Intervention de Micheline Jacques

Réunion du 20 octobre 2020 à 14h30
Plein exercice des libertés locales — Discussion d'une proposition de loi constitutionnelle et d'une proposition de loi organique dans les textes de la commission

Photo de Micheline JacquesMicheline Jacques :

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nul n’ignore ici combien la différenciation territoriale est placée au cœur des réflexions et de la vision des outre-mer de Michel Magras, notamment en tant que levier du dénouement du nœud gordien de l’inadaptation des normes – au sens large – si dommageable aux territoires.

Aussi, j’ai l’honneur à la fois de succéder à Michel Magras au sein de la Haute Assemblée, et d’admettre et d’assumer d’être son ombre portée dans ce débat.

L’enjeu de l’acclimatation est crucial outre-mer, afin de garantir la pertinence de la norme et, ainsi, l’efficience des politiques publiques.

Les travaux sur les normes de la délégation sénatoriale aux outre-mer ont en cela été fondateurs d’une nouvelle approche. C’est aussi dans cette optique que l’adoption d’un nouveau cadre constitutionnel commun aux outre-mer constitue l’aboutissement de la réflexion menée au cœur du récent rapport de la délégation, intitulé Différenciation territoriale outre-mer : quel cadre pour le sur-mesure ?. Il s’agit ainsi de définir l’architecture des relations entre l’État et les collectivités ultramarines selon une logique de subsidiarité.

L’intérêt d’un tel cadre est d’offrir la possibilité de déterminer l’autorité la mieux placée pour exercer la compétence, tout en permettant à chaque territoire de définir l’organisation qui lui convient à cet effet.

Dans le sillage des travaux du groupe de travail du Sénat sur la décentralisation, la majorité sénatoriale a donc souhaité examiner le présent texte dans un délai certes très court. J’y vois pour ma part une démarche de reconnaissance et d’affirmation du rôle central des collectivités, y compris outre-mer, particulièrement mis en lumière durant le confinement, et la volonté de la placer à la charnière du lien de confiance à recréer, ce à quoi on ne peut que souscrire.

L’outre-mer ne saurait rester à l’écart du mouvement de desserrement de la centralisation et de renforcement de la démocratie locale qu’entend ainsi amorcer le Sénat.

Du reste, nul doute que les auteurs de la présente proposition de loi constitutionnelle l’ont entendu ainsi, en prévoyant à l’article 6 des dispositions pour les outre-mer même si, disons-le, cela a pu surprendre. Si cet article répond au principe de réunion des articles 73 et 74 de la Constitution, adopté par le groupe de travail sur la décentralisation du Sénat, il ne saurait pour autant occulter certaines objections sur la méthode et sur le fond.

Les travaux de notre ancien collègue Michel Magras sur la différenciation territoriale ont permis d’aboutir, postérieurement au dépôt du présent texte, à une rédaction qui, sur le fond, semble recueillir une adhésion relativement large. À cet égard, la mise en place d’un groupe de travail permettrait un approfondissement de la nécessaire concertation dans le cadre bien compris des prérogatives du constituant. Je vous proposerai, par voie d’amendement, que ces travaux soient mis en œuvre sur le fondement d’une première rédaction.

La collectivité de Saint-Barthélemy n’était pas spontanément demandeuse d’une réforme en profondeur du cadre constitutionnel, mais elle considère que l’opportunité de tirer les leçons de l’expérience de son statut doit être saisie, en améliorant le cadre constitutionnel qui lui permettrait de parfaire son propre cadre statutaire.

L’actuel cadre constitutionnel ne lui a, par exemple, pas permis d’être entendue sur ses aspirations en matière de sécurité sociale. Il s’agirait également de prévoir le transfert du droit pénal spécial, la procédure actuelle ayant montré ses limites. Plus généralement, la collectivité de Saint-Barthélemy souhaite bénéficier de la possibilité de disposer de compétences élargies, selon un calendrier préétabli, dans le cadre de la loi organique qui la concerne.

Madame la ministre, mes chers collègues, au fond, la problématique qui nous occupe est celle de la conciliation de la pluralité des outre-mer et de leurs aspirations, qui restent malgré tout liées par leur destin constitutionnel. En dépit de trajectoires différentes, je suis convaincue que la discussion peut nous permettre de nous rejoindre.

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