Intervention de Muriel Jourda

Commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale — Réunion du 7 octobre 2020 à 9h35
Projet de loi organique adopté par l'assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée relatif au conseil économique social et environnemental — Examen du rapport et du texte de la commission

Photo de Muriel JourdaMuriel Jourda, rapporteur :

Le CESE est régi par les articles 69 à 71 de la Constitution. Il fait partie des trois assemblées constitutionnelles avec l'Assemblée nationale et le Sénat. Il s'agit toutefois d'une assemblée consultative. L'ordonnance organique du 29 décembre 1958 précise ses règles de fonctionnement.

Je vous propose de présenter rapidement le CESE tel qu'il est aujourd'hui, ce qui nous permettra de mieux apprécier les modifications introduites par le projet de loi organique.

J'aborderai quatre éléments : la composition du Conseil, son organisation, ses travaux et ses modes de saisine.

Le CESE représente ce que l'on appelle la « société civile organisée » : il est constitué de représentants de différents organismes, comme les syndicats de salariés, les représentants des employeurs, les coopératives agricoles, les mutuelles, etc. Sans entrer dans le détail, le Conseil est organisé en trois différents pôles : économique, social et environnemental.

Le CESE comprend également des personnalités qualifiées, qui sont désignées par le Gouvernement et qui sont au nombre de 40 sur 233 membres.

Le Conseil est un peu organisé comme une assemblée parlementaire. Il compte 18 groupes de représentation, chacun disposant d'un représentant au bureau. Il est organisé en sections, qui sont l'équivalent de nos commissions, en commissions temporaires et en délégations permanentes.

Le CESE rend des avis ou des études, ces dernières ne comprenant pas de préconisations.

J'en viens enfin au mode de saisine. Le CESE peut être saisi par le Premier ministre, soit obligatoirement sur les projets de loi de programmation à caractère économique, social et environnemental ; soit de manière facultative sur des projets de loi de programmation définissant les orientations pluriannuelles des finances publiques ou sur tout projet de loi, d'ordonnance ou de décret dans le domaine de sa compétence. Le Conseil peut également être consulté par le Premier ministre, le président de l'Assemblée nationale ou du Sénat sur tout problème de caractère économique, social et environnemental. Il peut, enfin, s'autosaisir et, depuis quelques années, être saisi par voie de pétition.

À l'heure actuelle, 80 % des avis rendus par le CESE relèvent de l'autosaisine, ce qui peut poser question au regard de son rôle de conseil auprès des pouvoirs publics.

Le projet de loi organique qui nous est soumis porte tout d'abord sur la composition du Conseil.

Le Gouvernement souhaite - c'est devenu l'alpha et l'oméga de la réforme des assemblées -, diminuer le nombre de membres de 25 %, ce qui supprimera totalement les 40 personnalités qualifiées et 18 représentants de la société civile. Je vous proposerai non pas de renoncer à toute diminution des effectifs, mais d'avoir recours à des critères un peu plus objectifs : seules les 40 personnalités qualifiées seraient supprimées, leur mode de désignation ayant pu faire débat.

Le Gouvernement souhaite également supprimer les personnalités associées pour les remplacer soit par des membres d'autres instances consultatives, comme les conseils économiques, sociaux et environnementaux régionaux (CESER), soit par des personnes qui seraient tirées au sort. Je proposerai la suppression du tirage au sort et nous aurons certainement l'occasion de débattre sur la pertinence, en démocratie, de ce mode de désignation.

S'agissant de l'organisation, le CESE comprendrait désormais quatre pôles. Un comité - composé notamment de trois députés et de trois sénateurs - serait chargé de faire des propositions concernant l'évolution de la composition du Conseil. Je vous proposerai de supprimer ce comité, comme nous le verrons avec l'examen des amendements.

Ce qui me paraît le plus important, c'est la dispense de consultation prévue par l'article 6 : lorsqu'il saisit le CESE sur un projet de loi, le Gouvernement serait exonéré des consultations préalables prévues par des dispositions législatives ou réglementaires. Je vous proposerai de supprimer cette disposition.

S'agissant des travaux du CESE, il lui serait désormais possible de recourir à des tirages au sort pour consulter un « échantillon » de citoyens. Je m'y opposerai également.

Enfin, les modalités de saisine du CESE ne seraient pas modifiées, à l'exception d'un ajout assez notable : comme pour le Conseil constitutionnel, 60 députés ou 60 sénateurs pourraient saisir le Conseil pour lui demander un avis, ce qui me semble contraire à la Constitution.

Le seuil de prise en compte des pétitions serait abaissé à 150 000 signataires au lieu de 500 000, et l'âge minimum des pétitionnaires serait de 16 ans. Je vous proposerai d'ajouter quelques critères de recevabilité pour que ces pétitions soient plus pertinentes.

Dans un autre registre, l'Assemblée nationale a décidé d'installer un déontologue au CESE, ainsi que d'imposer une déclaration d'intérêts à ses membres. Je vous proposerai d'apporter quelques précisions à ces règles déontologiques.

En conclusion, je dirai que ce projet de loi organique ne me paraît pas majeur sur un certain nombre de points : il entérine finalement ce qui était déjà la pratique du CESE, comme la consultation de CESER ou le recours au tirage au sort. De même, le CESE prend déjà en compte les pétitions qui n'atteignent pas 500 000 signataires, y compris lorsqu'elles sont déposées sur des plateformes dématérialisées.

D'autres dispositions me semblent dangereuses pour la démocratie. Je pense singulièrement au fait de remplacer, petit à petit, des personnes qui sont élues, comme peuvent l'être les députés, les sénateurs ou des personnes représentatives de certaines catégories d'intérêts, par des personnes tirées au sort. C'est, comme le dirait le président Bruno Retailleau, la démocratie de la « courte paille », et cela me paraît assez dangereux.

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