autrement ». Les agriculteurs sont présents autour de la table. Ils participent aux expérimentations destinées à se passer de certains produits phytosanitaires. Les autres programmes présents dans la Mires (Mission interministérielle « recherche et enseignement supérieur ») ne financent pas la recherche. Le texte a été travaillé au niveau interministériel, avec pas moins de dix-huit comités consultatifs. Ne vous inquiétez pas, il concerne évidemment l'agriculture, l'écologie, la santé, le travail. La recherche est transversale.
Madame de La Provôté, penser que les petites universités ne peuvent pas abriter des pépites, être lauréates d'appels à projets, est une idée reçue. Nous avons procédé à des simulations avant de décider qu'une partie des financements provenait de l'abondement sur les préciputs. Cela permet de réalimenter toute l'université. L'équipe lauréate d'un appel à projets de l'ANR a pu compter sur son laboratoire et il est normal que le directeur ait des moyens pour porter sa politique scientifique, élaborée avec ses tutelles. L'autre part est destinée à la politique de site. Nous réintroduisons ainsi de la solidarité. Ce pot commun réalimente toute la recherche d'un site. C'est pourquoi le dispositif fonctionnera, quelle que soit la taille de l'établissement.
Monsieur le président, la place des collectivités territoriales ne peut pas s'inscrire dans un projet de loi préparant le budget de l'État. Il importe que la contractualisation principale soit entre les universités ou les organismes de recherche et l'État. Néanmoins, sur des objets particuliers comme des questions d'expertise locale, de formation continue, d'orientation et d'attractivité des territoires, un contrat tripartite entre l'établissement, l'État et les collectivités permettra de s'accorder. Les régions investissent plus ou moins dans la recherche. L'idée est d'arriver aux meilleurs standards, que toutes les régions, métropoles, villes universitaires se rendent compte qu'elles peuvent attirer des sociétés en fonction des ressources humaines, de l'expertise des laboratoires et des universités pour accompagner les innovations. C'est ce que nous sommes en train de construire. Nous ne pouvons pas imposer une participation aux collectivités. Si les choses se font de manière plus simple et structurée, si chacun connaît sa place et les interfaces, cela devrait très bien se passer.