Mes chers collègues, nous poursuivons nos auditions sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2021. Nous accueillons ce matin MM. Pierre Moscovici, Premier président, et Denis Morin, président de la sixième chambre de la Cour des comptes. Ils sont accompagnés de Mme Michèle Pappalardo, rapporteure générale, et de M. Stéphane Seiller, rapporteur général du rapport sur l'application des lois de financement de la sécurité sociale (RALFSS).
Notre ordre du jour comporte deux manifestations de la mission d'assistance de la Cour des comptes au Parlement prévue par l'article 47-2 de la Constitution.
La première nous réunit chaque année à pareille époque pour la présentation du rapport sur l'application des lois de financement de la sécurité sociale. Cette année, cependant, ce rendez-vous prend un tour particulier compte tenu du caractère hors norme des déficits de la sécurité sociale, auxquels nous sommes pourtant accoutumés.
Nous devons la seconde à la mise en oeuvre de l'article L.O. 132-3-1 du code des juridictions financières, qui permet aux commissions des affaires sociales des deux assemblées de demander à la Cour des comptes de réaliser des enquêtes sur des sujets relevant du champ de la loi de financement de la sécurité sociale. En application de cet article, le président Milon avait demandé une enquête sur les groupements hospitaliers de territoire (GHT), avec deux interrogations principales. Il s'agissait d'examiner si, conformément à la loi, les GHT étaient bien fondés sur un projet de santé et s'ils contribuaient bien à une meilleure organisation de l'offre de soins sur les territoires sans que l'établissement support n'attraie les activités et les moyens au détriment des plus petits établissements.
Il se trouve que le RALFSS comprend également un chapitre consacré aux GHT et que la présentation de l'enquête sur les GHT constituera, en quelque sorte, une incise au sein d'une seule et même audition.
J'indique que cette audition fait l'objet d'une captation vidéo en vue de sa retransmission en direct sur le site du Sénat. Elle sera consultable en vidéo à la demande.
Je rappelle, à toutes fins utiles, que le port du masque est obligatoire tout au long de cette audition, y compris lors des prises de parole. Je vous remercie pour votre vigilance.
Madame la présidente, permettez-moi de vous adresser mes plus sincères et chaleureuses félicitations pour votre élection à la tête de cette commission. Tous mes voeux de succès vous accompagnent dans l'exercice de cette éminente fonction. Je souhaite également féliciter M. le rapporteur général pour sa réélection.
Je suis extrêmement attaché, en tant que Premier président, aux liens qui unissent la Cour des comptes au Parlement. Ces liens sont pour moi absolument prioritaires. Vous pourrez toujours compter sur le soutien et la disponibilité de notre institution. L'audition d'aujourd'hui m'offre d'ailleurs l'occasion d'illustrer notre mission d'assistance au Parlement, puisque le rapport sur l'application des lois de financement de la sécurité sociale est établi dans ce cadre.
Ma présentation sera complétée par la communication relative aux groupements hospitaliers de territoire établie à la demande de votre commission. Je laisserai le président de la 6e chambre, Denis Morin, vous en exposer le contenu. J'ai également à mes côtés Michèle Pappalardo, la rapporteure générale de la Cour, Stéphane Seiller, conseiller maître, qui est le rapporteur général du RALFSS, et Antoine Imberti, auditeur et rapporteur général adjoint. Je les remercie chaleureusement, ainsi que la vingtaine d'autres rapporteurs qui ont aussi contribué au RALFSS, pour leur implication.
Cette année, ce travail a été réalisé dans un contexte exceptionnel, celui de la crise sanitaire sans précédent que nous traversons depuis mars. Je précise toutefois que le rapport n'aborde pas la gestion de la crise en elle-même. La Cour aura l'occasion d'y revenir.
Nous sommes aujourd'hui dans un contexte économique difficile, dans lequel nos transferts sociaux ont joué et continuent à jouer un rôle essentiel pour amortir les conséquences de cette crise pour nos concitoyens, notamment en comparaison d'autres pays.
La situation actuelle est exceptionnelle, et l'impact de la crise sur la trajectoire des comptes de la sécurité sociale est tout à fait considérable. En 2020, le déséquilibre des comptes sociaux atteindra des niveaux historiques, avec un déficit du régime général et du Fonds de solidarité vieillesse s'élevant à 44,4 milliards d'euros. Il était, en comparaison, de 28 milliards d'euros en 2010 à la suite de la crise financière.
Cette situation a conduit l'été dernier à une nouvelle reprise de dette par la Caisse d'amortissement de la dette sociale (Cades). Cette reprise est inédite par son montant, qui s'élève à 136 milliards d'euros et a pour effet de prolonger l'existence de la Cades jusqu'en 2033. L'année 2020 est donc un exercice hors norme pour nos comptes sociaux.
Notre rapport cette année porte un message simple : si nous voulons sauvegarder notre système de sécurité sociale, nous devons reconstruire progressivement une nouvelle trajectoire de retour à l'équilibre des comptes sociaux. La sécurité sociale ne peut être durablement financée par l'emprunt, sauf à pénaliser les générations futures. Ce message n'est d'ailleurs que la déclinaison logique, dans le domaine de la sécurité sociale, de celui porté par la Cour en juin dernier dans son rapport sur la situation et les perspectives des finances publiques et de la position du Haut Conseil des finances publiques dans son dernier avis. La soutenabilité de la dette publique, qui comprend bien sûr la dette sociale, est un enjeu central.
Pour atteindre cet objectif, le contexte actuel de nos finances publiques ne nous laisse pas d'autre choix que d'agir sur la qualité et la sélectivité de la dépense sociale. La Cour formule en ce sens trois recommandations : d'abord, agir sur les ressorts structurels de la dépense de sécurité sociale, notamment dans le champ de l'assurance maladie, sans réduire la qualité de la prise en charge des patients ; ensuite, porter une attention plus grande aux publics défavorisés en ciblant mieux certaines prestations de solidarité et en prévenant les impacts, sur ces publics, des mesures générales de maîtrise de la dépense ; enfin, poursuivre les efforts pour améliorer la qualité et l'efficience de la gestion des organismes de sécurité sociale, afin d'offrir un meilleur service aux usagers à un meilleur coût.
Depuis les années 1990, à l'exception d'une brève période au tout début des années 2000, la sécurité sociale connaît une situation déficitaire. Avant la récession de 2009, son déficit s'élevait à 9 milliards d'euros. Au plus fort de la crise de 2010, il a atteint un niveau inédit de près de 30 milliards d'euros. Il a ensuite été réduit de manière continue, de sorte que l'équilibre a presque été atteint en 2018 et en 2019. Cette trajectoire de redressement s'est infléchie par la suite - la loi de financement de ma sécurité sociale pour 2020, votée à l'automne 2019, prévoyait un déficit de 5,4 milliards d'euros. La rupture de la tendance régulière de retour à l'équilibre des comptes sociaux est donc antérieure à la crise sanitaire, qui a par ailleurs profondément dégradé leurs perspectives.
En 2020, le déficit des comptes sociaux atteindrait un niveau inédit de 44,4 milliards d'euros. Ce montant historique résulte essentiellement d'un choc sur les principales recettes de la sécurité sociale lié aux conséquences du confinement, et dans une moindre mesure de dépenses supplémentaires.
