Intervention de Gérald Darmanin

Réunion du 14 octobre 2020 à 15h00
Code de la sécurité intérieure — Article 2

Gérald Darmanin :

L’avis défavorable que je m’apprête à émettre ne surprendra pas les défenseurs de ces amendements.

Je voudrais quand même répondre sur le fond, puisque la question m’a été posée, et même si vous avez déjà eu ce débat – mais comme il s’agit de sujets extrêmement importants, il m’appartient de vous répondre en quelques mots, monsieur le sénateur Gay.

Le premier argument est celui de M. le rapporteur – je l’ai moi-même déjà évoqué : nous aurons ce débat, ainsi que d’autres débats de fond relatifs au renseignement, l’année prochaine. Il s’agit – telle est la position du Gouvernement – de prolonger les expérimentations de la loi SILT pour qu’un débat serein puisse avoir lieu entre les deux assemblées.

Deuxième argument : il existe une délégation parlementaire au renseignement. J’ai déjà eu l’occasion de dire que les sujets qui sont ici en question, en particulier les sujets qui relèvent du « confidentiel défense », font évidemment l’objet d’un contrôle du Parlement, par le vote de la loi d’abord, mais aussi par le travail de la délégation parlementaire au renseignement, délégation pluraliste qui – M. Cambon l’a indiqué – a toutes les informations et tous les rapports.

N’hésitez pas – je ne le dis pas pour produire un effet de tribune : c’est une délégation importante dont dispose votre assemblée pour contrôler l’action de l’exécutif – à vous tourner vers elle et à demander les éléments qui relèvent du contrôle parlementaire et qui sont publiables, dans un cadre certes particulier, que chacun comprend, qui est celui de la confidentialité.

Troisième argument : il ne m’appartient pas de préciser si des actions terroristes ont pu être arrêtées grâce aux algorithmes seuls ; ce que je peux vous dire, c’est qu’ils sont efficaces. Ils sont au nombre de trois. Peut-être les services eux-mêmes portent-ils des jugements différents sur chacun de ces trois algorithmes ; nous aurons de toute façon l’occasion de nous pencher sur cette question lorsque nous nous retrouverons pour débattre de la pérennisation d’un certain nombre de dispositifs algorithmiques.

Je voudrais, à ce propos, souligner deux choses.

Premièrement, ces algorithmes permettent quand même de lever des doutes et ainsi, aussi, de protéger les libertés individuelles. Savoir si telle personne est en contact avec telle autre, possède telle information ou doit récupérer tel objet – nous pourrons peut-être en dire plus si vous vous adressez à la délégation au renseignement –, c’est lever des doutes, et c’est aussi, du même coup, s’exempter de faire du travail de renseignement sur des personnes à propos desquelles l’utilisation des techniques de renseignement proprement dites n’est manifestement pas justifiée.

Si je puis me permettre, monsieur le sénateur Gay, votre argument des libertés publiques est ainsi renversé : ces outils permettent précisément d’éviter d’avoir recours à des techniques de renseignement pourtant autorisées par la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement et par le Premier ministre, parce que nous savons très bien, grâce à ces outils, que ces personnes ne sauraient relever de chefs d’accusation tels que celui de complicité de terrorisme.

Deuxièmement, en définitive, selon votre argumentation, l’État serait le seul à ne pas pouvoir utiliser les algorithmes. Les Gafam, dans votre téléphone, les utilisent…

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