J'ai été membre du conseil administration du Hcéres de 2015 à 2018. J'y représentais le Sénat, et le Hcéres était alors présidé par Michel Cosnard, qui avait été nommé par François Hollande. Un consensus s'était mis en place, car je n'avais pas entendu la communauté scientifique s'émouvoir de sa nomination. Le site internet du Hcéres précisait qu'il était à l'abri de toute pression des autorités gouvernementales.
Je souhaite distinguer l'homme, le scientifique que vous êtes, que nous respectons tous, vu votre parcours d'excellence, qui vous honore et honore la République et son école, et le problème posé par vos fonctions antérieures. Vous avez été conseiller pour l'éducation, l'enseignement supérieur, la recherche et l'innovation à l'Élysée. À ce titre, vous avez reçu différents candidats à ce poste, sans qu'aucun ne vous plaise. Vous avez été très investi dans un colloque, organisé en septembre, par le Hcéres et intitulé « Bilan et perspectives de l'évaluation de l'ESPI : 2015-2025 » : vous l'avez ouvert, et la ministre de l'enseignement supérieur l'a fermé. J'ai cru comprendre alors que vous n'étiez pas intéressé pour venir prendre la tête du Hcéres, et que vous souhaitiez rester à l'Élysée. Nombre de personnalités étrangères participaient à ce colloque...
Je vois une grande difficulté dans le fait que vous étiez dans un rôle de conseil. Le Conseil de déontologie de l'enseignement supérieur, présidé par Bernard Stirn, en a fait état le 29 mai dernier, en parlant d'une procédure « avec une apparence de conflit d'intérêt ». Maintenir un appel à candidature avec cette apparence de conflit d'intérêts semblait étrange. Aussi, à l'issue d'une nouvelle procédure de sélection et de votre audition par un comité de sélection dont un des membres n'est autre que la Secrétaire générale du Gouvernement, le Président de la République propose donc votre candidature. Cette façon de gérer est extrêmement surprenante et choquante.
Nous ne vous remettons pas en question personnellement, monsieur Coulhon. Mais n'oublions pas que nous nous adressons à des personnalités de l'enseignement supérieur et de la recherche, qui ont une grande capacité d'analyse, et une grande capacité à s'émouvoir à travers les courriels qu'ils ont pu nous envoyer... Pour beaucoup d'entre eux, il y a un vrai problème de déontologie car, après que vous ayez jugé et donné des avis sur des candidats, c'est votre candidature qui est proposée par le Président de la République.
On pose la question du vice de forme, mais le vice de forme a été écarté, dans la mesure où la ministre a relancé une procédure d'appel à candidatures, ce qui était important. Nous nous interrogeons sur l'année où la présidence a été vacante, ce qui a posé problème pour différents types de vote de textes ou de procédure de nomination de directeurs - et il y a un vrai problème au niveau de la Secrétaire générale du Hcéres, dont le mandat n'a pas été prolongé, alors qu'il aurait été intéressant de tuiler les choses, pour préserver l'indépendance et éviter la mise sous tutelle d'un ministère. En tous cas, le Hcéres a été bloqué, pour les remboursements, pour les collaborateurs, pour l'étranger, etc.
C'est bien le rôle du Président de la République que de procéder à des nominations, mais il y a une façon de le faire.
Sur ce dispositif qui a mal fonctionné, j'ai plusieurs questions à vous poser. D'abord, pourquoi n'avez-vous pas déclaré votre candidature plus tôt ? Cela aurait posé moins de problèmes. Il n'y a pas d'obstacles déontologiques ou juridiques à ce que quelqu'un qui occupe une fonction auprès du chef de l'État soit nommé - si les procédures avaient été respectées. Mais votre éventuelle nomination pose un certain nombre de problèmes aux enseignants-chercheurs. Vous avez été auditionné par une commission qui était composée de personnalités soumises à l'autorité indirecte du conseiller du Président de la République - fonction que vous avez, au passage, et de façon surprenante, conservée lors de ce processus de nomination.
Comment pensez-vous garantir l'autonomie du Hcéres pour qu'il ne devienne pas un simple service du ministère de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation, et peut-être aussi l'antichambre de l'Élysée ? Quelle conception de la liberté académique entendez-vous défendre au cours de votre éventuel mandat ? Quelle est votre conception de l'évaluation, et de notations qui pourraient impacter les financements ? Mettre des notes, c'est apporter des comparaisons, alors que le Hcéres travaillait souvent par vagues, par régions, avec des modalités particulières.
Vous avez bien fait de citer l'OFIS, tant la confiance entre les communautés de recherche et entre celle-ci et la société est mise à mal aujourd'hui. Aussi est-il nécessaire que cette nomination se fasse dans une grande transparence. C'est là toute la difficulté de notre exercice.