Les recettes chuteraient de 27,3 milliards d'euros par rapport à la prévision pour 2020 de la dernière loi de financement de la sécurité sociale. La masse salariale du secteur privé diminuerait en effet de près de 8 % en 2020, contre une prévision de croissance de 2,8 % dans la LFSS 2020, ce qui entraînerait près de 22 milliards d'euros de pertes de recettes.
S'agissant ensuite des dépenses, elles sont pour la plupart directement liées à la crise sanitaire et provoquent une progression de l'objectif national des dépenses d'assurance maladie (Ondam) de 7,6 %, contre une prévision de 2,45 % dans la LFSS de 2020. Ce niveau est le plus élevé depuis la mise en place de l'Ondam en 1997. Selon la commission des comptes de la sécurité sociale, l'assurance maladie supporterait un surcroît de 15 milliards d'euros de dépenses du fait de la crise. Ces dépenses comprennent, par exemple, des dotations supplémentaires à Santé publique France, notamment pour l'achat de masques, et aux établissements hospitaliers et aux services médico-sociaux, mais aussi des dépenses exceptionnelles d'indemnisation d'arrêt de travail, de réalisation de tests ou de compensation des pertes d'activité des professions libérales. Ce surcroît de dépenses est compensé à hauteur de 4,5 milliards d'euros par une baisse très forte d'une part de l'activité des professionnels de ville et de la consommation courante de médicaments et de dispositifs médicaux.
Il reste que l'impact de la chute brutale des recettes et de l'augmentation des dépenses sur la dette sociale est massif. Au titre de la seule année 2020, la dette augmenterait en effet d'environ 30 milliards d'euros pour atteindre 145 milliards d'euros. Dans ce contexte, l'horizon d'extinction de la dette sociale a été reporté d'une décennie et demeure assez incertain. La décision de transfert de dette à la Cades a été prise sans visibilité précise sur la trajectoire financière de la sécurité sociale. Or la crise sanitaire pourrait avoir une empreinte durable sur les comptes sociaux.
Dans ce contexte d'incertitude élevée, nous pensons que la définition d'une nouvelle trajectoire de référence du produit intérieur brut (PIB) au travers d'une loi de programmation des finances publiques est indispensable. Distinguer le conjoncturel du structurel et l'exceptionnel de l'ordinaire est plus que jamais une nécessité pour la bonne gestion de nos finances publiques. Les dépenses de réponse à la crise sanitaire ne sont pas discutées - elles sont nécessaires -, mais les dépenses pérennes appellent un effort accru de sélectivité pour en améliorer la qualité et la pertinence. À défaut, elles risqueraient d'accentuer l'écart structurel entre le niveau des recettes et celui des dépenses à financer. De la même manière, il sera important que les mesures de régulation des dépenses annoncées en 2021 à hauteur de 3,5 milliards d'euros soient plus amplement documentées et fassent l'objet d'un suivi rigoureux dans leur mise en oeuvre.
Face à la hausse des dépenses, l'augmentation nette des recettes affectées au financement de la sécurité sociale apparaît peu envisageable. Les prélèvements obligatoires ont atteint en France 44,1 % du PIB en 2019. C'est un niveau plus élevé que chez nos principaux partenaires européens. Il n'apparaît pas davantage souhaitable, compte tenu de la trajectoire budgétaire dégradée de l'État, de l'amputer de certaines de ses recettes pour les affecter à la sécurité sociale ou de lui faire porter la charge de nouvelles dépenses.
Pour remettre les finances sociales sur la voie de l'équilibre structurel, nous n'avons donc pas d'autres options que de définir une nouvelle trajectoire de dépenses qui permettrait de maîtriser la hausse de notre dette sociale.
Le Parlement a arrêté l'été dernier le principe d'un désendettement de la sécurité sociale à hauteur des déficits cumulés sur la période 2020-2023, en limitant ce désendettement à 92 milliards d'euros. La Cour relève toutefois que la trajectoire de solde figurant au projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2021 conduirait à ce qu'apparaisse un nouvel endettement cumulé de l'ordre de 29 milliards d'euros à la fin de l'année 2023 et de près de 50 milliards d'euros à la fin de l'année 2024. Or le financement permanent de la sécurité sociale par la dette n'est pas souhaitable.
Il faut donc identifier les leviers qui permettent de remettre les comptes de la sécurité sociale sur la voie de l'équilibre en agissant sur la qualité de la dépense. Nous avons étudié les résultats obtenus ces dernières années dans la maîtrise de leurs dépenses par les différentes branches. Ils sont globalement positifs, mais ils ne sont pas suffisants et, surtout, ils diffèrent beaucoup entre branches.
En ce qui concerne la branche famille, la maîtrise des dépenses a été facilitée par l'inflexion de la natalité depuis 2014, mais aussi par des mesures reposant sur des choix clairs, qui ont visé à aider en priorité les familles les moins favorisées. Les pouvoirs publics ont donc visé un double objectif de rigueur et d'équité.
Le système des retraites a, de son côté, connu entre 1993 et 2014 cinq réformes d'ampleur touchant les régimes de base. En plus des hausses de cotisations, ces réformes ont agi sur l'âge de départ à la retraite, sur la durée de cotisation et sur le niveau des pensions. Elles ne suffisent pas à assurer à l'horizon de la fin de la décennie l'équilibre du système, mais elles ont ramené l'évolution des dépenses à un rythme proche de celui du PIB.
Enfin, les dépenses d'assurance maladie ont vu leur progression significativement ralentie. L'Ondam rapporté au PIB a été stabilisé à champ constant autour de 8,3 % ces dernières années et son respect, avant la crise sanitaire, était assuré depuis 2010. La progression de l'Ondam depuis 2016 a toutefois été desserrée au-delà de l'objectif de 2,3 % pourtant prévu par la loi de programmation des finances publiques 2018-2022. Après un premier relèvement en 2019 au titre de la stratégie « Ma santé 2022 », la crise des urgences puis la crise hospitalière ont conduit en 2020, avant l'épidémie, à fixer un taux de 2,45 %. Le PLFSS pour 2021 entérine une révision majeure de progression de l'Ondam pour 2020, qui est portée à 7,6 %.
Pour la Cour, ces évolutions soulignent les limites de la maîtrise des dépenses de santé reposant seulement sur l'Ondam. Ce dernier reste bien sûr indispensable, mais ce pilotage ne peut suffire à organiser une maîtrise durable des dépenses de santé. En clair, la contrainte financière seule, sans rénovation du système, ne suffit pas.
Le retour sur un chemin d'équilibre de l'assurance maladie nécessite donc des actions structurelles. La Cour a déjà fourni un certain nombre de pistes par le passé. Elle développe trois grandes illustrations cette année.
L'une concerne les groupements hospitaliers de territoire (GHT), sujet sur lequel vous aviez sollicité notre assistance. Je vais céder la parole à Denis Morin pour qu'il vous présente les conclusions du rapport réalisé par la Cour à la demande de votre commission.
Nous avons examiné 129 GHT et conduit un dialogue avec environ 500 professionnels de santé, élus et usagers dans 13 GHT regroupant 77 établissements. Nous avons donc mené un travail approfondi.
Pour aller droit au but, je pourrais vous répondre, madame la présidente, que si les GHT se sont bien mis en place, ils n'ont pas eu d'impact sur l'offre de soins.
