Intervention de Éric Dupond-Moretti

Réunion du 19 octobre 2020 à 17h00
Prééminence des lois de la république — Adoption d'une proposition de loi constitutionnelle dans le texte de la commission

Éric Dupond-Moretti :

Monsieur le président, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, il est des moments dans l’histoire d’un pays où, face à la barbarie, les voix se lèvent, les consciences se réveillent et le peuple se rassemble.

C’est un de ces moments que nous vivons aujourd’hui après l’effroyable assassinat de Samuel Paty, professeur d’histoire-géographie dans un collège de la République. Samuel Paty est mort pour avoir exercé sa mission de professeur. Il est mort d’avoir expliqué dans le cadre de l’enseignement moral et civique des classes de quatrième que la liberté d’expression ne va pas sans la liberté de déplaire et parfois de choquer. Il est mort d’avoir rappelé que, dans la France laïque, le respect des personnes n’exclut pas la critique des idées et des religions. Il est mort, héritier de Voltaire et des suppliciés défendus par cette grande figure des Lumières, d’avoir enseigné que, dans notre pays, la loi de la République prime la diversité des appartenances et prévaut sur tous les dogmes.

Nous lui avons rendu hommage avec émotion. Mais le plus bel hommage que nous pourrons lui rendre, une fois passé le temps de l’émotion et des larmes, sera d’être fidèle à ce que fut sa vocation et à ce qui doit être notre combat. Car, ne nous y trompons pas, M. Paty n’est pas mort par hasard : il a été ciblé avec soin comme figure de l’enseignement républicain que les islamistes, ces adversaires résolus de la démocratie, s’emploient depuis de très nombreuses années à affaiblir, à avilir et, aujourd’hui, à martyriser.

Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, c’est donc dans un contexte particulier de très vive émotion que nous sommes appelés à examiner aujourd’hui la proposition de loi constitutionnelle visant à garantir la prééminence des lois de la République.

La prééminence des lois de la République, mais qui peut être contre ? Cette finalité a, pour tous les républicains, la clarté de l’évidence. Néanmoins, cette évidence, on le sait, ne touchera jamais les forces haineuses de l’obscurantisme et la forme moderne qu’il prend aujourd’hui avec le visage de l’islamisme.

Je dis bien l’islamisme, mesdames, messieurs les sénateurs, car il faut nommer clairement les choses, ainsi que s’y est employé le Président de la République lors de son discours sur le séparatisme. J’aurais apprécié, pour ma part, que la proposition de loi soumise aujourd’hui à votre examen soit plus claire sur ce point, car l’on sait d’où vient le mal et où il plonge ses racines.

Le projet islamiste entremêlant le religieux et le politique est connu. C’est celui de l’instauration dans notre pays d’une contre-société où les valeurs de la République, l’esprit des Lumières, l’héritage de la Révolution française, en un mot le droit, la culture et l’esprit français devraient céder la place au fanatisme religieux, à l’inégalité des êtres et à l’oppression des individus. Ce projet islamiste est celui que, de toutes mes forces, avec vous, avec le Président de la République, avec le Gouvernement, je veux combattre au nom des convictions qui ont guidé toute ma vie.

La franchise que je vous dois et la responsabilité qui est la mienne aujourd’hui en qualité de garde des sceaux et du droit, ministre de la justice et des libertés, me conduisent cependant à vous dire que, si je partage la nécessité et l’urgence du combat à mener pour assurer la prééminence des lois de la République, je ne suis pas convaincu par la justesse, la rigueur juridique et l’utilité de la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui.

Je crois, pour y travailler en ce moment avec le ministre de l’intérieur, que le futur projet de loi de défense de la République contre le séparatisme et l’islamisme radical apportera une réponse plus appropriée, plus concrète et plus efficace au mal qui ronge notre société depuis de trop nombreuses années.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion