Monsieur le sénateur Sueur, comme Jean-Marie Delarue et Adeline Hazan, je m'interroge : à quoi bon construire de nouvelles places de prison quand on n'est pas capable de rendre dignes celles qui existent ? Cette surpopulation n'est pas viable. C'est ce qui a amené Adeline Hazan à promouvoir un système de régulation carcérale. Imaginez ce que peut être le métier de surveillant quand vous avez sous votre garde 110 détenus, dont plus de 30 % souffrent de graves pathologies mentales. Ces conditions souvent indignes ne sont pas humaines.
La solution de facilité, c'est d'ouvrir de nouvelles places. Ensemble, le législateur et le Contrôle général, n'est-il pas possible de définir des mécanismes de régulation ? Je pense par exemple à la ferme de Moyembrie, qui accueille des détenus en fin de peine, au bracelet électronique, à ce qu'on appelait autrefois les arrêts domiciliaires, c'est-à-dire la prison à la maison. Une loi avait été votée en ce sens, mais il faudrait aller plus loin.
Après avoir connu une diminution, la population carcérale recommence à augmenter assez fortement. C'est pourquoi il faut essayer toutes les alternatives possibles. Une agence du travail d'intérêt général et de l'insertion professionnelle a même été créée, qui nous aurait été bien utile à l'époque où j'étais éducatrice.
En outre, les partenariats public-privé coûtent très cher, et quand l'État devient enfin propriétaire des lieux, ceux-ci sont tellement dégradés qu'il faut tout reconstruire.
S'agissant des décisions du Conseil constitutionnel, de la Cour européenne des droits de l'homme et de la Cour de cassation sur la dignité humaine en détention, si vous me faites l'honneur de confirmer cette proposition de nomination à ces fonctions, je mettrai à votre disposition les nombreuses ressources documentaires du Contrôle général. Par ailleurs, et fort logiquement, après les personnes en détention provisoire, tous les détenus pourront demander au juge judiciaire d'être libérés en raison des conditions indignes de celle-ci. Cela doit aller de pair avec la diminution de la population carcérale.
Mme Di Folco m'interroge sur les recommandations qui restent sans suite. Si je suis nommée à ces fonctions, je n'ai pas l'intention de diriger une autorité qui servirait d'alibi à la République. Adeline Hazan trouvait cela inacceptable, Jean-Marie Delarue s'est emporté à de nombreuses reprises à ce sujet. À un moment, il faut passer à la vitesse supérieure. En tout cas, je ne me priverai pas d'alerter la presse et de vous demander de l'aide pour que ces recommandations soient suivies d'effet.
Madame Benbassa, la situation que vous décrivez au centre pénitentiaire de Bourg-en-Bresse est terrible : ce qui devait arriver est arrivé. Si je suis nommée à ces fonctions, je m'y rendrai.
S'agissant des centres de rétention, Adeline Hazan a parlé à leur sujet d'univers carcéral : on y menotte les gens alors qu'ils n'ont pas commis de délit, et que la nourriture y soit immonde n'a rien d'étonnant. Leur situation doit être améliorée.
Comme M. Leconte, je m'interroge : qui est placé en centre de rétention administrative (CRA) et pourquoi ? Je ne dispose pas d'informations fiables sur le sujet. C'est d'autant plus étonnant que pratiquement personne ne peut quitter la France compte tenu de la situation sanitaire. J'ai écrit des articles à ce sujet : peut-être vaudrait-il mieux consacrer plus d'argent à l'amélioration de ces lieux, qui coûtent très cher.
Concernant le budget, si je suis nommée, nous nous débrouillerons. Ce n'est sans doute pas le meilleur moment pour demander une augmentation du budget, mais il paraît qu'il faut toujours le faire, faute de quoi on n'obtient rien ! Adeline Hazan avait demandé un ou deux contrôleurs supplémentaires ; je ferai de même si je suis nommée.
Je souhaite également hâter la publication des rapports après chaque visite, car, lorsque la publication est trop tardive, le rapport risque d'être déconnecté de la réalité.
Je rends hommage au Canard enchaîné, car j'ai appris au sein de ce journal qui ne dépend de personne ce qu'est la vraie indépendance. Cela me brise coeur de penser que je vais le quitter si j'ai la chance d'être nommée.
L'articulation avec le Défenseur des droits se fera naturellement, car nos missions se recoupent. J'espère que nous pourrons travailler en symbiose.
La décision du Conseil d'État sur les masques est incompréhensible. Il vous reviendra peut-être de voter une loi sur un besoin primaire tel que celui de masques. Cette décision a pour effet d'obliger les détenus à cantiner leurs masques.
La surpopulation n'a jamais cessé dans les maisons d'arrêt. L'administration pénitentiaire est mon ancienne maison, et en tant que journaliste, je n'ai jamais voulu l'attaquer, car elle ne peut pas afficher complet. Comme le personnel pénitentiaire, elle subit les conditions de détention.
La dégradation mentale que l'on observe depuis le début du confinement est très préoccupante, mais c'est un élément d'un tout que le Contrôle général ne pourra pas réformer à lui seul. Quand des enfants ne sont pas placés chez les bonnes personnes, qu'ils sont enlevés trop tard ou trop brutalement à leurs parents, cela crée des troubles. Les hôpitaux psychiatriques n'ont pas assez de lits. Le personnel s'use, comme dans les prisons, car il est usant de se sentir impuissant au travail. J'ai éprouvé ce sentiment d'impuissance quand j'étais éducatrice.