Le premier constat porte sur l'hétérogénéité des GHT. Un premier clivage majeur tient au fait que 28 des 136 GHT sont adossés à un centre hospitalier universitaire (CHU), ce qui présente des avantages en termes de démographie médicale et de disponibilité des professionnels de santé, alors que d'autres sont structurés autour d'un établissement support particulièrement fragile. Si le dialogue que les agences régionales de santé (ARS) ont noué avec les élus a permis de tenir compte des souhaits de ces derniers, dans des départements tels que l'Yonne, la Seine-et-Marne ou la Manche, certains GHT n'offrent pas la qualité de prise en charge que nos concitoyens sont en droit d'attendre et ne contribuent pas à la correction des inégalités de santé, notamment par la prise en charge en moins de trente minutes d'un certain nombre d'accidents de santé tels que les AVC ou les problèmes cardio-vasculaires. Ainsi, 38 GHT ne disposent d'aucun plateau d'angioplastie ; 24 n'ont pas d'unité neuro-vasculaire (UNV) alors que ces unités sont au nombre de 140 sur le territoire national ; 46 % des GHT ne disposent pas de service d'hospitalisation à domicile ; 21 % n'ont pas de service de psychiatrie et 10 % ne disposent pas d'une offre en obstétrique. Ces fortes hétérogénéités devront être corrigées dans les prochaines années par l'approfondissement du dialogue entre les ARS et les élus.
Le deuxième constat porte sur la gouvernance complexe des GHT, l'absence de personnalité morale étant source de grandes difficultés de fonctionnement. De fait, les GHT les plus intégrés sont ceux qui ont le mieux fonctionné durant la crise sanitaire.
Nous avons enfin constaté que la mise en place des GHT n'avait pas eu d'effet majeur en matière de coopération hospitalière. Nous avons réalisé une comparaison de l'offre entre 2014 et 2018-2019 sur un échantillon de GHT : si l'on observe dans quelques cas un phénomène de concentration au sein de l'établissement support, on constate aussi, étonnamment, de nombreux déports d'activité vers des établissements périphériques, qui rencontrent pourtant toujours les mêmes difficultés, en particulier de disponibilité des professionnels de santé.
Nous avons noté peu de créations de pôles interétablissements - moins de 5 % des GHT sont concernés -, ainsi qu'une stabilisation du nombre de salles d'intervention chirurgicale. Quatre ans après la loi santé, l'offre de santé n'a pas été substantiellement modifiée.
Un certain nombre de sujets méritent une réflexion approfondie. Quel rôle les GHT pourraient-ils jouer dans le domaine du transport sanitaire ? Quid du régime des autorisations ? Une réflexion sur la réforme des autorisations est en cours depuis une dizaine d'années ; il serait bon qu'elle aboutisse. Par ailleurs, comment s'assurer de la disponibilité des personnels médicaux et non médicaux sur l'ensemble d'un territoire donné ? Les GHT pourraient jouer un rôle d'hôpital hors les murs.
Nous observons que les GHT les plus efficaces sont les plus intégrés, et c'est pourquoi nous plaidons pour des directions communes d'établissements au sein des GHT. J'ai pu constater qu'en région Rhône-Alpes ce mode d'organisation permet des mutualisations. Pourtant, le rapport fait état d'une régression en la matière.
Pour conclure, je dirai qu'il en va un peu de la coopération hospitalière comme de l'intercommunalité - ce sont du moins deux sujets aussi difficiles.
Je vais poursuivre sur le contenu du RALFSS, dans lequel nous développons, outre les GHT, deux autres illustrations de l'action à mener pour agir sur les ressorts structurels de la dépense de santé.
La première concerne la simplification du système de financement des activités hospitalières, notamment les dotations dites « pour missions d'intérêt général et d'aides à la contractualisation » (Migac) et les fonds d'intervention régionaux (FIR) dont disposent les ARS pour financer des actions de santé publique d'intérêt régional.
Ces deux sources de financement représentaient en 2019 un total de près de 11 milliards d'euros, avec des chevauchements entre enveloppes financières et un empilement croissant de lignes budgétaires. La simplification de ces dispositifs et une répartition plus claire des responsabilités dans leur attribution entre l'administration centrale et les ARS sont à nos yeux indispensables.
La deuxième illustration sur laquelle nous avons travaillé a trait aux dispositifs médicaux. Ces derniers regroupent un vaste ensemble de produits et de services, allant du simple pansement au dispositif implantable de haute technologie. Ils sont utilisés dans le traitement d'un nombre croissant de maladies, avec une dépense correspondante évaluée à 15 milliards d'euros, qui progresse d'environ 4 % chaque année. Jusqu'à présent, les mesures de maîtrise ont principalement porté sur les prix de ces dispositifs. Il faut désormais, selon nous, agir en parallèle sur la pertinence de la prescription, sur l'optimisation des achats par les établissements de santé et sur la lutte contre les abus et les fraudes, en inscrivant ces actions dans un cadre pluriannuel.
Nous pensons qu'il est essentiel, dans la mise en oeuvre de ce type de mesures, de respecter une exigence de solidarité. Ce point est fondamental, car ces efforts doivent être adaptés à la situation de chacun, en particulier à celle de nos concitoyens défavorisés. Plusieurs chapitres du rapport illustrent ainsi la nécessité de mieux cibler certaines prestations de solidarité.
J'ai cité les choix faits dans la gestion des prestations familiales, qui ont été particulièrement clairs en faveur des familles défavorisées. Le montant du complément familial a par exemple augmenté de 39 % depuis 2013, avec une majoration supplémentaire pour les familles nombreuses les plus modestes.
En matière de retraites, plusieurs dispositions ont atténué les effets des réformes successives pour les faibles pensions, comme la majoration du minimum contributif au titre des trimestres cotisés en 2004 ou la mise en place, à partir de 2010, de mesures en faveur des carrières longues. Mais des mesures telles que l'indexation des salaires sur les prix utilisée pour le calcul de la retraite favorisent les assurés à carrière pleine et ascendante et peuvent pénaliser ceux ayant subi des périodes de chômage ou touché des salaires plus faibles.
Le calcul des pensions de retraite comporte cependant des dispositifs de minima, particulièrement importants pour nos concitoyens qui perçoivent une très petite retraite. Ces dispositifs interviennent en amont du minimum vieillesse et concernent aujourd'hui environ un nouveau retraité sur cinq. La majoration de pension qu'ils entraînent représente en moyenne 130 euros par mois. Ces minima représentaient au total 8,7 milliards d'euros de versements en 2018.
Nous avons toutefois observé que la finalité de ce dispositif avait évolué et devait faire l'objet d'une clarification. Conçu historiquement pour augmenter la retraite de salariés ayant accompli une carrière complète, le minimum contributif du régime général profite aujourd'hui principalement à des personnes ayant effectué des carrières à temps partiel ou incomplètes.
Enfin, la Cour a relevé la complexité des dispositifs de minima existants, qui conduit à ce que près d'un demi-million de personnes ayant pris leur retraite voient leur dossier rester durablement en attente de règlement définitif. Nous préconisons donc de procéder, dans les meilleurs délais, aux différentes harmonisations qui permettront de garantir à l'ensemble des bénéficiaires la perception définitive des montants qui leur sont dus.
L'exigence de solidarité implique aussi, du côté de la branche famille, d'accroître l'efficacité des dépenses d'action sociale. Au côté des prestations familiales, les CAF apportent en effet un soutien financier et technique au développement de services et d'équipements destinés aux familles, notamment des crèches et des centres de loisirs. Ce soutien est fondamental.
