Vous imaginez bien que, compte tenu de ce qu’a été la vie de sa femme et du fait qu’il ne connaît pas l’entièreté de son parcours, Aristide ne parviendra malheureusement pas à remettre la main sur les bulletins de salaire de Marguerite, définitivement perdus.
Qu’est donc devenue l’épargne de Marguerite ? On voit bien qu’il peut s’avérer très complexe de retracer le parcours d’un salarié et qu’il est difficile, pour les entreprises comme pour les salariés et les assureurs, de rassembler toutes les pièces et de retrouver les preuves de toutes les cotisations versées au cours d’une vie professionnelle.
L’assureur de la première société dans laquelle Marguerite a travaillé, il y a plus de trente ans, la connaît sous son nom de jeune fille, alors qu’elle a changé trois fois de nom par la suite. Établir l’historique des données est donc une difficulté très difficile à surmonter pour que pour les assureurs puissent remonter jusqu’au bénéficiaire et verser les prestations.
De même, il est parfois difficile, pour un assuré, de savoir s’il a cotisé à une retraite supplémentaire, quand son entreprise a souscrit le contrat sans lui en exposer les conditions. Un salarié peut ainsi perdre le bénéfice de son capital si la société n’existe plus, si elle a changé à plusieurs reprises d’assureur ou si elle a cotisé auprès d’assureurs qui n’existent plus.
Cette situation, bien réelle, explique pourquoi l’encours des contrats en déshérence à l’âge de 70 ans s’élève aujourd’hui au montant énorme de 1, 8 milliard d’euros. La déshérence résulte non pas de la mauvaise volonté des assureurs, comme certains voudraient le faire accroire, mais des parcours complexes que je viens de décrire.
Les assureurs n’ont pas intérêt à avoir des contrats en déshérence, car cela est synonyme d’argent bloqué, transféré à la Caisse des dépôts et consignations. Cet argent ne profite donc pas à l’économie. La situation est rendue complexe par l’absence de suivi du bénéficiaire et de sa situation familiale au cours de sa vie ; cette complexité tient aussi au fait que la date de départ à la retraite n’est jamais clairement définie.
La présente proposition de loi prévoit donc tout simplement que le gestionnaire du contrat informera le GIP Union Retraite lors de la souscription. Ce site permet aujourd’hui à un salarié de retracer sa carrière, d’estimer le montant de sa retraite de base et de sa retraite complémentaire obligatoire, avec un recoupement des cotisations aux différentes caisses. Je vous encourage d’ailleurs, mes chers collègues, à le consulter, afin de pouvoir mesurer sa simplicité d’utilisation et son efficacité.
Au travers du texte que nous examinons aujourd’hui, nous proposons également d’ajouter à la synthèse effectuée par le GIP Union Retraite la part de retraite complémentaire, relevant du dispositif « article 83 » ou de celui de la loi Madelin, entre autres. Il est aussi proposé que le solde de tout compte récapitule les garanties et les droits acquis, comme la réversion, pour les contrats qui seront dorénavant conclus.
Cette proposition de loi apportera donc une grande simplification et beaucoup de transparence, au bénéfice des entreprises, des assureurs et, surtout, des salariés. Ces derniers pourront connaître en un « clic » tout l’historique de leurs cotisations à un contrat d’assurance retraite supplémentaire.
Si le dispositif de l’article 1er permettra de réduire le nombre de contrats en déshérence, celui de l’article 3 ne réglera pas le problème pour les contrats de retraite surcomplémentaire non liquidés. La loi Eckert ayant permis des évolutions pour les contrats d’assurance-vie, il serait utile, comme tend à le prévoir l’amendement de notre collègue Savary, d’étendre ses dispositions aux sur-retraites. Il est temps, aujourd’hui, de régler cette question afin que les assurés puissent bénéficier de l’épargne qu’ils ont constituée au cours de leur vie active.
Ce texte allant dans son ensemble en ce sens, j’y suis favorable. Il importe vraiment d’endiguer le phénomène de la déshérence des contrats de retraite supplémentaire.