Intervention de Philippe Mauguin

Commission des affaires économiques — Réunion du 14 octobre 2020 à 9h00
Audition en application de l'article 13 de la constitution de M. Philippe Mauguin candidat proposé aux fonctions de président de l'institut national de recherche pour l'agriculture l'alimentation et l'environnement et vote

Philippe Mauguin, candidat proposé aux fonctions de président de l'Institut national de recherche pour l'agriculture, l'alimentation et l'environnement :

Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, je suis très honoré d'être devant vous pour solliciter votre soutien. Mme la présidente a très bien tracé le cadre de mon intervention. J'évoquerai tout d'abord le bilan de mes années passées à la tête de l'Inra, puis les grandes orientations que je propose pour les années à venir.

Pour la période 2016-2020, j'avais proposé des priorités que j'ai essayé de déployer avec l'ensemble de la communauté de travail de l'Inra.

Premièrement, conforter la qualité et la visibilité scientifiques de l'Institut. Pendant cette période, l'Inrae est resté au premier plan de la recherche mondiale : le nombre des publications a progressé de 25 % et celles réalisées avec des auteurs étrangers représentent près de 60 % du total. Nous avons renouvelé l'animation scientifique interne et les défis de recherche pour favoriser l'interdisciplinarité.

Deuxièmement, renforcer et renouveler l'innovation. Nous avons fixé des domaines prioritaires, nous avons soutenu des instituts Carnot, qui sont des lieux privilégiés pour les relations entre la recherche publique et les entreprises, et nous avons mis en place des outils pour accélérer le transfert des résultats de la recherche vers les agriculteurs, en particulier en matière de pesticides, de protéines végétales et de changement climatique. Nous avons aussi développé nos partenariats avec les PME et suscité la création de start-up - onze ont récemment vu le jour.

Troisièmement, développer les partenariats avec l'enseignement supérieur - il s'agit à la fois des écoles d'agronomie et vétérinaires et des universités. L'Institut travaille ainsi sur trente sites universitaires et d'écoles.

Quatrièmement, déployer une stratégie internationale plus visible et ambitieuse. L'Inra avait un rayonnement international, mais il ne disposait pas véritablement d'outils forts dans ce domaine. Au niveau européen, nous avons renforcé notre présence dans le programme-cadre de recherche et les financements communautaires de nos laboratoires ont augmenté de 15 %. Hors Union européenne, nous avons multiplié les associations avec des laboratoires étrangers ; nous sommes dorénavant associés à 17 laboratoires contre 3 auparavant, notamment dans de grands pays (États-Unis, Chine, Inde, Brésil, Argentine, Australie...).

Cinquièmement, développer des partenariats avec d'autres organismes et instituts techniques - cette priorité fera la transition avec le rapprochement qui a eu lieu avec l'Irstea.

L'Inra et l'Irstea étaient deux établissements sous tutelle des ministères de l'agriculture et de la recherche travaillant dans le secteur de l'agriculture, dont les missions étaient complémentaires. Il n'existait pas vraiment de chevauchements, mais il était possible de faire mieux. Par exemple, l'Irstea était excellent sur les agroéquipements, les pulvérisateurs ou les capteurs ; l'Inra l'était sur l'agronomie, la génétique ou la résistance aux maladies. Nos forces étaient également complémentaires sur l'eau et la forêt. Mais il existait finalement peu de synergies et de partenariats.

Nous avons donc engagé, en 2016, une réflexion scientifique sur un éventuel rapprochement et nous avons décidé d'avancer. Il faut dire que la France n'avait jamais fusionné deux organismes de recherche de cette taille. Nous n'avions pas pour but de faire des économies de bout de chandelle, mais de répondre encore mieux aux défis contemporains du développement durable. Nos deux maisons se sont mobilisées à tous les niveaux, elles ont engagé un travail commun assis sur le dialogue social et scientifique ; la fusion est effective depuis le 1er janvier 2020 et je pense qu'elle est réussie.

Aujourd'hui, le nouvel établissement est encore plus visible : au niveau mondial, nous sommes classés parmi les quatre ou cinq premiers organismes de recherche en agriculture et alimentation et au dixième rang en matière d'environnement. Nous sommes de fait le premier organisme de recherche spécialisé en matière d'agriculture, d'alimentation et d'environnement.