La branche famille n'a cependant pu atteindre l'objectif fixé de création de 100 000 places en crèche, le taux de réalisation étant de 63 % seulement. Par ailleurs, les inégalités territoriales persistent, faute notamment d'évaluation suffisamment fine des besoins. Au vu de l'importance des financements publics mobilisés - 5,8 milliards d'euros en 2019, soit 1 milliard d'euros de plus qu'en 2012 -, nous recommandons d'apporter à ces dispositifs les améliorations indispensables pour offrir aux familles un service de qualité sur l'ensemble du territoire.
Enfin, il faut faire progresser la qualité et l'efficience de la gestion des organismes de sécurité sociale. Il faut d'abord réduire le nombre et le montant des erreurs affectant le versement des prestations sociales. Dans le cadre de ses travaux de certification des branches du régime général, la Cour examine chaque année le degré de conformité des prestations versées aux règles de droit applicables.
Pour l'exercice 2019, ces travaux font état d'un montant d'erreurs à caractère définitif d'au moins 5 milliards d'euros toutes branches confondues. Ces erreurs peuvent être au détriment des finances sociales, comme c'est le cas par exemple pour 90 % de celles qui affectent les prises en charge de frais de santé. Mais elles peuvent aussi être au détriment des bénéficiaires des prestations, comme pour les deux tiers des erreurs qui affectent le versement des retraites. Ces anomalies résultent soit des données déclarées par les bénéficiaires, soit des opérations de gestion des caisses de sécurité sociale elles-mêmes.
Notons que la fréquence et la portée financière des erreurs sont en nette augmentation ces dernières années. Par exemple, la portée financière des erreurs liées aux données déclarées pour les prestations de la branche famille a atteint 3,4 milliards d'euros en 2018, contre 2 milliards d'euros en 2014.
La Cour recommande donc d'accroître l'automatisation des processus de gestion et de dématérialiser les déclarations. Il faut aussi fermer les possibilités systémiques de fraude et renforcer les actions de contrôle a posteriori.
Notre rapport évoque enfin, en présentant différentes recommandations à l'appui, la nécessité d'adapter l'organisation des branches du régime général et de moderniser la gestion du recouvrement social par le réseau des unions de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (Urssaf).
Face à la crise sanitaire, la priorité a été donnée au soutien de notre système de santé. C'était légitime. Mais il est impératif de remettre rapidement la sécurité sociale sur un chemin d'équilibre financier durable pour assurer la soutenabilité de la dette sociale, dès que les circonstances le permettront, et éviter de pénaliser les générations futures. La Cour n'a pas proposé de « tailler » dans les dépenses sociales, mais elle souhaite qu'à moyen terme la dette publique soit soutenable. Des adaptations en profondeur seront nécessaires pour atteindre cet objectif. Plus elles seront différées, plus elles seront difficiles à mettre en oeuvre.
Je remercie M. le premier président et M. le président de chambre pour leurs exposés, fort instructifs comme toujours.
Au-delà de la forte dégradation des comptes de la sécurité sociale cette année, la trajectoire financière à l'horizon de 2024 m'inspire de vives inquiétudes. La stabilisation du déficit à hauteur de 20 milliards d'euros environ vous paraît-elle réaliste compte tenu des hypothèses de croissance, mais aussi de l'adoption, au début de l'année prochaine, de la loi relative à l'autonomie ? La Cour croit-elle possible d'éteindre la dette sociale, qui risque de continuer à croître jusqu'en 2033 ?
Les recommandations formulées dans votre rapport en matière de maîtrise de la dépense sociale ne me paraissent pas suffisantes pour équilibrer les comptes à l'avenir. Pouvez-vous préciser les domaines, les montants sur lesquels on pourrait agir rapidement et efficacement ? Si vous considérez qu'un retour à une progression de l'Ondam de 2,3 % à compter de 2023 sur la base des dépenses de 2022 est excessif, sur quelles dépenses faudrait-il se pencher en priorité ?
S'agissant des fraudes, en nette augmentation ces dernières années, votre rapport mentionne le chiffre de 5 milliards d'euros - indépendamment des fraudes aux cotisations, que l'Acoss évalue entre 6 milliards et 8 milliards d'euros. Dans le cadre de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2021, notre commission relaiera les propositions formulées dans votre rapport sur le sujet. En particulier, vous avez appelé chaque organisme à se doter de moyens d'évaluation de la fraude. Je regrette néanmoins que vous n'ayez pas pu estimer cette fraude, parce que les fantasmes croissent et embellissent... Certains parlent de 40 milliards, voire 50 milliards d'euros ! Il est urgent qu'un organisme comme le vôtre s'efforce d'approcher la réalité des erreurs et des fraudes ; nous allons nous y employer aussi, avec nos moyens. La Cour est-elle prête à certifier annuellement les montants que publieront les organismes, pour assurer la véracité des chiffres ?
Dans le temps qui lui était imparti avant la publication du rapport sur l'application de la loi de financement de la sécurité sociale, la Cour n'a pas pu examiner la cohérence entre les hypothèses macroéconomiques du Gouvernement et la trajectoire pluriannuelle de la sécurité sociale à l'horizon de 2024, présentée à l'annexe B du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2021. La trajectoire prévue repose sur l'hypothèse d'une évolution tendancielle des dépenses consacrées à l'autonomie de 2,4 % par an, sans prendre en compte les dépenses nouvelles qui pourraient être décidées dans le cadre d'une prochaine loi sur le grand âge.
S'agissant de la dette sociale, la Cour indique, dans le chapitre Ier du RALFSS, que les déficits prévus par le PLFSS pour 2021 dépasseront de près de 50 milliards d'euros, à l'horizon de 2024, les montants de dette repris par la Cades prévus par la loi du 7 avril 2020.
Vous me demandez si tout cela me paraît réaliste. Réaliste, oui, même si ce n'est peut-être pas complet. Mais raisonnable, pas forcément...
En ce qui concerne la maîtrise de la dépense sociale, je rappelle qu'il ne nous appartient pas de déterminer le niveau de dépenses que la collectivité doit consacrer à la santé ; ce choix relève du Gouvernement et du Parlement. Notre rôle est de vérifier que les dépenses sont pertinentes, efficaces et efficientes.
La norme d'évolution des dépenses d'assurance maladie est fixée par la loi de programmation des finances publiques. Ainsi, pour la période 2018-2022, le taux de progression de l'Ondam a été fixé à 2,3 %. Le contexte économique résultant de la crise sanitaire rend cette loi caduque - d'ailleurs, le Gouvernement ne le conteste pas. Le Haut Conseil des finances publiques recommande de préparer une nouvelle loi de programmation, qui serait débattue, si la situation sanitaire le permet, dès le printemps prochain. Cela me paraît en effet indispensable. C'est dans ce cadre que le taux de référence de l'Ondam aura à être fixé.
Pour le reste, nous connaissons les multiples gisements d'efficience que recèle le secteur de la santé. Un programme annuel d'économies de 3,5 milliards à 4 milliards d'euros est prévu ; c'est encore ce que le Gouvernement prévoit pour l'année prochaine. La crise passée, ce programme devra être redéfini. Nous avons tracé des pistes à cet égard dans nos RALFSS successifs.
Bien sûr, la Cour se penchera attentivement sur les estimations de la fraude qu'établiront la Cnam et la Cnav ; elle est tout à fait disposée à échanger avec ces dernières sur les méthodes qui pourraient être employées. Par ailleurs, elle examinera dès l'année prochaine les suites données par le ministère des solidarités et de la santé et les organismes de sécurité sociale à la communication qu'elle vous a adressée sur la fraude aux prestations. Nous avons notamment proposé d'estimer la fraude par redressement statistique des résultats des contrôlés, ciblés en fonction de certains critères.
