Intervention de Jacqueline Gourault

Réunion du 20 octobre 2020 à 14h30
Plein exercice des libertés locales — Discussion d'une proposition de loi constitutionnelle et d'une proposition de loi organique dans les textes de la commission

Photo de Jacqueline GouraultJacqueline Gourault :

S’agissant de la proposition de fusion des articles 73 et 74 de la Constitution relatifs au régime constitutionnel des territoires ultramarins, vous savez qu’il s’agit d’un sujet extrêmement sensible et complexe. À mon sens, toute évolution devrait être précédée d’une étude et d’une concertation approfondie. Le Gouvernement entend le souhait des collectivités ultramarines de disposer de statuts sur mesure qui tiennent compte pleinement de leurs caractéristiques et des contraintes spécifiques qui s’imposent à elle.

Toutefois l’histoire institutionnelle de la Ve République, et particulièrement la révision constitutionnelle de 2003, a montré qu’il est possible de passer aisément d’une catégorie relevant de l’un de ces deux articles à l’autre, si tel est le souhait des élus et des populations concernées.

Pour ce qui est de la proposition de loi organique, je tiens à souligner la très grande proximité entre votre texte et celui que je présenterai le 3 novembre prochain, ce dont je me réjouis, tant cela nous simplifiera les choses. Il me semble que nous partons en effet du même principe : l’égalité devant la loi, nécessairement générale et abstraite, demande parfois à être contrebalancée par un principe d’équité, afin de permettre à l’État de prendre pleinement en compte la singularité de chacun des territoires et aux territoires d’exprimer cette singularité à travers des réflexions, des projets, des politiques qu’ils souhaitent mener.

Tel était d’ailleurs le sens du propos du Président de la République lorsque, dès la première conférence des territoires, ici même, en juillet 2017, il avait souligné que l’égalité qui crée de l’uniformité n’assure plus l’égalité des chances sur la totalité de notre territoire. C’est pour cela que nous allons consacrer le droit à l’expérimentation et à la différenciation au sein d’un projet de loi organique que nous examinerons ensemble dans deux semaines.

Concrètement, nous allons faciliter l’accès aux expérimentations pour les collectivités locales, afin d’ouvrir la voie à une différenciation durable, non pour rompre l’égalité des territoires devant la loi – les garde-fous sont nombreux et puissants –, mais pour adoucir certaines rigidités parfois stérilisantes.

Vous avez l’objectif de pérenniser les expérimentations sur une partie seulement du territoire ; j’y suis évidemment favorable, mais je crois que nous devons aller plus loin et faciliter aussi le processus d’entrée dans l’expérimentation. En effet, les collectivités ne sont souvent pas demandeuses de transferts généralisés de compétences, mais d’adaptations locales. Or l’expérimentation permet précisément de répondre à ce besoin ; il faut donc inciter les collectivités territoriales à y recourir en simplifiant les procédures, par exemple en supprimant le rapport annuel du Gouvernement, mais pas le reste.

L’expérimentation est, par nature, une phase de test à l’issue de laquelle il faut procéder à une évaluation afin de décider s’il convient de la pérenniser sur tout ou partie du territoire ou de l’abandonner. C’est pourquoi je propose de maintenir la borne de cinq ans prévue aujourd’hui par notre Constitution. Tel est l’objet du second amendement du Gouvernement, le premier concernant les procédures.

Vous le savez, cette nouvelle étape de la décentralisation sera concrétisée par le projet de loi 3D que je porte, au premier semestre de l’année prochaine, puisque ce dernier hébergera les premières expérimentations lancées sur la base du nouveau corpus que nous allons bâtir ensemble.

Depuis 2017, nous agissons pour, partout, débrider les initiatives et les projets des collectivités territoriales qui inventent, au quotidien, l’avenir de notre pays. C’est pour cela que nous déployons également plusieurs programmes d’aménagement du territoire : Action cœur de ville, Territoires d’industrie, Petites villes de demain, en liaison avec l’Agence nationale de la cohésion des territoires créée au 1er janvier 2020, lesquels, par la dynamique qu’ils suscitent, démontrent toute leur pertinence, a fortiori dans le contexte actuel de crise sanitaire. Ils seront de très importants vecteurs pour la relance.

Il me semble désormais que nos deux textes constituent le point d’orgue de notre action pour les territoires, parce qu’ils reposent sur des principes clés qui guident notre action depuis plus de trois ans, c’est-à-dire la confiance et la liberté, et donnent de nouveaux moyens concrets pour imaginer et pour mettre en œuvre les milliers de projets et d’initiatives qui, sans cela, n’auraient peut-être pas vu le jour.

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