Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, devant la multiplicité des thèmes abordés dans ces propositions de loi et au regard de l’actuel état financier dans lequel se trouvent plongées nos collectivités, permettez-moi en cinq minutes de concentrer mon propos sur ce seul aspect budgétaire.
En effet, les marges de manœuvre financières des collectivités territoriales connaissent depuis plusieurs années une réduction sans précédent.
Du côté des dépenses, les contrats dits de Cahors ont eu pour effet de contraindre très significativement leurs choix de gestion, en exerçant une forte pression à la baisse sur leurs dépenses réelles de fonctionnement.
Du côté des recettes, la réforme en cours de la taxe d’habitation entérine le mouvement – déjà entamé – d’une réduction du pouvoir fiscal des collectivités au profit du transfert d’impositions nationales sur lesquelles les collectivités n’ont jamais la main. Nous sommes là bien loin de l’article 72 de notre Constitution, qui prévoit pourtant clairement que nos collectivités s’administrent librement et qu’aucune d’entre elles ne peut exercer une tutelle sur une autre.
Il convient donc de remédier aux différentes dérives constatées ici ou là, en renforçant les outils de leur autonomie financière.
Garantir l’autonomie financière des collectivités locales, c’est d’abord redéfinir la notion de ressources propres : c’est l’objet de l’article 4 de la proposition de loi organique, qui vise à en exclure les ressources sur lesquelles les collectivités n’ont aucun pouvoir ni de taux ni d’assiette, et qui donnent une image tronquée de la réalité de leur autonomie financière.
Cette redéfinition pose néanmoins des difficultés techniques, tenant au niveau des ratios d’autonomie financière qui en résultent. Nettement diminués, ceux-ci seraient surtout très inégaux, posant la question de la cohérence juridique de la notion de « part déterminante de ressources totales », qui doivent représenter les ressources propres d’une catégorie de collectivités.
La commission des lois a donc choisi de remédier à cette difficulté en adoptant un amendement, pour prévoir que les ressources propres ne constituent qu’une part significative des ressources totales d’une catégorie de collectivités. Si ce choix revient à diminuer la portée de l’exigence constitutionnelle, il permet en réalité d’en garantir l’applicabilité.
La commission des lois a également supprimé la procédure de modification du calcul prévu au dernier alinéa de l’article 4 de la proposition de loi organique. Celle-ci ne semblait pas répondre à une nécessité réelle, dans la mesure où l’éventuelle diminution des concours financiers de l’État s’opère généralement en dehors de toute référence au ratio d’autonomie financière et pouvait ainsi mener à l’insincérité de l’indicateur.
Enfin, la commission des lois a adopté un amendement rendant la procédure plus rapide et efficace lorsque les ratios d’autonomie financière planchers ne sont pas respectés.
L’article 5 de la proposition de loi constitutionnelle vise, à titre principal, à garantir la pleine compensation financière des compétences dont l’exercice est attribué aux collectivités territoriales selon le principe « qui décide paie ». Il étend la règle de compensation financière intégrale actuellement applicable aux transferts de compétences, aux créations et extensions, mais également aux modifications des conditions d’exercice des compétences des collectivités territoriales. Il prévoit également une réévaluation régulière des ressources ainsi transférées aux collectivités.
La commission des lois a adopté cet article en lui apportant trois modifications.
Premièrement, elle a tiré les conclusions du choix opéré sur la redéfinition des ressources propres en inscrivant la notion de « part significative des ressources totales » à l’article 72-2 de la Constitution.
Deuxièmement, elle a remplacé la notion de « réévaluation régulière » par celle de « réexamen régulier », afin que la mise en œuvre du dispositif permette d’envisager, à terme, une refonte de la gouvernance des finances locales.
Enfin, troisièmement, elle a précisé le dispositif de compensation financière pour qu’il ne s’applique qu’aux seules modifications des conditions d’exercice des compétences des collectivités territoriales résultant de décisions de l’État.
Pour conclure, à l’heure où tout le monde brandit la décentralisation telle une marotte, je précise que ces propositions de loi ont le grand mérite de placer le sujet de l’autonomie financière des collectivités au centre des débats, et c’est heureux ! Prenons garde toutefois que la crise sanitaire sans précédent que nous sommes en train de traverser ne vienne malheureusement pas renforcer une funeste dépendance.