Dès avant cette communication, la Cour entretenait un dialogue régulier avec la Cnaf sur l'estimation du montant de la fraude. Comme vous le savez, la branche famille est aujourd'hui la seule à établir chaque année une estimation.
J'ai bien noté votre frustration, monsieur le rapporteur général. Du fait de cette limite, que nous avons subie, notre rapport n'a pas servi autant que nécessaire de garde-fous aux surenchères et aux fantasmes. On a même avancé le chiffre de 50 milliards d'euros ! Il faut, à un moment donné, couper la tête à ce canard...
Nous sommes disposés à reprendre ce travail, quitte à prendre quelques risques et, peut-être, à être approximatifs - seul un travail partagé avec le ministère permettrait d'être parfaitement rigoureux. Je m'avance un peu, mais je suis sûr que notre sixième chambre a les moyens de travailler sur une estimation, pour éclairer le débat et prévenir les fantasmes.
Enfin, la Cour s'impliquera dans le suivi des recommandations du rapport, notamment à travers ses travaux de certification. Nos concitoyens sont, à juste titre, extrêmement attentifs à ces questions.
Le très vif intérêt qu'a rencontré ce rapport me conduit à vous remercier d'avoir suscité cette réflexion : elle montre à quel point les relations entre la Cour et le Parlement sont fructueuses pour le débat citoyen.
L'étude de la Cour des comptes sur les dépenses d'assurance maladie entre 2010 et 2019 met en évidence, à l'instar d'un récent rapport de nos collègues Catherine Deroche et René-Paul Savary sur l'Ondam, que la régulation annuelle n'est pas suffisante pour un pilotage stratégique de la dépense de santé.
Comment envisagez-vous la décomposition de l'Ondam en sous-objectifs ? Ce principe vous paraît-il satisfaisant, à l'heure où la notion de parcours de santé devient très importante et compte tenu des enjeux de décloisonnement médecine de ville/hôpital ? De quelle manière la nouvelle programmation pluriannuelle que vous préconisez pourrait-elle dépasser cette approche ?
S'agissant du fonds d'intervention régional, la Cour a mis en évidence des disparités historiques dans la répartition des dotations, ainsi qu'une logique peu redistributive. Faudrait-il engager un rééquilibrage territorial plus volontariste, et si oui de quelle manière ? Sous réserve de la plus grande transparence que vous appelez de vos voeux, un renforcement substantiel de ce fonds vous paraît-il souhaitable pour accroître les marges de manoeuvre dans les territoires ?
La Cour plaide pour une exploitation plus intensive des multiples gisements d'efficience dans notre système de soins. De ce point de vue, quels enseignements tirez-vous de la gestion de la crise sanitaire actuelle ?
Madame la rapporteure, la Cour partage votre préoccupation en ce qui concerne les entraves au déploiement de la logique du parcours de santé.
Au-delà de l'Ondam, qui est avant tout un instrument de dialogue démocratique, ce sont les mécanismes de financement des soins individuels qui posent problème. Aujourd'hui, ils sont essentiellement fondés sur la rémunération séparée des actes des différents intervenants de la chaîne de soins. La réponse est d'abord dans la mise en oeuvre des différentes réformes permettant de passer d'une rémunération fondée sur la seule activité à une rémunération fondée sur le suivi des patients.
Les travaux que nous menons sur la prévention ou la qualité des soins pourront donner lieu à une publication l'année prochaine.
En ce qui concerne la programmation pluriannuelle, la problématique que nous signalons tient au caractère très limité des éléments dont dispose le Parlement pour suivre dans la durée l'incidence des différentes réformes. Limitées, les informations figurant à l'annexe 7 du PLFSS sont en outre annuelles, alors que la pertinence de l'action sur les déterminants des politiques de santé ne peut être analysée que dans une perspective pluriannuelle.
S'agissant du fonds d'intervention régional, nous avons relevé, en effet, des écarts très importants entre les dotations par habitant : moins de 721 euros en Bretagne, dans les Pays-de-Loire et les Hauts-de-France, plus de 1 247 euros en Île-de-France et dans les départements d'outre-mer ! Il convient de mieux prendre en compte ces disparités. Alors qu'une part importante des crédits délégués aux agences régionales de santé dans le cadre des missions d'intérêt général et d'aide à la contractualisation est fléchée, nous recommandons d'accroître les marges de manoeuvre de ces agences, mieux placées que les administrations centrales pour apprécier les besoins dans les territoires. Pour cela, les enveloppes d'aide à la contractualisation pourraient être basculées dans le fonds d'intervention régional. Ce qui suppose que chaque agence se mette en état de bien piloter un volume de concours plus important.
Les travaux d'instruction consolidés et résumés dans ce rapport ne portent pas sur l'année 2020 : ils ne concernent donc pas la gestion de la crise sanitaire. En parlant de gisements d'efficience, nous voulons dire que, une fois la crise passée, notre système de santé se trouvera confronté aux mêmes problèmes qu'auparavant. Ces gisements, la Cour et bien d'autres acteurs les ont identifiés depuis longtemps. Entre autres mesures nécessaires, nous préconisons de réduire le coût des produits sanitaires, notamment en agissant sur les prix des produits les plus anciens, de réduire les surcoûts de dialyse, de responsabiliser davantage les assurés et les médecins prescripteurs d'arrêts de travail, de rationaliser l'organisation des transports sanitaires et d'accélérer la coopération hospitalière autour des groupements hospitaliers de territoire.
La crise sanitaire n'efface pas les problèmes antérieurs : au contraire, elle les aggrave plutôt...
Avec Véronique Guillotin et Yves Daudigny, j'ai travaillé sur l'accès précoce aux médicaments innovants. De fait, la place de l'innovation dans les projections est une question importante. Or le caractère annuel du budget ne permet pas toujours d'anticiper les coûts d'innovation. Avez-vous travaillé sur l'anticipation de ces coûts, par exemple en oncologie ?
Nous ne nous sommes pas encore penchés sur ce sujet, mais le Haut Conseil pour l'avenir de l'assurance maladie y travaille. Nous aurons sûrement l'occasion de contribuer à cette réflexion.
Au demeurant, l'inclusion du dernier traitement innovant - un traitement contre l'hépatite C - dans la mécanique d'ensemble de l'Ondam et de la régulation du système de médicaments n'a pas posé problème. Les difficultés seront probablement plus grandes pour d'autres types de traitements innovants, extrêmement coûteux. Mais, en principe, l'État est outillé pour aborder ces sujets, notamment avec le Comité économique des produits de santé et les dispositifs liés à la liste en sus.
Reste que, au-delà des seuls médicaments, nous serons sûrement amenés à intervenir sur l'innovation en santé, qui est une question fondamentale.
Grâce aux différentes réformes, les retraites représentaient environ 13,8 % du PIB, mais une dégradation va intervenir. Que préconisez-vous pour corriger la trajectoire ?
Hier soir, Olivier Véran nous a dit : ne prenons surtout aucune mesure, cela risquerait d'entrer en contradiction avec le plan de relance... Bref, on assume de laisser dériver les comptes sociaux.
En matière de minima sociaux, les disparités sont grandes entre les régimes : comment réaliser enfin l'harmonisation dont on parle depuis 2012 ?
