Dans le temps qui lui était imparti avant la publication du rapport sur l'application de la loi de financement de la sécurité sociale, la Cour n'a pas pu examiner la cohérence entre les hypothèses macroéconomiques du Gouvernement et la trajectoire pluriannuelle de la sécurité sociale à l'horizon de 2024, présentée à l'annexe B du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2021. La trajectoire prévue repose sur l'hypothèse d'une évolution tendancielle des dépenses consacrées à l'autonomie de 2,4 % par an, sans prendre en compte les dépenses nouvelles qui pourraient être décidées dans le cadre d'une prochaine loi sur le grand âge.
S'agissant de la dette sociale, la Cour indique, dans le chapitre Ier du RALFSS, que les déficits prévus par le PLFSS pour 2021 dépasseront de près de 50 milliards d'euros, à l'horizon de 2024, les montants de dette repris par la Cades prévus par la loi du 7 avril 2020.
Vous me demandez si tout cela me paraît réaliste. Réaliste, oui, même si ce n'est peut-être pas complet. Mais raisonnable, pas forcément...
En ce qui concerne la maîtrise de la dépense sociale, je rappelle qu'il ne nous appartient pas de déterminer le niveau de dépenses que la collectivité doit consacrer à la santé ; ce choix relève du Gouvernement et du Parlement. Notre rôle est de vérifier que les dépenses sont pertinentes, efficaces et efficientes.
La norme d'évolution des dépenses d'assurance maladie est fixée par la loi de programmation des finances publiques. Ainsi, pour la période 2018-2022, le taux de progression de l'Ondam a été fixé à 2,3 %. Le contexte économique résultant de la crise sanitaire rend cette loi caduque - d'ailleurs, le Gouvernement ne le conteste pas. Le Haut Conseil des finances publiques recommande de préparer une nouvelle loi de programmation, qui serait débattue, si la situation sanitaire le permet, dès le printemps prochain. Cela me paraît en effet indispensable. C'est dans ce cadre que le taux de référence de l'Ondam aura à être fixé.
Pour le reste, nous connaissons les multiples gisements d'efficience que recèle le secteur de la santé. Un programme annuel d'économies de 3,5 milliards à 4 milliards d'euros est prévu ; c'est encore ce que le Gouvernement prévoit pour l'année prochaine. La crise passée, ce programme devra être redéfini. Nous avons tracé des pistes à cet égard dans nos RALFSS successifs.
Bien sûr, la Cour se penchera attentivement sur les estimations de la fraude qu'établiront la Cnam et la Cnav ; elle est tout à fait disposée à échanger avec ces dernières sur les méthodes qui pourraient être employées. Par ailleurs, elle examinera dès l'année prochaine les suites données par le ministère des solidarités et de la santé et les organismes de sécurité sociale à la communication qu'elle vous a adressée sur la fraude aux prestations. Nous avons notamment proposé d'estimer la fraude par redressement statistique des résultats des contrôlés, ciblés en fonction de certains critères.
Dès avant cette communication, la Cour entretenait un dialogue régulier avec la Cnaf sur l'estimation du montant de la fraude. Comme vous le savez, la branche famille est aujourd'hui la seule à établir chaque année une estimation.
J'ai bien noté votre frustration, monsieur le rapporteur général. Du fait de cette limite, que nous avons subie, notre rapport n'a pas servi autant que nécessaire de garde-fous aux surenchères et aux fantasmes. On a même avancé le chiffre de 50 milliards d'euros ! Il faut, à un moment donné, couper la tête à ce canard...
Nous sommes disposés à reprendre ce travail, quitte à prendre quelques risques et, peut-être, à être approximatifs - seul un travail partagé avec le ministère permettrait d'être parfaitement rigoureux. Je m'avance un peu, mais je suis sûr que notre sixième chambre a les moyens de travailler sur une estimation, pour éclairer le débat et prévenir les fantasmes.
Enfin, la Cour s'impliquera dans le suivi des recommandations du rapport, notamment à travers ses travaux de certification. Nos concitoyens sont, à juste titre, extrêmement attentifs à ces questions.
Le très vif intérêt qu'a rencontré ce rapport me conduit à vous remercier d'avoir suscité cette réflexion : elle montre à quel point les relations entre la Cour et le Parlement sont fructueuses pour le débat citoyen.