Ce résultat est évidemment une fierté, mais c'est aussi une responsabilité, et l'objectif de ma candidature est de transformer l'essai. Ainsi, nous devons déployer notre stratégie de recherche dans le cadre du périmètre du nouvel institut, pas seulement additionner les deux stratégies précédentes. Nous devons répondre aux attentes de notre société et conforter la communauté de recherche, en particulier dans le contexte actuel du covid-19. Je salue d'ailleurs la mobilisation des équipes, alors même que l'épidémie est apparue quelques semaines après la fusion. Près de 80 % des agents ont basculé en télétravail, en maintenant les activités scientifiques, et la reprise de nos activités est progressive depuis le mois de mai.

Les priorités pour mon nouveau mandat, si vous m'accordez votre confiance, s'orientent autour de quatre grandes orientations.

Premièrement, concevoir et déployer une stratégie de recherche ambitieuse. Pour cela, nous avons déjà engagé des travaux, ainsi qu'une concertation auprès de l'ensemble des agents pour que chacun puisse participer à l'élaboration des choix collectifs. Cinq grands défis scientifiques ont déjà émergé.

Il nous faut d'abord répondre aux grands changements globaux, que ce soit le dérèglement climatique ou la crise de la biodiversité, ce qui inclut les impacts de ces phénomènes sur l'agriculture, l'alimentation et la forêt et les risques naturels dans les territoires - l'Irstea avait une compétence forte en matière de prévention des inondations, de feux de forêt ou d'avalanche et nous ne l'oublierons pas. Nous devrons traduire les scénarios climatiques du GIEC en scénarios de transition pour notre agriculture et nos forêts. Nous devons rassembler nos forces sur la base de ces scénarios qui sont scientifiquement établis. Nous avons commencé ce travail, très fécond, avec le secteur viticole et nous devons le généraliser à l'ensemble des secteurs agricoles.

Deuxième grand défi scientifique, l'accélération de la transition agroécologique, en tenant compte de la compétitivité des filières et des revenus des acteurs. J'insiste d'ailleurs sur ce point : si nous n'intégrons pas d'éléments socio-économiques dans la transition, elle restera au niveau de projet. Nous devons donc changer d'échelle et réfléchir à la manière de passer de quelques milliers d'agriculteurs qui se sont engagés dans la transition agroécologique à plusieurs centaines de milliers. Les questions de recherche constituent l'un des éléments de ce changement d'échelle et, pour réussir, nous devons embarquer toutes les filières et les systèmes alimentaires de manière globale. Nous devons être capables d'aligner les attentes des consommateurs et les besoins des agriculteurs. Cette transition ne concerne pas seulement les filières végétales, mais aussi l'élevage. Nous avons besoin d'élevage - nous ne ferons pas d'agriculture durable sans élevage -, mais les filières doivent évoluer dans le sens du bien-être animal, d'une meilleure autonomie protéique, etc. C'est pourquoi, de la même manière que nous travaillons sur les alternatives aux phytosanitaires, nous étudions des alternatives aux antibiotiques.

Troisième défi, penser la bioéconomie de façon circulaire et durable. En effet, nous allons connaître des tensions croissantes sur des ressources naturelles - le carbone, l'azote, le phosphore et l'eau - qui sont critiques au niveau mondial. Nous devons donc imaginer des filières bioéconomiques adaptées. On parle souvent du défi de nourrir dix milliards d'habitants à l'horizon 2050, alors que les sols sont dégradés et en tension, mais nous ne devons pas oublier le défi de décarboner l'économie, c'est-à-dire se passer du carbone issu de la pétrochimie. Il y aura donc une compétition entre les usages. Le cycle de l'eau est l'un des points critiques du développement durable des prochaines années et nos compétences nous permettent désormais de suivre l'ensemble de ce cycle - économiser l'irrigation, diminuer les pertes liées à l'évapotranspiration, améliorer la réutilisation des eaux usées. Gérer au mieux la ressource en eau est un enjeu majeur.