Par ailleurs, certains retraités ne font pas appel aux dispositifs existants faute de les connaître. Comment améliorer leur information ?
Il ne me paraît pas illogique de distinguer le temps de la réponse à la crise sanitaire, économique et sociale et le temps du retour à une trajectoire d'équilibre financier soutenable. Mais ce second temps doit venir. C'est aussi l'enjeu du débat démocratique auquel nous appelons sur une loi de programmation des finances publiques qui trace de nouvelles perspectives, à la fois réalistes et raisonnables. S'agissant du calendrier, l'intensité et la durée de la crise actuelle seront des données cruciales.
En août dernier, le Conseil d'orientation des retraites a été saisi par le Premier ministre pour évaluer la situation financière du système de retraites à l'horizon de 2030. Le résultat de cette projection, rendu public dans les prochains jours, distinguera le déficit conjoncturel lié à la crise du déficit structurel, qu'il conviendra de réduire.
Il n'appartient pas à la Cour de recommander à ce stade l'utilisation de tel ou tel levier, mais nous avons analysé les effets relatifs des différents leviers, en soulignant l'importance des règles d'indexation. L'année dernière, nous avions fait observer que les dispositifs de départ anticipé pouvaient être resserrés sans que l'équité d'ensemble en pâtisse. Cette année, nous soulignons que les efforts ont été plutôt mal répartis : malgré certains dispositifs spécifiques - carrières longues, pénibilité, par exemple -, les salariés les moins bien payés et les personnes hors de l'emploi ont le plus subi les mesures générales d'âge ou de durée de cotisation. Il faudra en tenir compte pour l'avenir, afin que l'effort soit solidaire et équitable.
S'agissant des disparités entre régimes, il m'est très difficile de vous apporter la réponse que vous souhaitez : la Cour n'a pas l'habitude de commenter les réformes en cours de discussion, et je pense que c'est sage.
Toutefois, dans une communication sur les régimes spéciaux adressée à l'Assemblée nationale en juillet 2019, nous avons souligné que, quelles que soient les options retenues, elles devraient répondre à trois objectifs : accélérer l'alignement avec les règles de la fonction publique, elles-mêmes appelées à se rapprocher du régime général ; accroître la transparence des financements ; améliorer l'efficience de la gestion des caisses de retraite.
En 2016, dans son rapport sur la retraite des fonctionnaires, la Cour a également mis en avant différents leviers d'évolution, de manière particulièrement détaillée.
Cette année, sur le sujet, plus circonscrit, des minima de pension, nous soulignons que la règle d'écrêtement applicable au minimum des fonctionnaires n'est pas appliquée, pour, semble-t-il, des raisons informatiques. Cette rupture d'égalité doit être rapidement corrigée.
Sans nous prononcer sur la nature de ce système et le calendrier de sa mise en place, nous pensons qu'un système universel est de nature à corriger certaines disparités que nous constatons en matière de minima. Faute d'un tel système, il faut procéder rapidement aux harmonisations nécessaires.
S'agissant enfin de l'information des assurés, nos préoccupations se rejoignent parfaitement. Il s'agit d'assurer l'accès effectif de nos concitoyens à leurs droits sociaux.
Nous nous posons tous de nombreuses questions sur les groupements hospitaliers de territoire, qui nous concernent tous. Il est décevant que, dès le début, les établissements privés n'aient pas été présents à la table des discussions au même titre que les établissements publics. La crise sanitaire a montré que la coopération entre les deux secteurs est indispensable.
Mais mon rôle est de vous interroger sur la branche famille... À cet égard, vous constatez que l'objectif de correction des inégalités territoriales dans le développement des modes de garde n'a pas été atteint. Vous observez que la prestation de service unique des CAF, qui soutient financièrement les crèches, ne joue plus un effet de levier majeur pour la création d'équipements ou de places, les créations de places étant largement liées à l'implication des collectivités territoriales et du secteur privé.
J'ai souvent souligné que l'excès de normes met en difficulté les collectivités territoriales pour s'associer pleinement à la création de nouvelles places de crèche.
La COG 2018-2022 fixe de nouveau l'objectif d'égal accès aux modes de garde. À cette fin, la Cnaf a mis en place des bonus mixité sociale et inclusion handicap. Avez-vous évalué le déploiement de ces dispositifs ? Sont-ils de bons leviers pour améliorer l'efficacité du soutien aux crèches ? Comment mieux évaluer l'efficience des mesures de soutien ?
Par ailleurs, la régulation de l'offre d'accueil du jeune enfant sur le territoire est insuffisante. De ce fait, à certains endroits, des risques existent de concurrence entre structures.
Le reste à charge pour les familles varie selon que la crèche est financée par la prestation de service unique ou par la prestation d'accueil du jeune enfant, deux prestations qui restent peu et mal appréhendées par le grand public. Le dispositif gagnerait à être simplifié.
Vous proposez de mieux coordonner l'installation des structures d'accueil sur les territoires, mais comment cela pourrait-il s'organiser ?
Selon vous, faudrait-il unifier les modes de financement des places par la branche famille, quel que soit le type de structure ?
S'agissant des GHT, ce n'est déjà pas simple avec le secteur public... Mais, en logique, votre remarque est pertinente.
L'action sociale en faveur des familles vise à intégrer la baisse de la natalité, à mieux cerner les besoins des ménages dans les territoires et à améliorer la contractualisation entre les acteurs ainsi que l'articulation des prestations légales et extralégales. Nous n'avons pas encore évalué les dernières réformes menées à la Cnaf.
En ce qui concerne l'accueil des jeunes enfants, la récente rénovation du financement tend à encourager la création de places et à réduire les écarts de financement entre crèches. Il est encore trop tôt pour connaître tous les effets de cette évolution nécessaire en matière de création de places.
Le contrat enfance-jeunesse était un outil vieillissant, source d'une très forte hétérogénéité de financement. Son remplacement par les nouvelles conventions territoriales globales entre la CAF et les collectivités territoriales partenaires s'accompagne d'un bonus territoire, destiné notamment à réduire les écarts de financement entre crèches et à soutenir les collectivités territoriales les moins riches. Une crèche pourra être financée par ce bonus, en complément de la PSU, de même que par les bonus mixité sociale et inclusion handicap, si les conditions sont remplies.
Un forfait pour le développement des nouvelles offres de service est également prévu.
Je remercie la Cour des comptes pour l'ensemble des rapports qui nous ont été fournis au cours des six années que je viens de passer à la présidence de notre commission.
Redevenu commissaire de base, je me sens beaucoup plus libre de mon expression...
Le constat dressé par M. Morin sur les GHT est particulièrement intéressant. La plupart sont donc construits autour d'établissements supports que vous dites fragiles. S'ils sont fragiles, c'est probablement la conséquence de l'hyperadministration mise en place durant des années, ainsi que de l'orthodoxie financière qui a conduit les hôpitaux à moins dépenser et à privilégier les activités rentables.
Cette orthodoxie a mis en danger l'existence même des hôpitaux, comme on le voit aujourd'hui. L'urgence sanitaire a bon dos ! En réalité, elle n'est que le reflet de l'insuffisance de l'offre publique de soins, consécutive aux restrictions de plus en plus fortes imposées depuis des décennies.
Les missions principales des GHT sont l'efficacité de l'offre de soins et la rationalisation des modes de gestion, mais vous constatez que ces structures n'apportent pas une réponse suffisante à la question de l'égal accès aux soins sur les territoires et n'ont pas d'impact significatif sur l'offre et la consommation de soins. Bref, ils ne permettent pas de mener à terme l'organisation territoriale de l'offre publique de soins.
