Monsieur Milon, la liberté fondée sur l'expérience autorise une parole redoutable, mais précieuse...
Nous entrons dans une période nouvelle qui implique un changement de paradigme. À la suite de la crise financière de 2008, les règles ont été durcies ; or le régime de finances publiques que nous allons connaître n'aura rien à voir avec ce que nous avons connu jusqu'alors. Nous ne retrouverons pas, au moins avant plusieurs années, un niveau de dette publique et un niveau de déficit comparables à ce qu'ils étaient avant la crise. Le projet de loi de finances pour 2021 prévoit un taux de déficit de 5,7 % ! Pour faire face à la crise, des dépenses massives ont été engagées, au niveau national et au niveau européen. Dans le débat public, on a besoin d'une institution comme la nôtre qui permette à tous les citoyens d'étayer leur jugement sur les services publics. Je souhaite que la Cour évalue davantage les politiques publiques et accompagne davantage la décision publique. J'ai d'ailleurs lancé un chantier de réflexion sur les juridictions financières.
La Cour n'est pas l'ennemie de la dépense publique ; mais elle a à coeur d'intégrer deux notions dans sa réflexion. D'une part, la soutenabilité de la dette : on ne peut pas financer durablement à crédit une économie ou un système social. Pensons à notre jeunesse, qui aura à rembourser cette dette. D'autre part, la qualité de la dépense publique : est-elle efficace, pertinente ?
S'agissant des recettes, elles n'entrent pas tout à fait dans le champ de compétence de la Cour des comptes, mais plutôt dans celui du Conseil des prélèvements obligatoires, qui publiera la semaine prochaine un rapport sur la fiscalité des entreprises.
Les choix doivent être collectifs et le débat public est ouvert. La Cour y prendra toute sa part, sans faire preuve de rigidité, mais sans renoncer à sa raison d'être, à savoir veiller à la bonne utilisation de l'argent public. Plus on dépense, mieux on doit dépenser : c'est une exigence de nos concitoyens.