Quatrième défi, favoriser une approche globale de la santé. La pandémie qui affecte actuellement la planète a remis au premier plan l'importance des zoonoses et les risques de transmission de maladies des animaux aux humains - d'ailleurs, il a été montré que la baisse de la biodiversité pouvait accélérer de tels phénomènes. Nous devons donc développer une approche plus globale de la santé à l'échelle des écosystèmes et améliorer la détection précoce des nouveaux risques. Nos équipes sont très bien positionnées sur ces sujets, mais nous devrons travailler avec d'autres organismes - je pense notamment à l'Inserm, au Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement (Cirad) et à l'Institut de recherche pour le développement (IRD).

Le lien entre santé globale et agriculture ne se limite pas à la prévention des crises sanitaires. Il passe aussi par la nutrition préventive. On connaît de mieux en mieux le rôle de l'alimentation sur notre santé, notamment grâce à d'excellentes recherches menées au sein de l'Inrae, par exemple sur la compréhension du rôle du microbiote et de son lien avec la santé. Nous devons donc aller vers ce qu'on pourrait appeler une nutrition préventive. Il s'agit de concevoir des régimes alimentaires qui sont à la fois sains pour l'homme et durables, en prenant en compte, dans la conception des aliments et des régimes alimentaires, l'impact sur la santé et sur l'environnement.

Cinquième et dernier défi, le numérique et l'intelligence artificielle. Il s'agit d'ailleurs d'un défi scientifique transversal qui concerne toute la recherche mondiale. Je m'efforcerai de mobiliser le numérique au mieux, au service de toutes ces transitions. L'intelligence artificielle aidera à traiter les masses de données énormes qui arrivent dans nos laboratoires, mais aussi chez les agriculteurs : données climatiques, données liées aux bio-agresseurs ou au pilotage fin des systèmes de production... Nous devons investir ce champ, y compris au profit du secteur des agroéquipements, stratégique pour la réussite de la transition agroécologique.

Je souhaite aussi poursuivre, dans les prochaines années, le travail engagé par l'Inrae sur les partenariats avec l'enseignement supérieur, en France comme au niveau mondial. En France, nous pouvons franchir un nouveau cap. La loi de programmation de la recherche doit nous donner une meilleure visibilité, pluriannuelle, sur nos moyens. Dès lors, nous pourrons programmer des investissements stratégiques avec les universités et les écoles, ce qu'on ne faisait pas vraiment jusqu'à présent. Quelle stratégie de recrutement des chercheurs et des enseignants-chercheurs à dix ans pour anticiper les départs et favoriser les nouvelles compétences ? Quels investissements dans les équipements stratégiques de recherche qui doivent être partagés ?

En ce qui concerne la stratégie internationale, nous continuerons à conforter notre réseau de partenariats. Nous souhaitons aussi, avec humilité et détermination, mettre en place une alliance mondiale de la recherche pour l'agriculture, l'alimentation et l'environnement avec nos grands homologues des différents continents - Europe, Amérique du Nord, Amérique latine, Asie, Afrique - pour essayer de partager au moins une programmation des grands sujets de recherche. De tels lieux de coordination manquent actuellement, même s'il existe des lieux de rencontre.

Il y a aussi un nouveau virage que l'Inrae doit prendre, qui est de s'investir en Afrique. Traditionnellement, l'Inrae représentait la recherche pour les pays du Nord et le Cirad et l'IRD s'occupaient de la recherche pour les pays du Sud. Pour autant, certains sujets, comme la séquestration du carbone dans les sols, la lutte contre le dérèglement climatique ou la question de l'alimentation, sont transversaux. Avec le Cirad, nous avons décidé de travailler encore davantage ensemble, en proposant un programme de recherche ambitieux pour la transition des agricultures en Afrique. C'est une priorité de la politique de développement française, comme vous le savez. Nous ferons donc des propositions prochainement dans ce domaine.

Troisième orientation, l'innovation, encore et toujours ! Nous souhaitons notamment développer de nouvelles approches dans les territoires. Certains d'entre vous connaissent les territoires d'innovation. L'Inrae est le premier organisme de recherche français impliqué dans ces projets. L'appel d'offres a été lancé par le Premier ministre, et 24 projets ont été retenus dans tous les secteurs. Sept de ces projets associent l'Inrae et touchent les grands sujets qui vous préoccupent : alternatives aux phytosanitaires, bien-être animal dans les filières d'élevage, forêt... Nous aurons autour de la table, dès la conception du projet, l'ensemble des acteurs, et non les seuls chercheurs. Ceux-ci seront mis en interaction avec les entreprises, avec les collectivités locales, bref avec toutes les parties prenantes. Je pense que cela produira des résultats intéressants.

