Intervention de Gérard Larcher

Réunion du 13 octobre 2020 à 14h30
Hommage à christian poncelet ancien président du sénat

Photo de Gérard LarcherGérard Larcher, président :

Monsieur le ministre, mes chers collègues, chers anciens collègues présents en tribunes, c’est avec tristesse et émotion que nous avons appris la disparition, le 11 septembre dernier, de Christian Poncelet, qui fut sénateur des Vosges de 1977 à 2014 et président du Sénat pendant une décennie, de 1998 à 2008.

Avec plusieurs collègues et vous-même, monsieur le ministre, nous étions présents à ses obsèques, le 18 septembre en l’abbatiale Saint-Pierre de Remiremont. Je lui ai rendu, au nom du Sénat, un premier hommage lors de cette émouvante cérémonie d’adieu à laquelle assistaient de très nombreux habitants de Remiremont et des Vosges, ainsi bien sûr que de nombreuses personnalités politiques.

J’ai salué la mémoire d’un homme de devoir qui portait le gaullisme au plus profond de son engagement. Un homme dont le parcours continuera de marquer le Sénat, le département des Vosges et la commune de Remiremont.

Quel destin que celui de Christian Poncelet ! Un destin républicain, car la République ouvre tous les champs du possible à ceux qui, par la puissance de leur travail et la force de leur caractère, se mettent au service de leurs concitoyens.

Son père, qu’il perdit très tôt, était mécanicien agricole, et sa mère dut élever seule cinq garçons, auxquels elle transmit le goût du travail et de l’effort. Son grand-père, ancien combattant de la Grande Guerre, lui inculqua le patriotisme, cet amour de la France qui ne le quitta plus.

Sa vie fut synonyme de volonté et de courage. Christian Poncelet s’inscrivit à des cours du soir pour acquérir sa qualification de contrôleur aux Postes, télégraphes et téléphones. Il devint agent de la fonction publique et fut promu technicien dans un central téléphonique à Paris.

Animé de convictions chrétiennes, Christian Poncelet ressentit très tôt l’envie de mettre son esprit, ses forces et son cœur au service des autres. Il s’engagea au sein de la Confédération française des travailleurs chrétiens, la CFTC, et ce combat lui ouvrit les portes de la politique.

Sa rencontre avec Pierre Mendès France joua un rôle déterminant dans son initiation en politique. Ce fut en effet, ainsi qu’il l’a expliqué plus tard, la personnalité qui le marqua le plus après le général de Gaulle.

Dès 1958, Christian Poncelet milita au sein de l’Union démocratique du travail, l’UDT, aux côtés de René Capitant, d’Yves Guéna, de Léo Hamon. Leur ambition était alors d’associer justice et efficacité, ordre républicain et mouvement social.

Christian Poncelet s’engagea en faveur de l’élection du Président de la République au suffrage universel. Il se présenta à la députation en 1962, il laboura le terrain sans relâche, il sillonna sa circonscription des Vosges, sans cesse à l’écoute des maires.

Âgé de 34 ans, il devint alors l’un des 233 élus de l’UNR à l’Assemblée nationale. Ce fut le début d’une longue carrière politique au cours de laquelle il ne perdit jamais une seule élection.

Les élections cantonales de 1963, puis municipales de 1965, confirmèrent son ancrage territorial dans ce département qu’il aimait tant. Un ancrage qu’il devait à son épouse Yvette, originaire de Saulxures-sur-Moselotte.

À partir de 1972, Christian Poncelet enchaîna les secrétariats d’État. Au sein du gouvernement de Pierre Messmer, il fut secrétaire d’État aux affaires sociales, puis au travail et à l’emploi. Il défendit alors la dimension sociale de l’entreprise, il souhaita faire reculer les accidents du travail, il relança aussi l’idée de la participation. Il devint ensuite secrétaire d’État chargé de la fonction publique.

Après le décès du président Pompidou, il fut appelé au budget auprès de Jean-Pierre Fourcade dans le gouvernement de Jacques Chirac. Il fut le dernier ministre chargé du budget à avoir présenté un budget en équilibre !

En 1976, il devint président du conseil général des Vosges et appela tous les élus à s’associer à lui, sans esprit partisan. Ce département, il ne cessa de l’incarner. Il fut l’un de ses plus brillants et déterminés ambassadeurs.

La diversification de l’économie vosgienne à la suite de la crise de l’industrie textile, l’équipement général du département et de ses communes, ainsi que le désenclavement des Vosges, avec l’arrivée du TGV jusqu’à Remiremont et Saint-Dié et la modernisation du réseau routier transvosgien, portent la marque profonde de son action.

En 1977, il devint secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement. Mais sa résolution était prise : il souhaitait devenir sénateur des Vosges.

Très largement élu, il intégra la commission des finances. Le gaulliste qu’il était siégea au sein du groupe du Rassemblement pour la République, aux côtés de Maurice Schumann et de Charles Pasqua.

Au cours de ses premières années de mandat sénatorial, il s’illustra comme rapporteur d’une commission d’enquête sur les difficultés de l’industrie textile, puis d’une mission d’information sur la politique de décentralisation. Il paracheva son ancrage territorial dans les Vosges en étant élu maire de Remiremont en 1983.

