La révision de la Constitution est un exercice délicat et j’aurais souhaité des fondements plus assurés aux modifications que cette proposition de loi vise à introduire dans notre texte fondamental. J’entrevois aussi les difficultés, les ambiguïtés, les polémiques et les inquiétudes que ne manqueront pas de susciter certaines des dispositions proposées.
Le premier article de la proposition de loi tend à modifier l’article 1er de la Constitution pour interdire à toute personne de s’exonérer de la règle commune au nom de son origine ou de sa religion.
Le second article vise à modifier l’article 4 de la Constitution pour imposer aux partis politiques de respecter le principe de la laïcité.
Regardons, si vous le voulez bien, précisément, concrètement, la portée des modifications proposées. Il est prévu d’interdire à toute personne de s’exonérer au nom de sa religion ou de son origine du respect de « la règle commune ». Or qu’est-ce que la règle commune ? S’agit-il de la règle de droit ? S’agit-il des différents niveaux de normes ? S’agit-il de ce qu’il est convenu d’appeler le « droit souple », qui régit de plus en plus aujourd’hui le fonctionnement des organisations ?
Le Conseil constitutionnel a certes déjà utilisé cette expression dans sa décision du 19 novembre 2004 concernant le traité établissant une Constitution pour l’Europe, mais il faisait référence de manière très particulière aux seules règles communes régissant les relations entre collectivités publiques et particuliers. Étaient alors visées les règles de police administrative, notamment la police des cultes. Les auteurs de la proposition de loi prennent donc le risque de transformer un terme ayant une signification précise dans la décision de 2004 en une notion des plus vagues.
Il me semble que, depuis deux cent trente et un ans notre droit est clair et suffisant en vertu de l’article X de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen qui énonce, comme vous l’avez rappelé monsieur le questeur Philippe Bas, que « nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l’ordre public établi par la loi ». Ce juste équilibre, c’est au quotidien ce qu’il nous appartient de le faire vivre, en particulier en assurant de la manière la plus vigoureuse la protection de l’ordre public.
Trop imprécise dans ses termes, la proposition de loi me paraît également beaucoup trop approximative dans ses objectifs, au risque de porter une atteinte disproportionnée à la liberté de conscience ou de remettre en cause, en courant le danger de les rendre inconstitutionnelles, des législations bien établies.
Voulez-vous en particulier, en interdisant toute exonération des règles communes, mettre fin au régime concordataire d’Alsace-Moselle ?