Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, la proposition de loi relative à la déshérence des contrats de retraite supplémentaire aura davantage un rôle de prévention qu’un effet sensible de résolution du stock de contrats le plus ancien.
L’importance des montants en déshérence soulignait un des points de fragilité de ce troisième étage de retraite par capitalisation appelé à se développer à la suite des réformes successives des retraites, qui conduisent à une baisse tendancielle des revenus des retraités du régime général et complémentaire obligatoire, dans un mouvement de substitution plus que de complémentarité, que nous dénonçons par ailleurs.
Il convenait donc de rétablir la confiance dans ces produits, dont une partie des bénéficiaires ne faisaient pas valoir leurs droits, faute d’information ou parce que les organismes gestionnaires avaient perdu leur trace, ce qui souligne le défaut de fiabilité du système par capitalisation.
Le montant de 13 milliards d’euros d’encours en déshérence est souvent évoqué. Il est cependant calculé à l’âge légal de départ à la retraite, soit 62 ans – tout contrat non dénoué à cet âge est réputé en déshérence –, alors même que, en 2019, en excluant les départs anticipés, l’âge moyen de liquidation de la retraite était de 63, 5 ans. Cet âge ne fait d’ailleurs que reculer à la suite des réformes successives, puisqu’en 2010 il n’était que de 61, 5 ans.
Il conviendrait donc d’étudier l’état du stock à des âges ultérieurs, notamment à l’âge de la retraite à taux plein, pour cerner véritablement l’ampleur du problème, d’autant que, même si ce n’est pas exclusif, ces contrats ont surtout été prisés par certaines catégories de salariés, employés, techniciens et agents de maîtrise (ETAM) ou cadres, ces derniers partant plus tard à la retraite. Par ailleurs, il est possible de liquider sa retraite supplémentaire après son départ à la retraite, pour bénéficier d’une rente supérieure.
Remarquons par ailleurs que la déshérence concerne plutôt des contrats collectifs, qu’il conviendrait de différencier selon qu’ils sont à adhésion facultative ou à adhésion obligatoire. Pour ces derniers, peut-être faudrait-il ne plus permettre l’adhésion par défaut des salariés.
Ainsi, les encours des contrats de retraite supplémentaire non dénoués sont estimés à un peu plus de 5 milliards d’euros à 65 ans et à 1, 8 milliard d’euros à 70 ans, le risque de déshérence totale étant élevé à cet âge. Ce montant est loin des chiffres souvent évoqués, même s’il reste non négligeable.
Le texte de la commission des affaires sociales reprend l’obligation faite aux gestionnaires de ces produits d’épargne de transférer régulièrement leurs informations au groupement d’intérêt public Union Retraite. Il ne retient pas, en revanche, la mise en place d’une campagne de communication relative au site Info retraite par le GIP. Cela nous semble pourtant nécessaire, et non d’un niveau infralégislatif, pour permettre aux retraités de rechercher la trace d’éventuels contrats de retraite supplémentaire et, au-delà du problème de la déshérence, pour faire connaître cet outil.
Par ailleurs, si la proposition de loi améliore l’information des salariés sur les éventuels contrats de retraite supplémentaire à leur nom au moment de leur départ – c’est l’objet de l’article 3 –, il nous semble que, pour favoriser la connaissance par les salariés des contrats de retraite supplémentaire détenus, l’information doit être donnée sur le reçu pour solde de tout compte, comme retenu par l’Assemblée nationale et recommandé par le Comité consultatif du secteur financier.
En conclusion, nous ne pouvons que souscrire à des améliorations dans le recours aux droits conventionnels, nonobstant notre critique de la volonté de promouvoir ce type de produits d’épargne retraite par capitalisation et de l’affaiblissement de notre régime général et complémentaire obligatoire de retraite par répartition. Nous pensons par ailleurs que ces fonds en déshérence devraient, in fine, être versés au régime général des retraites, plutôt qu’au budget de l’État.
En définitive, le texte que nous examinons nous semble modifier sans grande valeur ajoutée celui qui est issu des travaux de l’Assemblée nationale : il paraît même moins complet sur les deux points que j’ai évoqués. Nous déterminerons notre vote à l’issue de la discussion.