Nous allons aussi accentuer notre engagement sur la création de start-up. Nous venons de remporter un label de la French Tech et nous pilotons le consortium Agri'Eau, qui va favoriser le développement des start-up dans ce qu'on appelle les Food Tech. Nous nous engagerons davantage dans l'expertise et l'appui aux politiques publiques. Beaucoup de questions traitées par l'Inrae, en effet, sont à l'interface entre la science et les politiques publiques. L'une de nos directions leur sera consacrée. Tout en garantissant l'indépendance des chercheurs, nous essayons de favoriser l'interface entre les questions que la société pose et les données issues de la science, ce qui est un travail compliqué, qui diffère de l'activité normale et naturelle de recherche.

La quatrième et dernière orientation concerne la cohésion du nouvel établissement. Je propose de lancer une démarche mobilisatrice en matière de responsabilité sociétale et environnementale. Nous avons déjà beaucoup oeuvré ces dernières années dans le domaine de la qualité de vie au travail, de la lutte contre les discriminations ou pour l'égalité des chances et la diversité. Nous sommes le premier organisme de recherche français à avoir été labellisé en la matière - c'était début 2020. Nous devons passer encore une étape, en intégrant la responsabilité environnementale, ce qui fait l'objet d'une forte attente dans notre communauté de travail : réduire l'impact carbone des activités de recherche, c'est possible, et les agents, pour la plupart d'entre eux, ont envie de s'y engager.

L'Inrae est une chance pour notre pays, pour notre agriculture, pour notre secteur alimentaire, pour notre forêt. C'est une chance aussi, plus globalement, pour nos concitoyens. Je souhaite accompagner le déploiement et l'épanouissement de ce nouvel établissement dans les prochaines années avec une exigence de qualité scientifique qui est la base de la crédibilité et une exigence sur l'impact et l'utilité des travaux au service de la société.

Sur la question des néonicotinoïdes, je rappelle que nous avons eu un hiver 2020 exceptionnellement doux, notamment au mois de mars, avec de forts vents de sud, ce qui a occasionné des infestations de pucerons porteurs de virose sur les betteraves, en tout cas dans la partie méridionale de la zone de production. L'impact a été très significatif, ce qui a conduit le Gouvernement à proposer ce projet de loi portant dérogation à la loi sur la biodiversité. J'ai entendu dire beaucoup de choses, et notamment mettre en cause la recherche. Par esprit de transparence, et pour défendre le travail des chercheurs, aussi bien dans le secteur public que privé, je souhaite remettre un certain nombre de choses au clair. L'Inrae a été l'un des premiers organismes de recherche au monde à faire des publications sur l'impact des néonicotinoïdes sur les pollinisateurs. C'était avant qu'il y ait des lois en France sur le sujet. D'ailleurs, c'est sur la base des travaux de l'Inrae que les premières décisions ont été prises pour instaurer un moratoire sur l'utilisation des néonicotinoïdes sur les plantes oléoprotéagineuses. Nous avions discuté avec la profession et il y avait des éléments avérés qui ont conduit à cette suspension.

Pendant ce temps-là, les chercheurs de l'Inrae ont travaillé sur des alternatives. Je rappelle que l'Inrae est le premier organisme qui a publié, au niveau international, sur les viroses dans les betteraves, contribuant ainsi à la connaissance de la maladie et à la caractérisation des quatre virus impliqués. Nos chercheurs, avec ceux de l'Institut technique de la betterave, ont lancé le programme AKER, avant même les débats parlementaires, pour redonner de la diversité génétique à la betterave. Nous avons récemment rendu publics ses résultats dans un livre que je vous ai apporté. Ce programme a permis de mettre au point plus de 3 000 lignées de betteraves avec une diversité génétique qu'on n'avait jamais connue. Ces lignées comportent des variétés qui présentent des résistances.

