Vous m'interrogez sur l'évolution des missions du Hcéres et sur la manière dont il va les assumer. Des réticences ? Le champ du Hcéres n'a cessé de s'étendre et en réalité, sur le fond, il a été de plus en plus accepté : il évalue aujourd'hui des établissements de santé et de culture, et d'autres ministères lui demandent de procéder à cette extension, ce qui l'amène à étendre le champ de ses compétences, mais le surcharge.
Du point de vue de l'évalué, la rigueur dans les procédures est terrible, qui fait qu'il y a un comité d'évaluation pour chaque unité de recherche, pour chaque ensemble de formation et pour chaque établissement. Ainsi, à Aix-Marseille Université, près de 200 comités d'évaluation ont eu lieu. C'est un temps fou et une énergie considérable qui y sont consacrés. Comment faire ? Des sondages, des échantillonnages, pour changer la granulométrie, effectivement, doivent être expérimentés. Il faut discuter avec les établissements, essayer des choses, pour ne pas renoncer au triptyque établissements-recherche-formation. Nous pouvons aussi faire davantage interagir les établissements dans la structure du Hcéres, sans, du coup, soulever chaque pierre pour voir ce qu'il y a dessous. On peut procéder parfois plus globalement, parfois à plus petite échelle ou par échantillonnage. La question de l'accumulation fait penser à la nouvelle de Borges, où la carte est aussi grande que l'empire...
Oui, il y a la question de l'acquisition des données, qui concerne autant le ministère que le Hcéres. C'est aussi une question de tuyauterie, et de compatibilité de différents systèmes d'information. Il y a toujours eu des difficultés avec les systèmes d'information et la remontée de données. Pour les traiter, l'idée que vous avancez est bonne - encore faudra-t-il la mettre en oeuvre de manière efficace et rapide.
Nous avons besoin de savoir des choses sur le devenir des étudiants, sur leur circulation entre les territoires, sur l'ouverture sociale, mais il ne faut pas s'imaginer que le Hcéres peut se transformer en un algorithme. S'il réclame du budget pour accroître ses ressources humaines, c'est parce qu'il procède à des évaluations collégiales. J'ai vu fonctionner d'autres systèmes, et je pense qu'il faut maintenir cet aspect. Les données ont leur importance, mais elles ne sont pas seules à compter : il n'y a pas que le nombre de publications, ou de citations, il faut un jugement interprétatif par les pairs.
Sur les territoires, je dois confesser une évolution personnelle. J'ai été élevé au moment où l'on ne pensait que métropolisation et concentration des moyens de recherche sur quelques grands centres. Je continue à penser qu'il faut constituer de grands champions internationaux, et nous avons fait de grands progrès sur ce point. Lyon, Toulouse sont des métropoles qui doivent avoir une empreinte internationale, et nous devons les aider à structurer leur offre universitaire. À cette époque, l'abomination de la désolation, c'était l'antenne d'Institut universitaire technologique dont on savait qu'on aurait du mal à la faire vivre. J'ai beaucoup évolué, et j'ai compris qu'il y a aussi une question d'offre sur le territoire, en particulier pour l'offre de premier cycle et professionnalisante. On doit pouvoir poser cette question et trouver un équilibre avec des métropoles où se concentrent les moyens de la recherche internationale, mais qui peuvent irriguer des territoires. Certaines universités de taille moyenne sont ancrées dans leur territoire et ont une production de qualité. Une des missions du Hcéres est de développer une vision à la fois plus claire de l'offre et des circulations, tout en appréciant la qualité des ensembles de taille moyenne ou petite.