Intervention de Bruno Retailleau

Réunion du 19 octobre 2020 à 17h00
Prééminence des lois de la république — Adoption d'une proposition de loi constitutionnelle dans le texte de la commission

Photo de Bruno RetailleauBruno Retailleau :

N’est-ce pas là aussi un indice profondément inquiétant ? Nous sommes en train de perdre, mes chers collègues, cette bataille, parce que nous ne croyons pas suffisamment en nos valeurs, en ce que nous sommes.

Alors, certes, nous avons, cher Claude Malhuret, depuis trop longtemps, accumulé trop de lâchetés. Mais c’est parce que nous refusons de livrer une guerre qui doit être un combat global contre le djihadisme violent ! Il faut s’occuper non pas des revenants, monsieur le garde des sceaux, mais des sortants. Que fait-on de la prison qui est devenue, selon Hugo Micheron, un chercheur remarquable, « l’ENA du djihadisme » ? Un autre front est ouvert, celui des enclaves territoriales. Sur ce point aussi, j’espère que le texte qui nous est promis par le Président de la République sera à la hauteur.

Et puis il y a l’espace symbolique des esprits, sans tomber dans le piège ni de l’islamophobie ni de la guerre mémorielle, qui conduit à la « disqualification radicale de la France », pour reprendre l’expression de Pierre Nora, et qui alimente tous ceux qui ont pour la France une haine inextinguible.

Si nous voulons reprendre la main sur la situation, il faudra contrôler l’immigration massive. Le tueur de Villeurbanne était afghan ; l’homme au hachoir devant les anciens locaux de Charlie Hebdo était un faux mineur pakistanais ; celui qui a décapité Samuel Paty était un réfugié tchétchène. Le lien est désormais établi entre l’immigration massive, la difficulté d’assimiler nos valeurs républicaines et la montée des communautarismes, qui est le véritable terreau de l’islamisme.

Notre texte tombe – je le crois – à point. Je voudrais simplement dire, avec toute la sincérité dont nous sommes capables dans cet hémicycle, que ce combat n’est pas partisan. Je me sens plus proche de Jean-Pierre Chevènement, de Manuel Valls et de bien d’autres représentants de la gauche républicaine que de certains membres de ma famille politique.

Que prévoit le texte ? Son article 1er précise ce que doit être la laïcité dans une période de confusion, de brouillage des repères et de revendications identitaires et islamistes. Il explicite la définition de la laïcité, non pas celle que l’on connaît avec la loi de 1905, dirigée vers l’État, mais celle qui s’adresse à chaque citoyen, qui ne peut évoquer ni son origine ni sa religion pour s’exonérer du respect de la règle commune.

Voilà quelle est la règle ! Elle vaut d’être rappelée au sommet de la hiérarchie de nos normes non seulement pour adresser un signal clair aux magistrats, mais également pour donner, comme le disait Philippe Bas, aux principaux de collèges, aux proviseurs, aux chefs d’entreprise, aux dirigeants d’associations, une boussole indispensable à leur vie quotidienne.

L’article 4 de la Constitution est relatif aux partis politiques, lesquels doivent respecter la démocratie et la souveraineté : le texte y ajoute la laïcité. C’est une évidence ! La voie de l’article 89 de la Constitution permettra que se tienne automatiquement un référendum : le moment est venu de consulter le peuple français. C’est tout l’avantage de la proposition de loi constitutionnelle qu’Hervé Marseille, Philippe Bas et moi-même avons cosignée.

Cette clarification est bienvenue, car – on le voit bien – la loi de 1905 ne peut pas tout. Si tel était le cas, monsieur le garde des sceaux, il n’y aurait pas eu la loi de 2004 contre les signes ostentatoires, et une autre loi spécifique n’aurait pas non plus été nécessaire en 2010.

Cette clarification est également utile au regard de la jurisprudence du Conseil constitutionnel de 2004. Vous l’avez vous-même souligné, il s’agissait à l’époque de régir les relations entre collectivités publiques, alors qu’avec notre texte nous visons les règlements intérieurs des entreprises, des associations et des clubs sportifs qui peuvent être le foyer d’une radicalisation lorsque les islamistes mettent la main sur ces structures.

Graver une jurisprudence dans le marbre constitutionnel, vous pouvez me croire, c’est important. Car ce que peut faire un juge un jour, un autre juge peut le défaire le lendemain.

Mes chers collègues, la France vient de nouveau de vivre un épisode tragique, extrêmement douloureux. Entre l’école, la République et la France, il y a une identification. Le pacte républicain, le pacte national, c’est le pacte scolaire. Si la IIIe République a appelé les professeurs des « instituteurs », c’est parce qu’il fallait « instituer » un nouveau régime : la République.

On dit parfois qu’il faut toucher à la loi fondamentale d’une main prudente. Je pense qu’il y a de fausses prudences, mes chers collègues, qui sont de vraies lâchetés : le moment est venu non seulement d’affirmer ce que nous sommes, quelles sont nos valeurs, mais aussi d’éradiquer l’islamisme sans aucune concession, en rappelant que la loi de la République est plus forte que la loi religieuse.

Nous pouvons le faire ensemble, monsieur le garde des sceaux. J’ai entendu les appels à l’unité nationale : ici, au Sénat, nous y avons toujours répondu, dans toutes les crises. Mais vous refusez aujourd’hui la main que l’on vous tend. Pour vous, l’unité nationale, c’est dans un seul sens.

Mes chers amis, que vive la République et que vive la France !

3 commentaires :

Le 26/11/2020 à 16:49, aristide a dit :

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"Nous sommes en train de perdre, mes chers collègues, cette bataille, parce que nous ne croyons pas suffisamment en nos valeurs, en ce que nous sommes."

Parce que le communautarisme religieux a infiltré la classe politique locale, et qu'avec les exceptions il peut faire ce qu'il veut ou à peu près.

Vous trouvez ce commentaire constructif : non neutre oui

Le 26/11/2020 à 16:51, aristide a dit :

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"en rappelant que la loi de la République est plus forte que la loi religieuse."

Avec les exceptions officielles, la loi religieuse se joue de la loi de la République...

Vous trouvez ce commentaire constructif : non neutre oui

Le 26/11/2020 à 16:55, aristide a dit :

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Il faut être clair, l'intégration prévue par le pouvoir politique, c'est l'intégration par l'exception à la laïcité, et après on s'étonne que la République n'arrive pas à se faire obéir, qu'elle a perdu son autorité.

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