La bonne gestion des finances publiques ne consiste-t-elle qu'à contrôler les dépenses ? Ne faut-il pas, tout en contrôlant les actes redondants et la fraude, trouver des recettes supplémentaires pour permettre à l'ensemble de la population d'accéder à tous les soins, y compris les soins innovants ?
Je ne suis pas sûr que mes remarques emportent l'adhésion de tous mes collègues...
En tout cas, pour que notre système reste l'un des meilleurs au monde, les restrictions dans les dépenses ne suffiront pas : il faudra trouver des recettes nouvelles.
Votre enquête conclut à une absence de concentration excessive de l'activité des GHT au profit des établissements supports ; vous dites même que les GHT exercent une force centrifuge. Au moment de la mise en place des GHT, pensez-vous que des stratégies de contournement de ces activités destinées à rester dans l'établissement support ont été mises en oeuvre ? Par ailleurs, vous déplorez que le modèle d'intégration proposé par le GHT perpétue le cloisonnement de l'offre de soins et proposez, en plus des GHT et des GCS, une forme supplémentaire de groupement. Ne serait-il pas plus utile de créer une seule catégorie de groupement intégrant l'offre privée et l'offre de médecine de ville ?
Quel lien pourrait être établi entre les GHT, dont le rôle est essentiellement de mutualiser les moyens des structures publiques, les CPTS, qui incluent la médecine de ville, et les établissements privés, dans le but de réguler l'offre de soins au niveau territorial ?
Monsieur Milon, la liberté fondée sur l'expérience autorise une parole redoutable, mais précieuse...
Nous entrons dans une période nouvelle qui implique un changement de paradigme. À la suite de la crise financière de 2008, les règles ont été durcies ; or le régime de finances publiques que nous allons connaître n'aura rien à voir avec ce que nous avons connu jusqu'alors. Nous ne retrouverons pas, au moins avant plusieurs années, un niveau de dette publique et un niveau de déficit comparables à ce qu'ils étaient avant la crise. Le projet de loi de finances pour 2021 prévoit un taux de déficit de 5,7 % ! Pour faire face à la crise, des dépenses massives ont été engagées, au niveau national et au niveau européen. Dans le débat public, on a besoin d'une institution comme la nôtre qui permette à tous les citoyens d'étayer leur jugement sur les services publics. Je souhaite que la Cour évalue davantage les politiques publiques et accompagne davantage la décision publique. J'ai d'ailleurs lancé un chantier de réflexion sur les juridictions financières.
La Cour n'est pas l'ennemie de la dépense publique ; mais elle a à coeur d'intégrer deux notions dans sa réflexion. D'une part, la soutenabilité de la dette : on ne peut pas financer durablement à crédit une économie ou un système social. Pensons à notre jeunesse, qui aura à rembourser cette dette. D'autre part, la qualité de la dépense publique : est-elle efficace, pertinente ?
S'agissant des recettes, elles n'entrent pas tout à fait dans le champ de compétence de la Cour des comptes, mais plutôt dans celui du Conseil des prélèvements obligatoires, qui publiera la semaine prochaine un rapport sur la fiscalité des entreprises.
Les choix doivent être collectifs et le débat public est ouvert. La Cour y prendra toute sa part, sans faire preuve de rigidité, mais sans renoncer à sa raison d'être, à savoir veiller à la bonne utilisation de l'argent public. Plus on dépense, mieux on doit dépenser : c'est une exigence de nos concitoyens.
Une fois la crise passée, il faudra cerner le coût de fonctionnement de l'hôpital. Les juridictions financières pourront apporter leur éclairage, y compris sur les structures privées.
Ne demande-t-on pas trop à l'hôpital ? Nous avions produit un rapport sur l'encombrement des urgences, dans lequel nous soulignions les timides progrès qui avaient été accomplis en cinq ans, tout en soulignant la poursuite accélérée de leur fréquentation. Il faut reconnaître que la médecine de ville s'est fortement désengagée notamment de la permanence des soins. Quand on vit dans un désert médical, l'unique solution est souvent d'aller à l'hôpital.
S'agissant des GHT, nous avons identifié un effet centrifuge dans quatre cas sur dix et un effet de concentration sur l'établissement support dans six cas sur dix. Le schéma n'est pas univoque. Les situations de concentration sur l'établissement support tiennent généralement à des raisons démographiques : il est plus facile de bénéficier de professionnels de santé en nombre suffisant dans tel établissement support centre de GHT qu'à la périphérie.
Il faut probablement faire progresser l'organisation de l'offre publique de soins. Je ne suis pas certain que l'on puisse y associer systématiquement l'offre privée au sein d'un même GHT, dont la logique est différente. La stratégie capitalistique des grands groupes privés ne répond pas à une logique territoriale, à une logique de service public. Inversement, les ARS, au moment de définir les projets régionaux de santé, doivent avoir une vision globale incluant les secteurs public et privé.
Un point particulier concerne la psychiatrie. Historiquement, le secteur privé non lucratif a toujours été présent dans ce domaine, et c'est pourquoi il est souhaitable d'associer ces structures à la réflexion sur l'organisation de l'offre. En effet, à ce jour, un GHT sur deux n'inclut pas la psychiatrie dans son périmètre.
La coopération hospitalière est complexe. Manifestement, avec le GHT, on s'oriente vers un échec comparable à celui des CHT. La mise en place des CPTS, que nous avons saluée, s'annonce elle aussi complexe. Sur un objectif de mille, seuls vingt fonctionnaient avant la crise sanitaire. Laissons prospérer les démarches engagées. En revanche, nous plaidons vigoureusement en faveur de directions communes et de fusions d'établissements, démarche dans laquelle se sont engagés une vingtaine de GHT. Certains, dotés de la personnalité morale, ont même regroupé leur gestion de l'offre.
Suggérez-vous des pistes pour améliorer la compatibilité des différents systèmes d'information ? Certaines formes de fraude ont été rendues possibles précisément en raison de problèmes d'incompatibilité entre ces systèmes.
Vous évoquez également la difficulté de trouver de nouvelles recettes. On parle beaucoup de comorbidité pour expliquer le décès de certains patients en cette période de crise sanitaire ; à cet égard, il faudrait intensifier les politiques de prévention.
Enfin, vous avez évoqué le financement des missions d'intérêt général et d'aides à la contractualisation, les MIGAC. Il faudrait revoir les règles d'approvisionnement en consommables, les fournisseurs ne pouvant pas nécessairement adapter leur offre aux équipements des structures hospitalières, ce qui est source de surcoûts considérables. Il faut promouvoir la concurrence pour plus d'efficacité et de qualité.
Vous affirmez la nécessité, pour la sécurité sociale, de prendre des mesures structurelles une fois la pandémie passée. Cette analyse me choque : notre système de santé souffre de décennies d'économies et continuer dans cette voie mènerait à la catastrophe. Aujourd'hui, nous manquons de lits, de professionnels de santé, et remédier à cette situation coûte de l'argent. Je ne suis pas d'accord quand vous dites que la dépense appelle la dépense : dans le domaine de la santé, la priorité est de répondre aux besoins. Au cours de cette crise, des opérations ont été déprogrammées, ce qui a un coût, humain pour les patients concernés et financier pour la sécurité sociale.
