Dans une période troublée et violente, il est d’autant plus nécessaire d’être clair sur les principes. Le premier principe est que la France est un État de droit, c’est-à-dire un pays où la norme s’applique et où l’arbitraire n’a pas sa place. Or, depuis vendredi, monsieur le Premier ministre, votre ministre de l’intérieur dit vouloir intimider et passer des messages, usant pour ce faire de pouvoirs qui trouveront rapidement leurs limites, et assume une forme d’arbitraire. Le garde des sceaux, tout d’abord discret – il est d’ailleurs absent aujourd’hui –, semble prêt à modifier la loi fondatrice de la liberté de la presse et de la liberté d’expression du 29 juillet 1881.
Permettez-moi de vous rappeler les propos tenus par Robert Badinter, au lendemain de l’attentat contre Charlie : « Ce n’est pas par des lois et des juridictions d’exception qu’on défend la liberté contre ses ennemis. Ce serait là un piège que l’histoire a déjà tendu aux démocraties ; celles qui ont cédé n’y ont rien gagné en efficacité répressive, mais beaucoup ont perdu en termes de liberté et parfois d’honneur. »
Monsieur le Premier ministre, dans cette période où le « en même temps » ne peut vous guider davantage, ma question est simple : entendez-vous écorner notre État de droit ou, au contraire, vous y référer toujours dans un face-à-face courageux avec les Français ?