Intervention de Monique Lubin

Réunion du 21 octobre 2020 à 15h00
Déshérence des contrats de retraite supplémentaire — Adoption d'une proposition de loi dans le texte de la commission modifié

Photo de Monique LubinMonique Lubin :

Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, nous avons bien compris le sens de la proposition de loi relative à la déshérence des contrats d’épargne retraite supplémentaire. Insuffisamment avisés de l’épargne constituée en leur faveur, de nombreux assurés ont en effet pu délaisser leurs capitaux, qui demeurent en conséquence en déshérence au bilan des compagnies d’assurances.

Cette proposition de loi instaure plusieurs garde-fous pour prévenir le phénomène de déshérence des contrats d’épargne retraite supplémentaire, en offrant une meilleure information aux assurés. Elle a pour objet d’inciter les gestionnaires à communiquer toutes les informations qu’ils possèdent sur leurs clients au GIP Union Retraite. Elle a aussi pour finalité la mise en place par le GIP d’une campagne de communication, afin d’aiguiller les retraités vers le site Info Retraite ; ceux-ci pourront ainsi vérifier s’ils sont ou non bénéficiaires d’un contrat d’assurance retraite supplémentaire. Enfin, elle tend à inciter les entreprises à informer leurs salariés qu’ils sont bénéficiaires d’un contrat d’épargne retraite supplémentaire.

Il nous paraît évident que tout ce qui peut permettre aux personnes ayant souscrit un contrat de faire valoir leurs droits va dans le bon sens. Renforcer le droit à l’information de petits épargnants est une bonne chose. Cependant, il nous semble que beaucoup a déjà été fait sur le sujet. Il s’agit en effet ici de compléter les dispositions adoptées sous la majorité socialiste en 2014 et en 2016. L’enjeu était de taille : on recensait, en 2012, 1, 8 million de comptes inactifs, pour un encours de 1, 6 milliard d’euros.

Cette situation très insatisfaisante était notamment le fruit d’un environnement insuffisamment réglementé et contraignant. Les dispositions de ce qui deviendrait la loi Eckert du 13 juin 2014 ont ainsi plutôt fait l’unanimité : ce texte a notamment renforcé les obligations de recherche et d’information pesant sur les institutions financières proposant des contrats d’assurance-vie au profit des souscripteurs et des bénéficiaires de ces mêmes contrats. Ces dispositions ont été efficacement mises en œuvre, ce qui a permis de réduire progressivement le stock de contrats non liquidés.

Toutefois, des difficultés ont demeuré concernant les contrats d’épargne retraite supplémentaire non réclamés. Le fait que l’épargne retraite soit constituée de contrats dont l’échéance ne peut être déterminée à l’avance complique en effet les choses. Les assureurs rencontrent également de nombreux obstacles pour retrouver les titulaires des contrats : ils n’ont souvent que les coordonnées des entreprises qui employaient les épargnants. La connaissance imparfaite par les épargnants des droits qu’ils ont pu constituer tout au long de leur carrière est aussi une source de difficultés.

Pour résoudre ces problèmes, la loi Sapin II du 9 décembre 2016 impose aux assureurs qui proposent des contrats d’épargne retraite supplémentaire d’informer chaque année les assurés sur leurs droits. Cette loi dispose également que les assureurs doivent soumettre un rapport à l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution et au ministre de l’économie. Ce document doit indiquer le nombre et l’encours des contrats non liquidés, ainsi que les moyens mis en œuvre pour informer les adhérents.

Malgré toutes ces dispositions, des problèmes demeurent. Cela amène à s’interroger sur les contrats dont il est question aujourd’hui : les contrats d’épargne retraite supplémentaire facultative relèvent en effet, pour la majeure partie d’entre eux, d’une logique de capitalisation qui pourrait, dans l’esprit de certains, offrir une alternative au régime de retraite par répartition. Pourtant, certains de ces fonds sont dormants, les bénéficiaires ayant fini par oublier qu’ils avaient souscrit de tels contrats. L’efficience économique et sociale de ces derniers est donc sujette à caution.

Ces dispositifs d’épargne retraite sont peu fiables : la preuve en est la nécessité de légiférer sans cesse pour leur permettre de fonctionner correctement. La présente proposition de loi a donc pour objet de corriger des difficultés inhérentes à un système de retraite facultatif qui dysfonctionne.

C’est la raison pour laquelle je m’interroge sur l’intérêt du texte discuté aujourd’hui. Ne devrait-on pas plutôt se pencher sur la forme et le fond de ces contrats ? Nombre d’entre eux ne sont jamais réclamés et des sommes d’argent dormant ne profitent pas à ceux qui devraient en être les bénéficiaires. Dans le même temps, elles permettent de financer on ne sait quoi, on ne sait où. Pourquoi donc continuer à aménager le droit pour améliorer à la marge des produits financiers qui, de toute évidence, sont insatisfaisants ? Ne devrait-on pas plutôt choisir d’améliorer les régimes généraux, puisqu’il est question de financer les retraites ?

C’est ce questionnement de fond qui nous conduit à douter de l’opportunité de cette proposition de loi et qui détermine le choix du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain de s’abstenir.

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