Votre rapport n'anticipe rien et votre seul souci est celui de la résorption de la dette.
Votre rapport de l'an dernier recommandait notamment de revoir certaines niches - à hauteur de 90 milliards d'euros -, notamment certaines exonérations de cotisations patronales - 66 milliards d'euros étant en jeu. Voilà une piste de refinancement de la sécurité sociale ! Or votre rapport indique qu'il faut mettre un coup d'arrêt à l'alourdissement de la dette sociale, quitte à faire payer un peu plus les patients. Ce n'est pas ce que l'on attend d'un système de santé !
Enfin, vous dites tout haut ce que peu de responsables politiques ont assumé : la création des GHT avait essentiellement pour but la réalisation d'économies. Or vous indiquez que les effets escomptés ne sont pas au rendez-vous. Bien sûr, toute dépense doit être justifiée, mais, en matière de santé, ce ne doit pas être la seule boussole, au risque d'alourdir davantage les dépenses par la suite.
Je reviens sur le chapitre 11 de votre rapport, qui porte sur le réseau des Urssaf. Vous y soulignez l'élargissement continu de leurs missions, en pointant du doigt un certain nombre de chantiers inaboutis, notamment l'extension du périmètre de la collecte. Aujourd'hui, les Urssaf assurent le recouvrement de 75 % des prélèvements sociaux obligatoires, la loi de financement pour 2020 ayant prévu d'étendre ce champ.
Dans le cadre de la prochaine réforme de la santé au travail, la députée Charlotte Lecocq préconise une fusion de la cotisation nationale accidents du travail avec les cotisations services de santé au travail, les Urssaf étant alors chargées du recouvrement de cette cotisation unique. Avec Pascale Gruny, nous avons eu des échanges sur ce sujet avec le secrétaire d'État chargé de la santé au travail et avons relayé auprès de lui les réserves de la commission des affaires sociales du Sénat. Quelle est votre position ?
Ma question porte sur la fraude à l'assurance maladie - je ne parle pas de la fraude sociale. En septembre dernier, dans un rapport sur ces questions, vous estimiez son montant à 230 millions d'euros. Il s'agit essentiellement d'actes médicaux et paramédicaux surcotés ou mal cotés, de séjours dans les établissements, de prestations fictives, de surfacturations. Il semblerait qu'il y ait assez peu de contrôles. Je rappelle que la Caisse nationale d'allocations familiales contrôle un allocataire sur vingt. Que préconisez-vous ?
Mme la sénatrice Laurence Cohen soulève des questions d'ordre politique auxquelles il ne nous appartient pas de répondre ; nous ne sommes ni l'exécutif ni le législatif. Cela étant, il faut partir des besoins. La Cour ne s'attarde pas sur le Ségur de la santé ; elle est consciente qu'il faut moderniser notre système de santé, consciente de ses insuffisances, et notre rapport n'encourage pas à une « casse » sociale une fois la crise sanitaire passée. Nous ne nions pas les problèmes structurels et les besoins à satisfaire, et notre rôle est de veiller à ce que ces besoins soient satisfaits au meilleur coût. À défaut, la dette sera un butoir au financement des services publics, nous laissant devant le choix entre un modèle américain libéral ou une diminution du panier de soins à travers des déremboursements massifs.
Il existe sans doute des marges à exploiter. Le volume des dépenses de santé est supérieur en France à ce qu'il est dans d'autres pays européens. Ces dernières années, on a plutôt cherché à maîtriser les coûts, notamment en revenant sur les rentes de situation. Il faut aller vers des mesures structurelles, tout en préservant la qualité des soins, en renforçant la solidarité et en gérant mieux les organismes de sécurité sociale.
Vous avez évoqué la question, légitime, des niches et des exonérations. Elles se montent désormais à 108 milliards d'euros. Nous pouvons les évaluer. Ensuite, il appartient aux responsables politiques de décider.
Pour résumer mon message, je dirai qu'il faut non pas nier les besoins, mais les satisfaire au meilleur coût. Un euro consacré au remboursement de la dette est un euro en moins pour l'hôpital, la justice, la sécurité, l'éducation, etc.
La part socialisée de nos dépenses de santé est supérieure à 75 %, tandis que le reste à charge pour les ménages est de 5 %, taux le plus faible d'Europe.
Notre rapport, et c'est sa fonction, préconise le retour à une maîtrise raisonnable de la dépense, mais il y a d'autres dimensions que nous ne saurions nier.
S'agissant de la fraude à l'assurance maladie, le rapport publié en septembre dernier l'évalue en effet à 230 millions d'euros. La CNAM ne procède à aucune évaluation, et pourtant il faut bien contrôler, prévenir et sanctionner. Ce sont les recommandations que nous formulons.
Enfin, nous préconisons l'élargissement des missions des Urssaf avec absorption de la collecte Agirc-Arrco. Nous souhaitons aller vers un réseau social de collecte unique.
Madame Jasmin, en 2021 nous travaillerons beaucoup sur la prévention. Nous réaliserons deux contributions importantes, portant l'une sur la prévention en santé publique, à la demande du Comité d'évaluation et de contrôle des politiques publiques (CEC) de l'Assemblée nationale - mais nous sommes à votre disposition pour une audition sur ce sujet -, l'autre sur l'évaluation de la prévention de la dépendance, sujet majeur que nous avons déjà évoqué avec M. Bernard Bonne. Il serait intéressant de croiser nos regards.
Sur l'éventuelle dépendance des établissements hospitaliers à l'égard de leurs fournisseurs, les démarches engagées notamment au travers du programme Phare (Performance hospitalière pour des achats responsables), qui se déploie depuis huit ans dans l'ensemble des hôpitaux, sont de nature à mutualiser les achats et à permettre aux établissements engagés dans des groupements ou dans une mutualisation de contourner ces difficultés que vous soulignez à juste titre. Ils obtiennent ainsi, dans de très nombreux cas, des conditions financières beaucoup plus favorables.
Le programme Phare a permis de dégager plus d'un milliard d'euros d'économies. Si certaines économies sur notre système de santé sont douloureuses - comme un déremboursement, une hausse de ticket modérateur ou de franchise -, il est bon d'améliorer la productivité sur les achats grâce à la mutualisation ; c'est autant de plus pour la prise en charge des patients.
S'agissant de la façon dont les systèmes d'information facilitent ou entravent le déploiement des GHT, il y a très peu de démarches de ce type au niveau des GHT. Les anciens systèmes d'information se maintiennent, adossés à chaque établissement membre du GHT, et échangent relativement peu entre eux. C'est un sujet compliqué. Au titre des 6 milliards d'euros d'investissements annoncés, un effort particulier est prévu pour le numérique en santé et pour les systèmes d'information à l'hôpital, très en retard. Depuis peu, tout patient hospitalisé dans un établissement de l'Assistance publique-hôpitaux de Paris détient un numéro d'identification unique. Auparavant, il devait refaire son immatriculation à chaque entrée dans un nouvel établissement. L'hôpital est très en retard au regard de ces lourds enjeux, mais il pourra bénéficier de moyens complémentaires.
Je vous remercie. Nous allons voter l'autorisation de publier de l'enquête de la Cour des comptes, avec un avant-propos d'Alain Milon, notre rapporteur.
La commission autorise la publication de l'enquête de la Cour des comptes.
Ce point de l'ordre du jour a fait l'objet d'une captation vidéo qui est disponible en ligne sur le site du Sénat.
La réunion est close à 12 h 25.