Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, sur ces travées, depuis toujours, nous veillons à l’autonomie et au respect de nos collectivités. Nous veillons à ce que leurs dotations ne baissent pas et à ce que les élus soient reconnus. Pour autant, nous n’avons pas toujours été entendus, en particulier lors du débat sur la loi NOTRe, loi que beaucoup aujourd’hui considèrent comme funeste.
Aujourd’hui, si j’ai bien compris ce que nous a expliqué le Premier ministre, ici même, au Sénat, la commune n’est plus une entité grenouille à faire grossir en bœuf. Le département semble même retrouver ses lettres de noblesse. Il me paraît donc que le moment est à saisir pour repenser, adapter, voire alléger le fonctionnement de nos collectivités.
Tel était l’objectif de la délégation aux collectivités territoriales dont je salue, au nom du groupe Union Centriste, l’ancien président Jean-Marie Bockel, qui a su traduire la volonté des élus locaux dans les « 50 propositions pour le plein exercice des libertés locales ». Ces 50 propositions ont donné naissance à trois propositions de loi dont nous étudions aujourd’hui les volets constitutionnel et organique.
Au travers des présentes propositions de loi, quatre objectifs sont recherchés : assurer une représentation équitable des collectivités, adapter leurs compétences à leur réalité, garantir leur autonomie financière et, enfin, réviser le régime constitutionnel de nos collectivités ultramarines.
Une représentation équitable implique que l’écart entre le nombre d’élus représentant le territoire et le nombre d’élus censés le représenter en fonction de sa démographie puisse atteindre 50 %.
Combien de communautés de communes ou de communautés d’agglomération dysfonctionnent-elles, parce que les plus petites communes n’ont plus voix au chapitre et que la ville-centre, majoritaire à elle seule, gère l’agglomération comme si c’était chez elle, et uniquement chez elle ? Et je ne parle pas de la métropole de Lyon au sein de laquelle certaines communes ne sont plus représentées, niées, trop petites, alors que le confinement nous a prouvé la véritable utilité des petites communes.
Parlons des compétences, maintenant.
Ces textes permettront une adaptation des compétences en fonction de ce que les collectivités peuvent, veulent ou non réaliser. Il me semble que c’est le volet le plus difficile à mettre en œuvre. Il est clair que le fait de permettre à une collectivité d’exercer une mission qu’elle souhaite exercer alors que, dans la collectivité voisine, c’est à un autre échelon que l’affaire se traite, cela revient à créer de l’inégalité.
Mais doit-on empêcher une commune de réaliser une action qui relève du ressort communautaire si l’EPCI ne s’en saisit pas ? Les communes en question, me direz-vous, disposent peut-être de moyens que les autres n’ont pas. Mais peut-être veulent-elles justement mettre les moyens que d’autres ne souhaitent pas y consacrer. Et peut-être est-ce cela justement faire de la politique ?
C’est pourquoi il est bon de voir un texte limitant le pouvoir réglementaire national sur les collectivités, tout comme il est bon de constitutionnaliser la clause de compétence générale des communes.
Alors, c’est vrai, il n’y aura pas les mêmes avantages à vivre dans la collectivité X que dans la collectivité Y, mais c’est à cela que servent les élections : choisir ses élus et son cadre de vie.
J’aimerais également saluer la reconnaissance dans la proposition de loi organique des études d’impact et des avis du Conseil national d’évaluation des normes, ainsi que la possibilité introduite par nos collègues socialistes de faire appel à des organismes publics indépendants pour réaliser ces études d’impact.
Toujours parmi les sujets de satisfaction, j’ajoute l’allongement de la période d’expérimentation et la possibilité, au terme des expérimentations, de les étendre à tout ou partie – et c’est bien entendu le mot « partie » qui m’intéresse – du territoire.
Évoquons les ressources, ensuite.
Comment ne pas approuver que celles-ci puissent être déconnectées des impôts nationaux, sur lesquels les collectivités n’ont aucune prise ? Par ailleurs, on nous retire la taxe d’habitation, coupant ainsi un lien fort – quand bien même n’est-il pas agréable – entre la commune et ses habitants. Tailler dans les ressources propres des communes revient à mettre ces dernières sous tutelle, car on les rend ainsi dépendantes des dotations. Comment définir une politique si l’on ne peut définir les moyens à y consacrer ?
Je comprends donc cette dissociation même si, là encore, je crains que nous n’attendions longtemps avant que celle-ci puisse s’appliquer. En revanche, et cela devrait être mis en place rapidement, il est indispensable de prévoir le réexamen régulier des moyens affectés aux politiques décentralisées. Je peux citer l’Yonne, département de 350 000 habitants auquel, avant la crise, il manquait 50 millions d’euros pour boucler le budget lié au revenu de solidarité active (RSA), compte tenu de ce que lui donne l’État.
Cela doit nous servir d’exemple, afin que nous n’acceptions pas une nouvelle décentralisation – quand bien même serait-elle souhaitée – sans compensation financière et sans clause de réexamen régulier.
Mentionnons les collectivités ultramarines, enfin.
Notre groupe compte des élus ultramarins, qui ont su nous sensibiliser à leurs problèmes. Notre collègue Lana Tetuanui a proposé plusieurs amendements, qui ont été rejetés par la commission. Ils visaient à aider la collectivité de Polynésie – mais les difficultés rencontrées par les uns doivent l’être par les autres – à mieux s’administrer.
Pour autant, dans sa sagesse, la commission a limité l’intervention de ces propositions de loi sur les articles 73 et 74 de la Constitution, ouvrant le débat, mais préférant laisser mûrir les sujets avant de les faire entrer dans la loi.
En conclusion, je rappelle que toutes nos collectivités – je dis bien « toutes » –, si proches ou lointaines soient-elles de Paris, ont besoin de souplesse et de réactivité de la part de l’État. Toutes ont besoin de bon sens et d’agilité. Ces propositions de loi en apportent : c’est pourquoi le groupe Union Centriste les votera.