Merci pour ces questions centrales, qui me donnent l'occasion d'éclaircir à la fois ma candidature et le positionnement du Hcéres vis-à-vis des autres institutions.
Madame Robert, vous me posez trois questions. Suis-je qualifié pour occuper ces fonctions ? C'est à vous d'en juger et, au-delà de mon parcours, vous pouvez juger ma réputation d'homme impartial, ou intègre, à l'aune d'une carrière assez longue pour qu'on sache, au-delà de ceux qui écrivent sans me connaître, ce que pense la communauté scientifique dans son ensemble de ce que j'ai fait, ou pas fait, et des positionnements que j'ai pu adopter. La deuxième question est celle de l'indépendance de l'institution. C'est la loi qui l'assure, et son positionnement institutionnel. Lorsque j'ai été président d'université, j'étais responsable devant mon conseil d'université. Lorsque j'ai été conseiller du Président de la République, c'est à lui que je devais loyauté. Le président du Hcéres, c'est au Parlement qu'il rend compte. La loi le protège.
Au-delà de ces considérations, il y a une question d'éthique et de pratique. Dans la réalité, dans la vraie vie en tant que conseiller à l'Élysée, il m'est arrivé d'appeler le président du Hcéres pour prendre des nouvelles, par courtoisie ; mais jamais nous n'avons parlé du fond, cela ne se fait pas ! Le président du Hcéres rencontre aussi parfois la ministre, sans qu'on puisse imaginer la moindre intervention sur le fond - tout simplement parce que le président du Hcéres ne procède pas lui-même aux évaluations, pas plus que les membres du collège : l'évaluation est effectuée par des experts, français ou étrangers, l'institution ne fait que la réguler, et l'assumer. Bien sûr, la question de l'intégrité de la personne se pose. Mais l'indépendance de l'institution, c'est la configuration institutionnelle qui l'assure. Les hommes ne sont pas au-dessus des tentations, ni des rapports de pouvoir. Mais l'intérêt de tous, c'est simplement que le Hcéres prenne une photo exacte. Personne n'a intérêt à manipuler le Hcéres.
Vous soulevez enfin une question de déontologie liée à cette nomination, et vous avez raison de le faire. Je n'ai pas déclaré ma candidature plus tôt tout simplement parce que je n'étais pas candidat. Au moment où j'ai ouvert ce colloque, je ne pensais pas être candidat. La LPR avait commencé son trajet parlementaire, mais je considérais que ma mission auprès du Président de la République n'était pas terminée. Il se trouve que la procédure d'ensemble se limitait à une nomination par le Président de la République, sur proposition de la ministre chargée de l'enseignement supérieur et de la recherche - procédure minimale, mais qui existe pour d'autres postes - avec audition par les deux commissions du Parlement. On peut être élu, on peut être nommé, il y a une dignité à être élu, il y a une dignité à être nommé... Cette procédure ne porte en elle aucun vice, mais elle est incomplète : elle n'était pas assez cadrée. Dans un grand pays scientifique, pour des fonctions de cet ordre, il est bon, il est sain d'avoir un comité de sélection et un appel d'offres ouvert.
Je ne suis pas responsable de la manière dont le processus a été mené à partir d'un certain moment et l'épidémie a allongé les délais. Ce processus sera désormais cadré par la loi, avec appel d'offres et comité de sélection. Le comité de sélection a auditionné quatre candidats. Il était constitué par la Secrétaire générale du gouvernement, un membre de l'Académie des sciences reconnu pour son intégrité et son indépendance, la présidente de l'université de Paris, le directeur général délégué à la science du CNRS, et la présidente de l'Université McGill au Canada. Ces personnalités ne me doivent rien et ne me devront rien, puisqu'elles sont au sommet ou à la fin de leur carrière, et que leur intégrité et leur réputation sont telles qu'elles constituent un comité de sélection digne.
Il y a eu une phase préliminaire où je n'étais pas candidat - un processus informel où les conseillers de l'Élysée et de Matignon reçoivent les candidats par courtoisie. Leur opinion est ensuite sollicitée. J'en avais une positive de deux candidats, mais la décision ne me revenait pas. La ministre n'a finalement pas retenu leur candidature. Cela n'a pas empêché l'une de ces deux personnes de participer aux appels à candidatures.
À la fin novembre 2019, compte tenu de la situation, j'ai décidé d'être candidat. Je m'intéressais à l'évaluation depuis plusieurs années. J'ai donc entrepris la rédaction d'un projet. Le Comité de déontologie a certes exprimé des hésitations, mais il a estimé que rien ne disqualifiait la candidature d'un conseiller du Président de la République. Après ce processus qui peut paraître a posteriori quelque peu chaotique, on peut estimer qu'une procédure plus saine a été mise en place.
Madame Robert, monsieur Ouzoulias, je souhaite rejoindre cette instance collégiale pour deux raisons. D'abord, j'ai occupé alternativement, dans ma carrière, des fonctions de conseiller et des postes de terrain. À ce stade, je désire revenir à une forme d'action plus directe. Ensuite, j'apprécie l'animation de collectifs.
Monsieur Ouzoulias, le Conseil national des universités, les organismes d'évaluation du CNRS et de l'Inserm, les organisations syndicales et les étudiants désignent des représentants au collège du Hcéres. Je ne suis pas maître de ces nominations, ni de celles de personnalités qualifiées désignées par la ministre. Ce mode de désignation apporte des garanties.
Il existe en effet un problème de confiance avec la communauté scientifique. Un moyen de le traiter est justement ce collège qui doit se réunir et s'exprimer. Je suis tout à fait désireux d'animer un tel collectif.
L'OFIS doit être préservé. On peut imaginer, un jour, qu'il existe de manière indépendante. Il faut incuber cette entité, la mettre en avant, lui donner des moyens humains. Peut-être serons-nous amenés, par la suite, à évoluer vers un autre modèle.
Sur la question de l'intégrité scientifique, nous avons connu des cas individuels douloureux, des polémiques qui ont inquiété les Français à juste titre. Ce n'est que le début du débat sur la question : comment administre-t-on la preuve, qu'est-ce que la vérité scientifique ? Les Français ont reçu, avec la crise, un cours d'épistémologie accéléré. Ils ont compris que la vérité scientifique naissait dans le débat.
En biologie, le résultat peut être déduit de données primaires, pourvu que celles-ci aient été conservées de manière appropriée et que l'on puisse y accéder. Mais a-t-on le droit de l'illustrer par des images simplifiées ? Où se trouve la limite ? Ces questions, qui représentent des enjeux considérables de pouvoir, d'argent et de confiance, ne peuvent être traitées que collégialement. C'est pourquoi, monsieur Ouzoulias, je partage votre opinion sur l'Office.
Concernant l'allocation des moyens, j'ai porté, dans mes fonctions précédentes, une position politique qui me semble généralement acceptée : il est naturel que l'État qui finance des politiques publiques dont les acteurs sont autonomes se pose la question du résultat. En tant que président du Hcéres, mon rôle consisterait à dresser des tableaux et à espérer que le ministère en tirerait des conséquences. Vous n'ignorez pas que le modèle SYMPA d'allocation des moyens a été abandonné, au profit de la contractualisation remise au goût du jour par la ministre. C'est un modèle vertueux qui permet d'écouter les projets territoriaux d'établissement dans leur spécificité. S'y ajoutent les moyens du programme d'investissements d'avenir (PIA) gérés par le Secrétariat général pour l'investissement (SGPI). Mais tout cela n'est pas l'affaire du Hcéres, dont le rôle est de fournir une aide à la décision. Je crois cependant qu'il serait utile que l'allocation des moyens soit en rapport avec la réalité de la vie scientifique et la qualité de ce qui est réalisé.
Je ne crois pas opportun de se lancer dans un exercice de comparaison permanente entre tous. Les contrats quinquennaux sont renégociés en cinq vagues successives. Nous sommes dans un système à la fois compétitif et coopératif ; chacun doit s'améliorer dans son identité propre plutôt que de s'engager dans une compétition de tous les instants.
L'État a longtemps été le principal pourvoyeur de ressources pour la recherche. Les régions et les métropoles ont pris un poids de plus en plus important, alors que les établissements prenaient de plus en plus de décisions autonomes. Les grands équilibres de gouvernance et de financement doivent probablement évoluer, ne serait-ce que pour constater la réalité des investissements des uns et des autres. Le Hcéres se met à la disposition des instances pour évaluer la pertinence du financement de tel ou tel équipement : c'est bien le moins.