Trois ans plus tard, il devint président de la commission des finances du Sénat. Il prôna une réduction des déficits, refusa l’augmentation des prélèvements obligatoires et proposa un contre-budget au Gouvernement. Il fut sans cesse à l’écoute de ses collègues de la majorité comme de l’opposition.

Au printemps 1998, Christian Poncelet commença sa campagne en vue de la présidence du Sénat. Il se voulut rassembleur et déclina ainsi son slogan : « une présidence modeste au service d’un Sénat ambitieux ». Il fut élu. Le Sénat s’enorgueillit alors d’avoir à sa tête un homme aux origines modestes, ancré dans cette terre des Vosges.

Dans l’exercice de ses fonctions de président du Sénat, Christian Poncelet ne cessa de défendre le bicamérisme comme condition de la démocratie.

Dès son arrivée, il appela les sénateurs à partir ensemble à la reconquête de l’opinion. Une reconquête qui passait, selon lui, par une attitude responsable lors du vote des lois : « Il faut résister à la tentation du toujours non ou du toujours oui. »

Il plaça la décentralisation, « facteur de libération des initiatives et des énergies locales », au cœur des débats. Il déclarait : « Il faut donner aux collectivités locales les instruments d’une véritable autonomie, leur conférer de nouvelles compétences, leur reconnaître un pouvoir réglementaire et consacrer leur autonomie fiscale. » Ce propos est toujours parfaitement d’actualité !

Sous l’impulsion de Christian Poncelet, la révision constitutionnelle de 2003 permit que les projets de loi « ayant pour principal objet l’organisation des collectivités territoriales » soient soumis en premier lieu au Sénat.

La Haute Assemblée devint, plus encore, une chambre du contrôle, un véritable contre-pouvoir, une assemblée en prise avec de grands sujets de société qui sont encore d’actualité : les retraites, l’insécurité, la fiscalité ; un Sénat capable de développer ses propres capacités d’expertise, de resserrer ses liens avec les collectivités locales et de s’adapter au projet européen. Christian Poncelet s’attacha à accentuer le suivi sénatorial de la construction européenne en créant notre antenne à Bruxelles et l’association des Sénats d’Europe.

Il avait une prédilection pour la diplomatie parlementaire, qu’il tenait pour « un canal de représentation des peuples au plan international ». Il promut le bicamérisme, notamment grâce à l’organisation d’un Forum des Sénats du monde.

Longtemps président du groupe interparlementaire d’amitié France-Vietnam – pays dont il se disait « passionné depuis toujours » –, il fut un défenseur inlassable du développement des échanges franco-vietnamiens. Il fut également soucieux du rapprochement de la France avec les pays du Caucase.

La présidence de Christian Poncelet fut aussi marquée par des efforts, couronnés de succès, pour mieux faire connaître notre institution. Au-delà d’actions de communication fortes, comme le lancement de la chaîne parlementaire Public Sénat, cette politique d’ouverture s’orienta tout particulièrement vers le monde des entreprises et la mise en place de stages d’immersion en entreprises destinés aux sénateurs. Elle se traduisit également par une politique culturelle, à travers le renouveau du Musée du Luxembourg ou l’organisation d’expositions sur les grilles du jardin.

Christian Poncelet organisa, le 14 juillet 2000, les États généraux des élus locaux, réplique de la Fête de la fédération rassemblant à midi 13 000 maires dans le jardin du Luxembourg : cette journée fut, à mes yeux, un moment de « béatitude républicaine ». Le 7 mars 2005, il réunit les États généraux de la démocratie locale et de la parité, un sujet sur lequel il s’était engagé.

En 2003, Christian Poncelet fut élu à l’Académie des sciences morales et politiques. Les symboles qu’il choisit pour orner son épée d’académicien résument presque à eux seuls ce qui a marqué son existence : le sanglier des Ardennes, manifestant sa passion pour la chasse comme son enracinement dans son département d’origine, la mirabelle de Lorraine et la croix de Lorraine, fidélité gaulliste oblige.

Pour l’évoquer, ses amis parlent d’un homme de consensus, d’un homme de dossiers, d’un homme de cœur, travailleur et exigeant.

Nous garderons de Christian Poncelet le souvenir d’un grand président du Sénat, d’un grand serviteur de l’État, d’un grand parlementaire, d’un élu de proximité profondément attaché à son département des Vosges et à sa commune de Remiremont, et aussi d’un humaniste, d’une personnalité d’une grande simplicité, agréable dans ses relations avec autrui.

En ce moment de recueillement et de mémoire, je souhaite renouveler à ses filles, Laurence et Danielle, à ses petits-enfants, à ses arrière-petits-enfants, ainsi qu’à toutes celles et tous ceux qui l’ont accompagné tout au long de sa vie, les condoléances sincères de l’ensemble des sénatrices et des sénateurs de la République. J’ai naturellement une pensée pour son épouse, qui nous a quittés il y a plus d’un an.

Christian Poncelet restera présent dans nos mémoires au Sénat.

La parole est à M. le ministre délégué.

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