Malheureusement, la jaunisse de la betterave est une maladie complexe qui implique quatre virus différents. Certaines lignées sont résistantes à l'un d'entre eux, voire à deux, mais nous n'avons pas encore toute la panoplie. Des recherches ont aussi été menées sur des pistes de réponse en termes de biocontrôle ou d'agronomie. Bref, la recherche n'a pas été inactive. En 2016, la loi est votée, pour application en 2018. Elle prévoit d'envisager des alternatives chimiques. Les chercheurs continuent à travailler, mais pas dans une urgence absolue. Malheureusement, comme il arrive souvent pour les alternatives aux phytosanitaires, des résistances se sont développées, avec des contournements des produits homologués. Nous nous en sommes assez rapidement rendu compte.

La première année sans néonicotinoïdes, le contexte climatique n'ayant pas été trop défavorable, les traitements par les molécules homologuées ont suffi et personne ne s'est ému. C'est cet hiver exceptionnel qui, tout d'un coup, sonne le branle-bas de combat. Mais, je le répète, beaucoup de travail a été fait, ce qui va nous permettre, grâce au plan recherche et innovation, de trouver des solutions.

Pourquoi allons-nous parvenir à trouver en trois ans des solutions qui n'ont pas été trouvées à un niveau opérationnel jusqu'à présent ? Comme je l'ai dit au ministre de l'agriculture, M. Julien Denormandie, avec le président de l'Institut technique de la betterave, M. Alexandre Quillet, nous n'avons pas la prétention de trouver en trois ans un équivalent, à 100 %, aux néonicotinoïdes. Mais nos chercheurs sont convaincus qu'ils vont progresser de façon significative. L'enjeu, en fait, est de réduire le risque à un niveau acceptable pour la filière betterave-sucre. Le risque de perte de récolte ne doit plus être, en cas d'hiver exceptionnel, supérieur à 40 %. Si nous le ramenons dans une marge plus raisonnable de 15 %, nous aurons fait le travail. Pour cela, nous allons accélérer le phénotypage de toutes les lignées que nous avons mises au point et rebalayer tout le catalogue des variétés de betteraves déjà homologuées qui n'étaient pas forcément sélectionnées à l'époque sur le critère de la résistance au virus, puisqu'il y avait les néonicotinoïdes. Je pense qu'en deux ans nous aurons identifié un certain nombre de variétés qui auront un meilleur profil de résistance.

Le deuxième axe sera de travailler sur l'écologie chimique et le biocontrôle. Il s'agit d'utiliser, y compris en co-culture, le fait que les plantes peuvent émettre des molécules répulsives pour les insectes. Nous avons des pistes intéressantes. On a signalé des expérimentations d'agriculteurs - nous travaillons aussi en direct avec eux - qui, en semant de l'avoine, ont observé une absence d'infestation des pucerons dans leurs champs et, après avoir récolté l'avoine, les ont vu revenir. Nous allons donc examiner toute une série de plantes en fonction de leur production de molécules pour chercher celles qui sont répulsives. Il semble aussi que des enfouissements de graminées ou de certaines cultures pouvaient aboutir à ce que la dégradation du sol émette des molécules ayant un impact sur les pucerons, comme la loline. Nous avons déjà des projets avec certaines entreprises sur ce point.

Enfin, la question des régulateurs naturels des pucerons est posée. Nous allons travailler, avec l'Institut technique de la betterave, à faire non des mosaïques paysagères, mais des alternances de bandes fleuries, utiles pour que les abeilles, qui sont des insectes opportunistes, aillent de préférence y butiner au lieu d'aller chercher des résidus de néonicotinoïdes au sol. Il convient aussi de favoriser le retour des régulateurs biologiques. Bref, il faut trouver un équilibre entre l'écologique et l'économique, qui soit soutenable pour les betteraviers.

Pour les expérimentations que nous allons conduire à l'Institut technique de la betterave, nous avons prévu de mobiliser jusqu'à 1 000 hectares de champs de betteraves pilotés par des agriculteurs. En tout cas, c'est en mobilisant une combinaison de solutions - des variétés plus résistantes, des solutions de biocontrôle, de l'agronomie et le retour des régulateurs biologiques - que nous allons ramener le risque à un niveau soutenable et acceptable.

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