Intervention de Jacqueline Eustache-Brinio

Réunion du 14 octobre 2020 à 15h00
Code de la sécurité intérieure — Discussion générale

Photo de Jacqueline Eustache-BrinioJacqueline Eustache-Brinio :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, comme le rappelait le garde des sceaux, ministre de la justice, au mois de juillet dernier, à l’occasion de nos débats sur la proposition de loi instaurant des mesures de sûreté à l’encontre des auteurs d’infractions terroristes à l’issue de leur peine, dont j’étais rapporteure, les chiffres sont connus et ils sont inquiétants : 260 personnes sont actuellement détenues après une condamnation pour une infraction terroriste en lien avec la mouvance islamiste. Outre ces détenus condamnés, 252 personnes sont en détention provisoire après mise en examen pour des faits de terrorisme. Elles seront jugées dans les mois ou années à venir : 49 procès devraient se dérouler d’ici à 2021.

Parmi les condamnés – n’oublions pas ces chiffres –, 31 seront libérés en 2020, 62 en 2021, 50 en 2022, après avoir exécuté leur peine.

J’aimerais attirer votre attention sur ce point, mes chers collègues : nous faisons face à un phénomène qui était jusqu’à présent inconnu, et dont il est encore très difficile de prendre la pleine mesure.

Pourquoi, alors, tarder encore, comme le suggère le Gouvernement, en se bornant à proroger des dispositions dont notre mission sénatoriale de contrôle et de suivi de la mise en œuvre de la loi SILT a dit toute la pertinence et l’efficacité en février dernier ?

Pourquoi attendre un nouveau projet de loi, alors que le texte que nous examinons aujourd’hui tient déjà compte des « évolutions induites par les besoins opérationnels », pour reprendre les termes employés en conseil des ministres le 17 juin 2020 ?

Notre rapporteur l’a préconisé, et nous l’avons suivi en commission : les quatre dispositions de la loi SILT doivent être pérennisées, et non seulement prolongées !

Bien sûr, il existe un point d’équilibre entre sécurité et liberté, vers lequel nous devons tendre en permanence.

Mais ne détournons pas le regard : notre obligation première est celle d’assurer la sécurité des Français. Si nous ne nous donnons pas les moyens de protéger nos concitoyens, nous aurons en effet beau jeu de leur dire que nous faisons tout notre possible pour garantir leur liberté.

L’une des dernières études du Centre d’analyse du terrorisme communiquée au Sénat atteste une fois de plus la gravité de cette question. Elle révèle en effet que le taux de récidive des djihadistes se situe, selon les situations, au-delà de 50 % : il est souvent probable qu’un islamiste engagé dans une action violente se maintienne dans cette mouvance et récidive.

Mes chers collègues, nous avons pris du retard. La lourde censure par le Conseil constitutionnel de la loi instaurant des mesures de sûreté à l’encontre des auteurs d’infractions terroristes à l’issue de leur peine, que nous déplorons – nous avions pourtant apporté à ce texte un certain nombre de garanties –, nous oblige aujourd’hui à faire preuve de pragmatisme.

« Pragmatisme » : j’emploie ce mot à juste titre. Sur d’autres travées, certains nous reprochent parfois de poursuivre une quête illusoire de sécurité absolue, au détriment d’autres libertés. Il n’en est rien. En effet, mes chers collègues, sans sécurité, l’exercice de nos libertés fondamentales est-il possible ?

Aussi est-il urgent que nous dotions notre arsenal législatif de suivi des auteurs d’actes terroristes de toutes les mesures qui ont d’ores et déjà démontré leur caractère opérationnel.

Pour conclure, je tiens à remercier notre rapporteur, cher Marc-Philippe Daubresse, de la qualité de son travail.

Pour l’ensemble des raisons que j’ai évoquées, le groupe Les Républicains votera ce projet de loi tel qu’amendé par la commission des lois.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion