Intervention de Bernard Buis

Réunion du 22 octobre 2020 à 14h30
Dotation d'équipement des territoires ruraux — Adoption d'une proposition de loi dans le texte de la commission modifié

Photo de Bernard BuisBernard Buis :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la gestion de la DETR vise à soutenir la réalisation d’investissements, ainsi que les projets dans les domaines économique, social, environnemental et touristique, ou encore ceux qui favorisent le développement ou le maintien des services publics en milieu rural. C’est un levier indispensable dans les projets soutenus par les élus, comme nous le mesurons lors de chacun de nos déplacements ou inaugurations dans les communes de nos départements.

Depuis 2011 et la création de cette dotation, les montants ouverts en loi de finances ont connu une augmentation très significative : entre 2011 et 2014, le montant ouvert était d’environ 616 millions d’euros ; en 2015 et en 2016, il a atteint 816 millions d’euros ; en 2017, il a été porté à 996 millions d’euros, puis à plus d’un milliard d’euros depuis 2018.

La DETR obéit aussi à une logique de décentralisation, et tant mieux. En effet, la décision d’attribuer les subventions relève du préfet de département, dans le cadre fixé à l’échelon de chaque département par une commission d’élus.

D’importantes avancées ont été récemment apportées dans le fonctionnement de la commission, afin de renforcer l’information des élus et la transparence des travaux. Depuis 2018 par exemple, les membres de la commission sont destinataires avant chaque réunion d’une note explicative de synthèse sur les affaires inscrites à l’ordre du jour, note également communiquée à l’ensemble des parlementaires du département, lesquels sont d’ailleurs membres de la commission depuis 2017.

L’objet de cette proposition de loi est de renforcer le rôle de la commission, de fluidifier et de compléter le niveau d’information des membres de la commission, et de faire en sorte qu’il y ait davantage de transparence entre les élus et le préfet.

Sur le principe, nous ne pouvons qu’en rejoindre l’esprit, mais, concrètement, ce texte pose quelques difficultés.

Ainsi, en termes de philosophie, avec cette proposition de loi, c’est-à-dire sous le sceau du législateur, le principe est de rigidifier davantage les règles fixées pour la DETR. Si des invraisemblances existent dans certains départements, cela peut très bien être clarifié par circulaires aux préfets, qui sont tenus de respecter les priorités définies dans les commissions départementales.

Dans le détail, l’article 1er du texte inscrit dans la loi que les communes et EPCI qui satisfont les conditions démographiques d’éligibilité à la DETR « ne peuvent se voir opposer aucun autre critère d’éligibilité à cette dotation. » Du coup, ne doit-on pas s’interroger sur le rôle et la légitimité de la commission ? L’impossibilité d’écarter tout type de projet qui ne serait pas défini collégialement dans cette instance pourrait être considérée comme une restriction des pouvoirs de la commission, et donc un retour en arrière quant au caractère décentralisé de ses compétences.

L’article 2 prévoyait initialement de transmettre la liste de toutes les opérations faisant l’objet d’une demande de subvention à la commission. Un problème se pose : il n’est pas certain que le maire soit très enthousiaste à l’idée de soumettre son projet à l’ensemble de la commission d’élus pour que soit souligné, le cas échéant, le manque d’aboutissement du dossier.

Ce caractère intrusif suscitait quelques interrogations. L’amendement présenté en commission par le rapporteur Bernard Delcros visait donc à limiter cette transmission aux dossiers complets et recevables, ce qui va dans le bon sens.

Toujours à l’article 2, il était question de saisir pour avis la commission de l’ensemble des projets, quel que soit leur montant. Cela paraissait infaisable et de nature à alourdir techniquement la procédure d’attribution.

L’abaissement du seuil de consultation à 80 000 euros va également dans le bon sens, mais il convient de veiller à ne pas engorger la commission. À l’heure de la simplification des normes, et comme c’est le cas avec le projet de loi d’accélération et de simplification de l’action publique, dit ASAP, adopté hier en commission mixte paritaire, il faut faire très attention à ne pas envoyer de signaux contradictoires.

Par ailleurs, l’article 2 institue une obligation pour le préfet de motiver des décisions d’acceptation et de refus. Là encore, c’est un bon outil de lisibilité de l’information pour la commission. Il est cependant important de souligner que, dans leur immense majorité, préfets et élus travaillent en bonne intelligence.

Pour les raisons invoquées, et même si nous comprenons l’objet de ce texte, qui vise à mettre fin à certaines incohérences locales, et donc à ce que les compétences soient mieux partagées entre la préfecture et la commission DETR, nous considérons que cette proposition de loi est trop coercitive et trop centralisatrice.

L’examen de cette dernière permet publiquement de témoigner des difficultés et interrogations qui se posent au cas par cas dans certaines commissions, et tel est le rôle du Sénat. Nous attendons donc du Gouvernement des réponses à ces difficultés, mais nous ne sommes pas certains que ces réponses soient de nature législative.

Le groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants a ainsi choisi de s’abstenir.

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