Je veux, madame la rapporteure, rendre hommage à votre travail très complet sur ces questions.
Effectivement, le Gouvernement propose, dans le projet de loi d'accélération et de simplification de l'action publique (ASAP), la suppression de la Commission scientifique nationale des collections. Cette commission, qui avait été créée dans le cadre d'une loi procédant à une restitution - celle des têtes maories -, n'est, en réalité, pas compétente dans ce domaine, comme l'a d'ailleurs précisé son président, M. Jacques Sallois, dans un rapport de 2015. Elle n'est compétente qu'en matière de déclassement, procédure qui ne peut être engagée qu'en cas de perte d'intérêt public d'un bien. Or les oeuvres qui font l'objet de restitutions ont, par nature, un intérêt esthétique et historique majeur. Il s'ensuit que la suppression de la CSNC n'a aucune incidence sur les restitutions et donc sur le projet de loi qui vous est soumis.
Par ailleurs, dans la perspective de la commission mixte paritaire sur le projet de loi ASAP, le Sénat a proposé le remplacement de la CSNC par une nouvelle procédure de déclassement des biens conservés dans les collections patrimoniales, en en confiant la compétence au Haut Conseil des musées de France pour les collections muséales. J'y suis tout à fait favorable.
La CSNC ne répondait pas à votre préoccupation qu'un travail scientifique de spécialistes accompagne l'examen des demandes de restitution. D'autres pays, qui ont un droit patrimonial complètement différent du nôtre, ont pu envisager la mise en place d'une commission sur le sujet. Ce n'est pas le choix du Gouvernement, qui privilégie l'étude au cas par cas et le passage par le débat parlementaire. Nous estimons que seul le dialogue politique direct du pouvoir exécutif et du pouvoir législatif, éclairé par une analyse scientifique, historique, diplomatique, peut permettre de déterminer si la restitution doit ou non avoir lieu. C'est la voie que nous privilégions avec ce projet de loi.
Chaque demande de restitution est un cas particulier. Chaque objet a une histoire particulière, qu'il convient d'étudier pour donner une réponse adéquate. Il va de soi que les demandes de restitution sont étudiées avec beaucoup d'attention au plan scientifique. Nous associons les établissements muséaux concernés, leurs équipes de conservateurs et de chercheurs. En l'espèce, les responsables scientifiques des collections du musée du Quai Branly-Jacques Chirac et du musée de l'Armée ont été consultés.
La création d'une commission impliquerait que celle-ci se prononce sur la base de critères. Nous considérons que l'édiction de critères constituerait un carcan et qu'elle serait illusoire au regard de la diversité d'histoires et de cas. Les raisons qui peuvent amener à restituer une oeuvre sont d'ordre historique ou éthique. Elles découlent de l'histoire de chaque cas. Elles ne peuvent faire l'objet d'un texte général, et une commission ne saurait être compétente pour statuer sur tous les cas.
Le rapport Sarr-Savoy a suscité la polémique. Nous l'avons intégré à la réflexion que nous avons menée, au même titre que d'autres éléments de réflexion, portés notamment par les professionnels du patrimoine et des musées et par des échanges avec nos partenaires africains. Toutefois, ce rapport a eu le mérite de permettre que l'opinion publique prenne conscience du sujet. Il était sans doute nécessaire, mais je répète que, s'il a contribué à notre orientation, il ne pouvait constituer l'alpha et l'oméga de notre réflexion.
Vous m'avez interrogée sur les moyens que le ministère de la culture met en oeuvre pour la recherche de provenance dans les musées. Nous avons renforcé notre action pour fédérer les scientifiques autour des indispensables recherches de provenance des collections. Il convient de contextualiser les oeuvres exposées, de porter leur histoire à la connaissance du public. Cette mobilisation prend la forme de différentes actions. Ainsi, des journées d'étude sont organisées sur les collections extra-occidentales, à destination des professionnels des musées de France, pour partager les bonnes pratiques et les connaissances et définir des projets communs. A aussi été lancé, à la fin du mois de septembre dernier, un séminaire de recherche intitulé « Parcours d'objets », organisé par la direction générale des patrimoines et l'Institut national d'histoire de l'art pour étudier de manière approfondie le cas d'objets de tous les continents issus de collections françaises et européennes.
Enfin, je veux préciser que les deux établissements concernés par le projet de loi ont également renforcé leurs équipes pour assurer cette recherche sur l'histoire des collections. Au musée du Quai Branly-Jacques Chirac, des bourses de recherche dédiées ont été créées et un poste de recherche de provenance vient d'être pourvu, sur l'initiative du président du musée, Emmanuel Kasarhérou. De même, au musée de l'Armée, la recherche de provenance fait l'objet d'une attention particulière et de moyens renforcés. Ainsi, deux des établissements les plus concernés par le sujet montrent l'exemple, en renforçant leur action et en proposant leur accompagnement, aux côtés de mon ministère, aux musées français qui en ont besoin. Nous avons là deux centres de ressources et deux pôles d'animation qui ont vocation à diffuser leurs connaissances sur l'ensemble des établissements français qui détiennent des collections extra-européennes.